Pour de nombreuses plateformes, le symbole mathématique « + » est devenu un code incontournable.

Pour de nombreuses plateformes, le symbole mathématique « + » est devenu un code incontournable. 

© Illustration : Emilie Seto

TF1 +, Disney +, Paramount +, M6 +… Pourquoi tant de plateformes adoptent le « + »

Le symbole « + » est devenu omniprésent dans le paysage audiovisuel. Analyse d’un phénomène qui reflète les mutations de l’industrie et des usages.

Temps de lecture : 4 min

Disney +, Apple TV +, Paramount +, TF1 +, bientôt M6 +… Pour de nombreuses plateformes, le symbole mathématique « + » est devenu un code incontournable. Celles qui l’ont adopté ont un point commun : à quelques exceptions près, elles appartiennent à des groupes audiovisuels historiques qui ont accéléré leur transition vers le numérique. Ces groupes ont donné à leur plateforme un nom suivant la même structure : la marque qu’ils incarnent se voit associée au « + ».

Ni Netflix, qui envoyait des DVD par courrier avant d’investir le streaming, ni Amazon Prime Video n’ont eu recours au « + ». Warner Bros. Discovery, de son côté, a choisi de baptiser « Max » la plateforme issue de la fusion entre HBO Max et… Discovery +. Mais chez les autres grands acteurs du marché, le « + » triomphe.

Suivre les codes

En janvier dernier, le groupe TF1 a ainsi lancé TF1 +, sa nouvelle plateforme : « La marque TF1 est tellement puissante qu’il était indispensable de la conserver. Ensuite, nous avons analysé les codes du streaming en France et à l’étranger. Un symbole se détachait nettement : le “+”. Il était donc logique que notre plateforme se nomme TF1 + », retrace Maylis Çarçabal, directrice de la communication et des marques du groupe TF1.

« Pour un groupe, s’appuyer sur la marque qu’il représente, c’est une nécessité, parce que le public en est déjà familier. Y joindre le “+”, signe de l’addition, c’est informer que la plateforme constitue une valeur ajoutée, qu’elle met à disposition une offre riche de contenus (exclusifs, de catalogue, etc.) et un large panel de fonctionnalités », détaille Jean-Maxence Granier, fondateur de l’agence de conseil et d’études Think Out.

Le « + », ajoute-t-il, insiste sur le fait que les groupes audiovisuels « se dépassent ». Littéralement, chacun d’entre eux « fait plus », ce qui implique « différent ». Les créations originales qui ne s’inscrivent pas naturellement dans leur ADN illustrent cette démarche. Le groupe Disney, en proposant le 7 juin prochain la série Becoming Karl Largerfeld, sur la vie du célèbre couturier, rappelle que sa plateforme Disney + fournit des programmes pour une cible adulte, et pas seulement des contenus pour sa cible historique, la famille.

« Une dimension visuelle »

Le fait que beaucoup d’acteurs adoptent ce symbole ne risque-t-il pas de perdre le public ? « Bien au contraire, affirme Valérie Jeanne-Perrier, directrice adjointe du Groupe de recherches interdisciplinaires sur les processus d’information et de communication (Gripic). Le signe “+” accouplé à un nom de média fait tout de suite sens.Cela simplifie la compréhension du produit. »

Il faut dire que le « + » cumule les atouts. « Un symbole a une dimension visuelle ; c’est percutant. Et le “+” est immédiatement reconnaissable, à tout âge et dans toutes les cultures. Par ailleurs, il est audible et facilement prononçable. Enfin, il n’est la propriété de personne », énumère la chercheure.

Valeur « premium »

Avant TF1 +, la première chaîne disposait déjà d’une plateforme, myTF1, « mais c’était un service de rattrapage, identifié comme tel », rappelle Maylis Çarçabal. « Avec TF1 +, nous proposons une offre radicalement différente : une plateforme de streaming gratuite » (il est néanmoins possible de souscrire à une option payante qui supprime toute publicité).

Mi-mai, ce sera au tour de M6 de mettre en ligne sa plateforme gratuite, M6 +. Avec ces deux lancements, le symbole connaît une nouvelle évolution. « Jusqu’à présent, le “+” était associé au payant, puis il a inclus la notion de “plateforme”, sans exclure celle du payant, note Philippe Bailly, fondateur de NPA Conseil, structure d’expertise au service de la transformation des médias. TF1 + ou M6 + changent le sens du “+” : on parle toujours de plateformes, mais, cette fois-ci, elles sont gratuites. La stratégie ? Garder la valeur “premium” perçue, alors qu’il n’y a pas de coût d’abonnement. »

Le « + » originel

Le risque de confusion n’est-il pas davantage tangible ? Chez TF1, on est serein : « La campagne de promotion autour de notre plateforme rappelle clairement qu’elle est gratuite. En parallèle, quand on charge l’application, on constate tout de suite cette gratuité, souligne Maylis Çarçabal. Et les chiffres d’audience confirment qu’il n’y a aucun problème d’interprétation. »

Ironie de l’histoire : dans le langage courant, le « + » originel, celui de Canal +, n’est plus tellement prononcé. Et l’on a oublié qu’à son apparition, en 1984, il n’était pas à ce point chargé de sens. Pierre Lescure, l’un des bâtisseurs de Canal +, l’a rappelé en février 2012 sur le plateau de l’émission « On n’est pas couché » (à 27’30) : alors que cette chaîne en gestation est encore désignée comme « la quatrième chaîne couleur à péage », Georges Fillioud, ministre de la Communication, réagit : « Mais comment voulez-vous vendre cette idée ? Appelez ça, je ne sais pas moi, Canal… Canal + ! » Réplique immédiate d’André Rousselet, le fondateur de Canal + : « Je te le pique, c’est à nous. »

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