Cinéma brésilien : essor et failles d'un modèle économique

Cinéma brésilien : essor et failles d'un modèle économique

Sortie de son agonie au milieu des années 1990, l’industrie cinématographique brésilienne se consolide grâce à un modèle économique financièrement fleurissant mais inégal.
Temps de lecture : 18 min

Le cinéma brésilien représente un des marchés cinématographiques les plus importants d’Amérique latine aux côtés de celui de Cuba, du Mexique et d’Argentine(1). Des films comme Central do Brasil (Walter Salles, 1998)(2), Cidade de Deus (Fernando Mereilles, 2002)(3), Tropa de Elite (José Padilha, 2007)(4), ou Linha de Passe (Walter Salles et Daniela Thomas, 2008)(5), témoignent de la vitalité d’un cinéma qui se trouvait à l’agonie au début des années 1990 avec l’extinction notamment d’Embrafilme – organisme public de gestion, de production et de distribution cinématographique. En 2011, des années après la retomada – la reprise cinématographique – permise grâce à diverses lois sur l’audiovisuel et la création de l’ANCINE, de nouvelles questions se posent sur les limites du modèle économique qui sous-tend l’industrie cinématographique brésilienne. Totalement dépendant de finances publiques, marqué par une concentration régionale de la production doublée d’une concentration entrepreneuriale de la distribution, en concurrence déloyale avec le cinéma américain qui occupe 80 % des 2 500 salles du pays, le cinéma brésilien – aussi créatif soit-il –  est-il capable de relever les défis qui se présentent aujourd’hui à lui dans son propre pays ?

Des fonds de financements publics gérés par le secteur privé

La nature de la participation de l’État dans le secteur cinématographique brésilien est le résultat d’un processus historique marqué, dans les dernières décennies du XXe siècle par deux événements majeurs : d’une part, l’extinction en 1990 du seul organisme de production et de distribution cinématographiques du Brésil, Embrafilme(6), ce qui a eu pour conséquence la mise à mort du cinéma brésilien(7). D’autre part, la reprise, ou retomada, de la production cinématographique brésilienne, notamment  grâce à la création de lois d’incitation à la production et à l’investissement dans l’audiovisuel par le biais de dispositifs d’exonérations fiscales(8). À cela s’ajoute, en 2001, la création de l’Agence nationale du cinéma, ANCINE(9), organe officiel indépendant(10) qui a pour objectif, au travers de  la mise en œuvre de la politique nationale en matière d’incitation et de réglementation du secteur, de promouvoir la culture nationale par le biais du cinéma, de promouvoir la compétitivité du secteur au travers de la production, de la distribution et de la diffusion des œuvres ; d'encourager la diversification de la production régionale et indépendante, de favoriser la participation des œuvres nationales à l'étranger ; de contrôler la production réalisée avec des fonds publics ; d’avoir un rôle de conseiller technique et administratif auprès du Conseil supérieur du cinéma également créé en 2001. Depuis 2006(11), le FSA Fundo Setorial do Audiovisual (Fonds du secteur audiovisuel) a été créé comme branche spécifique du FNC, Fundo nacional de Cutura(12)(13) (Fonds national de la culture) permettant au ministère d’investir directement dans les projets audiovisuels.

Avant son extinction en mars 1990 par le président Collor, Embrafilme a distribué des classiques du cinéma brésilien tels que Le baiser de la femme araignée (Hector Rabenco, 1985), Bye Bye Brasil (Casa Diegues, 1979) ou encore Dona Flor et ses deux maris (Bruno Barreto, 1977).

Ces dispositifs ont porté leurs fruits au vu du nombre de films produits par an en constante augmentation depuis la retomada de 1994.


Néanmoins, une observation plus fine des mécanismes de production, de distribution et de diffusion des œuvres met en perspective certaines failles dans ce modèle de financement de la production cinématographique. De nombreuses questions se posent dont la principale est peut-être celle de la place exacte qu’occupe l’État dans ce modèle au regard de la provenance de l’argent investi par les entreprises.

Le financement du cinéma brésilien s’adosse à trois mécanismes distincts :
 
  • Le FSA (financement direct de l’État) et autres dispositifs publics qui constituent la part minime du financement total ;
  • Un dispositif d’exonération permettant aux entreprises d’investir une partie de leurs impôts sur le revenus dans l’audiovisuel afin de promouvoir leurs marques (Loi Rouanet(14), loi de l’audiovisuel(15)) ;
  • Un dispositif de fonds de financement par les entreprises au travers d’achats de certificats d'investissement (FUNCINES) permettant d’investir l’argent de bénéfices fiscaux en échange d'une participation aux résultats et de la promotion de leur marques.
 
