L’accélération de la concentration des années 1990-2000
Sans rentrer en détail dans toutes les opérations de fusions-acquisitions qui ont marqué les années 1990-2000, il est important d’en présenter les plus marquantes afin de saisir les logiques dans lesquelles les groupes médiatiques évoqués ici s’inscrivent.
En 1994, Rogers rachète Maclean Hunters pour une somme de 3,4 milliards de dollars. Même si cette opération concerne surtout le Canada anglophone, elle constitue le prélude à une dynamique qui va bientôt toucher tout le pays – et le Québec en particulier. Quelques années après (1999-2000), la société Bell acquiert le réseau de télévision CTV Inc. et conclut une alliance avec le groupe canadien Thomson, propriétaire du journal
Globe and Mail. Ces opérations rentrent dans le cadre d’une stratégie de propriété croisée et de « convergence » mise en place par Jean Monty, En 2010, Bell, qui avait abandonné sa stratégie de convergence suite à l’explosion de la bulle internet, décide de renouer avec celle-ci en faisant l’acquisition complète de CTV pour 3,2 milliards de dollars.
Dans une dynamique similaire, en 1999, Cyberpresse ltée est créée au sein du groupe Gesca pour donner naissance deux ans plus tard au portail Web Cyberpresse.ca. Ce déploiement Web est accompagné d’une transaction importante lorsque le groupe Gesca, déjà propriétaire de quatre quotidiens (La Presse, La Voix de l’Est, La Tribune et Le Novelliste), met la main sur trois quotidiens du groupe Unimédia (Le Soleil, Le Droit, Le Quotidien) sur un marché de la presse écrite relativement restreint.
La même année, c’est Québecor qui réalise une des plus grosses opérations de la décennie en achetant Vidéotron, une société de câblodistribution, et le groupe de télévision TVA, avec l’appui du gouvernement via la Caisse de dépôt et de placements du Québec. Avec cette opération, Québecor affiche son désir de devenir un joueur de premier plan dans le secteur des médias et des communications en contrôlant à la fois les canaux de distribution et les contenus.
En 2008, Télévision Quatre Saisons (TQS), entreprise détenue majoritairement par Cogeco est achetée par Remstar. Après avoir éliminé la salle des nouvelles et de nombreuses émissions, TQS renaît, le 31 août 2009, sous le nom de V. Toutes ces opérations de fusion-acquisition dans le secteur des médias s’accompagnent d’une rationalisation des activités. Il s’agit de réduire les coûts au maximum et de rentabiliser son investissement de manière « optimale ».
Le dernier épisode majeur de cette série est l’annonce du rachat (OPA) d’
Astral par Bell le 16 mars 2012 pour une somme de 3,4 milliards de dollars. Estimant que Bell aurait eu un contrôle trop important sur le marché des médias, le CRTC refuse une première fois l’opération en octobre 2012. Néanmoins, le 27 juin 2013, trois mois après que le Bureau de la concurrence eut donné son aval pour une version retravaillée de la transaction, le CRTC revient sur sa décision et
autorise la transaction. Dans cette nouvelle version, Bell s’engage à se départir de quelques chaînes spécialisées francophones et stations de radio et à investir 246,9 millions de dollars dans des projets favorisant la production de contenus canadiens. On retrouve ici l’idée qu’il faut bâtir de grands champions afin de préserver et stimuler la créativité nationale. La transaction est conclue le 5 juillet dernier pour 3,2 milliards de dollars.
Cette série d’opérations montre très clairement en quoi l’histoire récente des médias au Québec est marquée par « la réduction du nombre des acteurs et par l’augmentation de leur envergure ». Dès lors, le secteur des médias québécois se définit comme un oligopole caractérisé par un haut niveau d’intégration horizontale et la domination d’acteurs s’inscrivant dans une stratégie de propriété croisée. À titre d’exemple, Quebecor, qui crée en 1964
Le Journal de Montréal, va d’abord opter pour une politique d’intégration verticale et horizontale dans le domaine de la presse écrite pour ensuite rentrer dans une dynamique de propriété croisée. Aujourd’hui, Québecor est un grand conglomérat exploitant des activités dans les domaines suivants : impression, édition de journaux, de magazines et de livres, vidéo, vente au détail de produits culturels, télédiffusion, télécommunications d'affaires, câblodistribution, accès Internet, portails Internet et téléphonie.
Ces opérations de propriété croisée que nous venons d’évoquer s’inscrivent dans la lignée de la fusion Times Warner/AOL. En effet, même si cette dernière s’est soldée par un échec suite à l’explosion de la bulle Internet, elle a fortement influencé les industries de la culture et de la communication. Ce type de politique vise à bénéficier de rendements d’échelle croissants et d’effets de synergie entre les différents médias que possède une société.
Source : Rapports annuels des sociétés