L'enjeu du contrôle des contenus
En janvier 2010, après avoir nié un accord d’acquisition avec la NBC, Comcast annonce une joint-venture avec le Groupe General Electric, alors maison mère de la NBC. L’accord s’élève à hauteur de 37,25 millions de dollars et permet à Comcast d’obtenir 51% des parts de la NBC ; en même temps, General Electric emprunte 9,1 milliards de dollars et rachète les 20% de parts détenus par Vivendi.
À ce jour, on estime que le FAI bénéficie déjà d’une base de 23,8 millions de clients. En fusionnant avec la NBC, Comcast étend non seulement son champ de distribution, mais s’associe surtout à un producteur majeur de contenus télévisés et cinématographiques. En effet, NBC détient 26 chaînes de télévision locale et plusieurs studios de cinéma (Universal Pictures, Focus Featured). Possédant ainsi ses propres contenus, Comcast pourrait bloquer les droits de distribution des programmations télévisées sur Internet, verrouillant ainsi la concurrence.
Cette fusion est en ce moment-même étudiée par la Federal Commission of Communication (FCC) et le DOJ. Comcast possédant déjà plusieurs médias tels que Fancast, Fandango (filiale ayant acheté Movies.com à Walt Disney en Juin 2008), le réseau communautaire Plaxo, ainsi que 5 réseaux télévisés, parmi lesquels E !, G4 ou Style, le groupe est accusé d’enfreindre les lois anti-trust par cette intégration verticale.
Crainte d’autant plus fondée qu’en avril 2010, Comcast a gagné en appel contre la FCC, lors d’une affaire mettant en cause la neutralité du Net. En 2007, plusieurs abonnés au forfait haut débit de Comcast ont en effet découvert que leurs connexions pouvaient être ralenties ou filtrées. La compagnie avança l’argument de la gestion de son réseau, mais la FCC affirma que Comcast entravait l’accès à Internet et l’usage de certaines applications de manière significative, et poursuivit Comcast sur le principe qu’un fournisseur d’accès à Internet (FAI) ne doit pas avoir la possibilité de discriminer certains types de contenus, en fonction de leur source ou de leur type
. La victoire en appel de Comcast a donc permis à Comcast de contrôler davantage la distribution de ses contenus, la FCC échouant à imposer le principe de neutralité des réseaux.
Ce cas rappelle en partie l’histoire des grands studios de cinéma américains, (MGM, Universal, Paramount) possédant d’importants réseaux de distribution qui cherchèrent à contrôler les contenus qu’ils proposaient. Ils possédaient les salles de cinéma ainsi que les studios de production les alimentant en films. Le gouvernement ordonna leur démantèlement à la fin des années 1940, en vertu de la même loi anti-trust et de la libre concurrence.
La situation est sensiblement la même dans le cas de Comcast, avec les nuances liées à l’époque et à l’échelle de ce nouveau média qu’est le Web. Mais l’idée est toujours, pour un distributeur, ici un FAI, de contrôler les contenus proposés dans son réseau, d’avoir une mainmise étroite sur l’ensemble de la chaîne des médias.
Mais en plus de contrevenir aux règles de libre-concurrence, les conditions de ce rachat soulèvent de nombreuses polémiques, tant dans l’opinion publique que dans la presse américaine.