En 2010, environ 65  % du financement public du secteur audiovisuel provient précisément des mécanismes d’incitations fiscales via les lois de l’audiovisuel : articles 1(16) et 1A(17) ; articles 3(18) et 3A(19), ainsi que l’article 39 X-MP2228-1(20), les Funcines(21) et les Fonds de participation(22). Les 35  % restants sont constitués à 32 % de l’investissement direct du FSA(23) et à 3 % d’autres ressources (provenant des États ou d’autres actions d’incitations directes d’entreprises publiques, de dispositifs ANCINE(24).
 

 
Ces mécanismes d’incitations fiscales illustrent à première vue une culture de sponsoring privé qui, selon Glauber Piva, directeur de l’ANCINE, pourrait s’expliquer par une forme de défiance historique vis-à-vis de l’État(25). Indéniablement ce système a créé des conditions d’investissements exceptionnelles. Entre 2002 et 2010, le montant de ces investissements a quasiment quintuplé.
 
 
 
Mais très concrètement ces mécanismes sont surtout ceux d’investissements privés de fonds publics, ce qui ne va pas sans poser problème car les exonérations fiscales se substituent à un système de financement public, un investissement direct de l’État, émanant d’une véritable politique culturelle. L’argent investi par les entreprises est de l’argent public, celui des impôts. En d’autres termes, l’argent public est investi, sans la moindre prise de risque, en marketing et en stratégie de communication au travers d’investissements cinématographiques. L’argent public ainsi distribué par les entreprises pour des projets que ces mêmes entreprises sélectionnent est de plus récupéré sous forme d’exonération, de communication et de retour sur investissement tout en induisant un lien entre production cinématographiques et retombées commerciales. Outre la question que pose cette gestion des fonds publics par le service de communication des entreprises, le fait que le cinéma brésilien soit entièrement dépendant de fonds publics est également problématique dans la mesure où ce système d'incitation fiscale décourage de vraies prises de risques de la part de véritables mécènes qui investiraient leurs fonds privés. En 2010, une nouvelle réforme de la loi Rouanet, loi Procultura – toujours appuyée sur des exonérations fiscales – tente de donner une plus grande marge de manœuvre au FNC, en en faisant l’organe central de financement du secteur culturel. Néanmoins, cette réforme ne réduit pas le gouffre existant entre les ressources fragiles du FNC et celles récupérées par le biais des lois d’exonérations.

Le cercle vicieux du financement de la production cinématographique

Cette politique d’investissement des entreprises – qui conditionne le profil de la production cinématographique brésilienne – crée une concentration des moyens financiers dans la région Sudeste, la plus riche du pays, là où les plus grandes entreprises sont présentes et investissent donc de façon plus importante(26). Les États de São Paulo et Rio de Janeiro, qui se trouvent dans cette région, concentrent également les plus importantes maisons de production. Le cercle vicieux d’investissement des entreprises les plus riches et de captation des investissements par les principales maisons de productions laisse ainsi peu de place à la diversité et crée des disparités régionales dès le processus de production cinématographique.
 
 
 
 
 
La région Sudeste - avec l’apport des entreprises de Rio de Janeiro et São Paulo – totalise à elle seule les 2/3 des principaux investissements dans le secteur. La conséquence immédiate de l’absence d’une politique culturelle de redistribution démocratique des investissements recueillis est l’inégalité dans laquelle se retrouvent les États et les régions en ce qui concerne la captation de ces investissements. Ainsi, selon les données ANCINE pour l’année 2009, plus de 93 % des investissements totaux recueillis pour le secteur audiovisuel a bénéficié aux projets portés par Rio (48,3 % du total) et São Paulo (45,2 % du total). En sachant que la production des films est dépendante, pour 2/3 de leurs financements, des investissements des États(27), nous comprenons aisément que près des 3/4 des productions brésiliennes – fictions et documentaires confondus – sont issues de l’axe Rio de Janeiro-São Paulo.
 
 
 

Comme nous l’avons indiqué, la concentration des moyens financiers se traduit également par celle des structures de production.Entre 1995 et 2009, sur l’ensemble des 225 maisons de productions répertoriées par l’ANCINE(28), dix d’entre elles (4,4 %) ont bénéficié de plus d’1/4 de la somme totale des investissements du secteur (27 %) qui s’élevait à 886 472 702,61 reais (soit environ 388,24 millions d’euros). Ces dix maisons de productions sont pour deux d’entre elles (HB films et 02 Produções) basées à Sao Paulo et pour les huit autres basées à Rio de Janeiro.
 


Lorsqu’on se limite aux cinq maisons les plus importantes (2,2 % du total des maisons de production) – toutes basées à Rio – on constate que celles-ci captent 20 %  des investissements totaux du secteur
 

 
Ces structures sont celles qui produisent le plus de films et qui ont engrangé le plus de bénéfices. Sur l’ensemble des 440 films brésiliens produits entre 1995 et 2009, les 10 grandes maisons de productions ont produits 91 films (plus d’1/5 de la production nationale).
 
 
 

Lorsque l’on considère les cinq principales maisons de productions à l’aune du revenu financier qu’elles ont généré entre 1995 et 2009, une autre maison de production – également basée à Rio de Janeiro – fait son apparition à la 4ème place : il s’agit de Globo Filmes, le pendant cinématographique du conglomérat médiatique Organizaçoes Globo. Les lois d’incitation fiscale, excluant jusqu’en 2007 les entreprises de radio et télédiffusion nationales, Globo Filmes ne fait pas partie des grandes entreprises captant le plus d’investissements financiers(29). Mais la voici présente dans le quintet de tête des maisons de production qui, entre 1995 et 2009, ont généré 34 % du revenu total des 225 maisons de productions – soit 83 9973 116,65 reais (environ 369 millions d’euros(30) – et qui ont produit, entre 1995 et 2009, 56 films (environ 14,5 % de la production totale) qui obtiennent près de 34 % des 130 973 837 spectateurs de l’ensemble des films brésiliens produits à cette époque. Dans ce quintet, la place occupée par Globo Filmes est très particulière. Arrivée sur le marché en 1997, elle institutionnalise les liens entre cinéma et télévision(31) en développant une importante stratégie de coproduction avec d’autres maisons de production nationales, ce qui lui permet de contourner les restrictions imposées par les articles 1 et 2 de la loi sur l’audiovisuel(32). Et dans la coproduction, elle apporte  bien davantage qu’un capital financier : c’est un immense espace de visibilité médiatique(33) qui varie en fonction de la participation au contrat. Ainsi elle a participé indirectement à la production du film Cidade de Deus (Fernando Meireilles, 2002) grâce à un partenariat « médiatique » qui s’est engagé lors du lancement du film. Ce qu’apporte Globo dans la coproduction – divulgation et de valorisation publicitaire du film (télévision, magazines, radio, etc.) – est considérable. Pour l’année 2010, sur les 75 films sortis, elle totalise avec 9 films dans lesquels elle est présente (soit 11 % de la production nationale)  86,5 % du total des spectateurs pour l’ensemble des sorties nationales et 88 % du total des revenus.

 
 
Elle fut présente dans tous les plus grands succès du marché brésilien entre 2003 et 2010. Si Globo Filmes n’a pas participé à Tropa de Elite (José Padilha, 2007), elle fut en revanche associée à Tropa de Elite 2 (sortie 2010), grand succès de l’année 2010 avec plus de 11 millions de spectateurs.
 

 
La concentration des investissements financiers entre les mains de quelques grosses maisons de production a eu pour effet d’augmenter considérablement le coût moyen d’un film(34), et il est à noter que des stratégies de coproductions nationales – entre grosse structure de production et structure plus modeste - permettent parfois à certaines réalisations « indépendantes » et moins commerciales de voir le jour. Au niveau international, les coproductions représentent également la possibilité de bénéficier d’autres types de financement avec un enjeu important, celui de l’élargissement du marché avec une certaine visibilité à l’international. Depuis une dizaine d’années, le nombre de films brésiliens bénéficiant d’une coproduction étrangère ne cesse d’augmenter. Le Brésil possède actuellement des accords bilatéraux de coproduction avec l’Allemagne, l’Argentine,  le Canada, le Chili, l’Espagne, la France, l’Italie, le Portugal et le Venezuela, en plus d’un accord multilatéral avec divers pays d’Amérique latine ("Agreement Latin American Cinematographic Co-Production"). Les principales coproductions sont donc européennes -  avec le Portugal en tête (39 coproductions sur 52 coproductions européennes) - et latino-américaine - avec le Chili en partenaire privilégié (14 coproductions sur 32 coproductions latino-américaines).
 
 

Notons pour conclure que sur les 48 projets de coproductions internationales conclus entre 2005 et 2009, 93,75 %, des films bénéficiaires (soit 46 films) proviennent de la région Sudeste.
 


La distribution et la diffusion : la part des majors américaines et les défis structurels du cinéma brésilien

Le modèle de financement du cinéma brésilien se concentre presque essentiellement sur la production. La distribution et la diffusion des œuvres ainsi que la rénovation et l’entretien des infrastructures demeurent un autre des points faibles de ce modèle. L’article 3 de la loi de l’audiovisuel visant les entreprises étrangères imposables au Brésil(35) a ainsi, tout en permettant la consolidation de la production brésilienne, largement avantagé les majors dans le secteur de la distribution – comprenant l’acquisition des droits de commercialisation, l’impression des copies et le travail de diffusion du film vers les différents marchés du films. Plus grandes, plus riches et plus structurées que les distributeurs indépendants nationaux(36), les majors, telles que Sony, Columbia, Disney, United International Pictures, Paramount, Warner, et 20th Century Fox(37) raflent une grande part du marché en termes de nombre de spectateurs et donc de retours financiers.
 
 
 
En ce qui concerne la distribution des films brésiliens, nous assistons depuis quelques années à une évolution de la répartition de la distribution des titres. Si entre 2003 et 2007, la distribution des films brésiliens était très largement dominée par les majors, ce rapport s’inverse progressivement depuis 2008. Cette donnée est importante dans la mesure où les majors œuvrent prioritairement pour la distribution de leurs propres films américains sur le territoire brésilien – ce qui, au niveau national, réduit la durée d’exposition en salle des films brésiliens qu’elles distribuent afin de laisser la place libre et, au niveau international, freine les possibilités de visibilité de films brésiliens au profit d’autres productions plus rémunératrices.
 

 
 
Précisons toutefois que si les majors ont distribué en 2010 22,06  % des films brésiliens, ces films ont obtenu près de 40 % de l’ensemble des spectateurs. En position de force pour acquérir les droits des films les plus prometteurs, elles obtiennent en distribuant 30 films brésiliens présents dans les salles en 2010 plus de la moitié du public obtenu par les distributeurs indépendants ayant distribué 105 films brésiliens(38)
 
Le marché réserve néanmoins de belles surprises. Ainsi, l’année 2010 est marquée par le succès d’un distributeur national indépendant, Zazen, qui a réuni avec la distribution d’un unique film (Tropa de Elite 2, J. Padilha) 43 % de l’ensemble des spectateurs. Il fut le plus gros succès de l’année, films nationaux et internationaux confondus.
 

 Bande-annonce du film Tropa de Elite 2 (2010) -Voir la vidéo
 

 
Ce succès 2010 reste exceptionnel. En effet, le cinéma brésilien peine à conquérir durablement et de façon importante son marché interne, un marché brésilien qui se caractérise, comme bon nombre de pays à travers le monde, par la domination du cinéma américain. Sa part de marché pour 2010 est de 19 %. Pour tenter de consolider et d’améliorer une part de marché en évolution depuis 2008, un récent décret(39) fixe un nombre de jours obligatoires de diffusion d’œuvres nationales dans les salles de cinéma(40).
 

 

 


 
Avec une augmentation sensible du nombre de spectateurs des films brésiliens au Brésil, le marché cinématographique a rapporté 1,26 milliards de reais (environ 546 millions d’euros), ce qui représente une augmentation de 29 % par rapport à 2009.  Si encourageant qu’il soit,  il convient de rapporter ce chiffre à sa juste valeur. Selon une étude réalisée en 2007 par le ministère de la Culture, seuls 14 % de la population brésilienne va au cinéma ; 60 % des brésiliens n’y sont jamais allés(41). Ce qui signifie très clairement qu’au-delà d’une politique d’aide à la production culturelle, il s’agit maintenant de rendre accessible au plus grand nombre l’accès à la culture. Cet accès passe par exemple – mais pas seulement – par une déconcentration régionale de la culture.
En effet, outre le fait que le marché brésilien se caractérise par un nombre de salles insuffisant – avec une chute brutale dans les années 80 jusqu’à un creux de 1033 salles en 1995 et un chiffre qui aujourd’hui reste inférieur à ce qu’il était dans les années 70(42), celles-ci se trouvent elles aussi concentrées dans les États les plus riches du pays.
 

 

 
 
Les 2 206 salles du pays se répartissent ainsi de façon inégale sur le territoire brésilien, la région Sudeste disposant à elle seule des 3/5èmes des salles présentes sur le territoire brésilien. Dans cette région, les États de São Paulo (770 salles) et Rio de Janeiro (269 salles) concentrent à eux deux 81  % des salles de la région et 47  % de l’ensemble des salles du territoire brésilien. Notons également que 83 % des salles de cinéma (1 822) se trouvent dans des centres commerciaux(43) et dans des multiplexes, ce qui entraîne une augmentation du coût du ticket de cinéma qui reste élevé au regard du pouvoir d’achat moyen au Brésil. Le prix du ticket avoisine 9,33 reais (soit environ 4 euros) pour un salaire minimum de 545 reais (soit environ 234,5 euros) correspondant à ce que gagne 56,8  % de la population brésilienne.
 

 
 
Qu’en est-il des autres segments ou marchés de diffusion des films ? À peine 25 % des recettes d’un film proviennent de sa sortie en salle. Le marché secondaire (télévision, vidéo, Internet, etc.) représente les 75 % restants. Si les salles de cinéma se concentrent pour plus de la moitié dans la région Sudeste et que de nombreuses municipalités brésiliennes ne disposent d’aucune salle(44) en 2010, 94,7 % des foyers brésiliens disposent d’une télévision et les magasins de location vidéo sont présents dans 82 % des villes(45). Est-ce à dire que le cinéma brésilien a une plus grande visibilité ? Nous remarquons que ce marché secondaire  lui assure – en particulier grâce à des chaînes thématiques – une forte présence sur les chaînes hertziennes (39,3 %)(46) mais peu de visibilité sur les chaînes payantes, câble et satellite, Canal Brasil étant l’une des rares chaînes à diffuser des films brésiliens en assurant ainsi 18,31 % de la diffusion des productions nationales par rapport à l’ensemble des chaînes(47).
 
 
 

 
 
 
Quant à la diffusion en vidéo, moins de 10  % des sorties sont des films brésiliens. La conclusion semble sans appel : le cinéma brésilien s’avère relativement peu rentable dans le marché secondaire, censé être le plus fructueux. D’où peut-être une plus grande représentation des distributeurs nationaux indépendants dans ce secteur de la distribution(48).
 


Quelle croissance pour le cinéma brésilien ?

Au regard de l’augmentation du nombre des sorties par année, de l’augmentation du nombre de spectateurs, des percées remarquées lors de festivals nationaux ou internationaux et de nouveaux accords de coproductions, nous pouvons considérer que depuis quelques années le cinéma brésilien vit une véritable embellie. L’année 2010 a ainsi été une année particulièrement fertile pour le cinéma brésilien avec, pour la première fois depuis 30 ans, un film national – Tropa de Elite 2 (J. Padilha) – qui bat tous les records d’audience et devance les blockbusters américains. Ce film et d’autres productions nationales de qualité contribuent à consolider le marché. Néanmoins de nombreux points faibles subsistent dans le modèle mis en place pour sortir l’industrie cinématographique du marasme dans lequel elle se trouvait au début des années 1990 : les productions qui dépendent à 100 % de remises gouvernementales fragilisent la diversité et découragent les prises de risques vis-à-vis de réalisations plus singulières. En outre, de nombreux projets obtenant des financements sont finalement abandonnés ou, une fois réalisés, ne sortent pas en salles ou sont mal distribués, le secteur de la distribution étant dominé par les majors étrangères qui sont donc en conflit d’intérêt dans la mesure où leur priorité reste la diffusion de leurs propres productions. De plus, le déficit de salles, qui se double d’une concentration régionale et d’une concentration des groupes détenant l'exploitation, fragilise également la visibilité du cinéma brésilien au Brésil. Les défis de l’industrie cinématographique brésilienne sont encore très nombreux. Au-delà même des réformes nécessaires des politiques actuelles de promotion et de financement du cinéma, le véritable enjeu du cinéma brésilien est d’être, dans les années à venir, plus accessible : aux producteurs, réalisateurs, distributeurs et acteurs quelle que soit leur région d’origine, et aux spectateurs de tout le pays quels que soient leur revenus. La croissance du cinéma brésilien nous semble tributaire, à terme, d’une volonté politique de garantir au plus grand nombre l’accès à la culture et de sauvegarder la diversité de la production en dehors des formatages commerciaux. Ce défi est, sans conteste, le plus important, le cinéma, en tant que production culturelle, participant à la construction de la mémoire d’un peuple et de son identité.

Données clés du cinéma brésilien 2010

  • Nombre de sorties : 75 films
  • Part de marché interne : 19 %
  • Nombre de spectateurs : 25,6 millions
  • Nombre de salles sur l'ensemble du territoire brésilien : 2 206
  • Nombre de coproductions internationales : 25
  • Revenus 2010 : environ 546 millions d'euros

Références

Lia Bahia CESÁRIO, Panorama do mercado cinematográfico e políticas públicas para o audiovisual no Brasil, UAm, 2007.
 
Frederico BARBOSA, Economia e Política Cultural et Política Cultural no Brasil, Ministério da Cultura em parceria com o Instituto de Pesquisa Econômica Aplicada, Brasilia, 2007.
 
Lucas BUENO MAIA, Produção, distribuição e exibição – cinema brasileiro da retomada (1995-2005), mémoire de recherche, Florianópolis, 2008.
 
Pedro BUTCHER, Cinema brasileiro hoje, Publifolha, São Paulo, 2005.
 
Daniella DOS SANTOS BORGES, A retomada do cinema brasileiro:uma análise da indústria cinematográfica nacional de 1995 a 2005, Thèse de doctorat, université de Barcelone, 2007.
 
Karine DOS SANTOS RUY, « Estratégias e apostas da indústria cinematográfica brasileira contemporânea»in Famecos/PUCRS cinema e indústria Porto Alegre, 22 décembre 2009.
 
André GATTI, Distribuição e exibição na indústria cinematográfica brasileira (1993-2003), Thèse de doctorat, université de Campinas, 2005.
 
Fernandes GORGULHO et coll. « A economia da cultura o BNDES e o desenvolvimento sustentável »in Cultura BNDES Setorial 30, Rio de Janeiro, 2009.
 
Murilo César RAMOS et Lara HAJE « Panorama da produção de conteudo audiovisual no brasil e o direito a comunicação » in Produção de conteúdo nacional para mídias digitais, Presidencia da Republica, Secreataria de assuntos estrategicos, Brasilia, 2011.
 
Felipe DE OLIVEIRA RIBEIRO, Plano nacional de cultura: estudo sobre a indústria cinematográfica brasileira, Spc-Minc, 2007.
 

Site officiel de l'ANCINE
 
Site officiel de FILME B 
 
(1)

Source : Felipe BRIDA, « Um olhar sobre o cinema na America Latina », Observatorio da imprensa, 21/10/2008. 

(2)

Ours d’or au Festival de Berlin. 

(3)

Sélection officielle du Festival de Cannes, nomination aux oscars. 

(4)

Ours d’or au Festival de Berlin. 

(5)

Sélection au Festival de Cannes, Prix de la meilleure interprétation féminine. 

(6)

Créé en 1969 et supprimé par le président Fernando Collor.  

(7)

Aucun film brésilien ne sort en 1992, si l’on considère A grande Arte (High Art) du brésilien Walter Salles comme un film américain – c’est d’ailleurs la langue du film. 

(8)

Les lois d’incitation pour investir dans la culture ne datent pas de l’ère Collor : la première date de 1986, soit un an après la création du ministère de la Culture en 1985. Cette loi est abrogée par le président Collor en 1990 en même temps que Embrafilme. Sous la pression de créations de lois municipales (Lois Marcos Mendonça, São Paulo, 1991), Collor crée une nouvelle législation pour le secteur (Loi Rouanet du nom du secrétaire à la Culture, Sérgio Paulo Rouanet) marquée par une certaine lourdeur bureaucratique. La loi Rouanet est modifiée en 1993, et pour le secteur cinématographique (loi 8.685) elle devient la Loi de l’audiovisuel qui va permettre de financer la renaissance du cinéma brésilien en permettant d’importantes déductions fiscales (100 % du total investi dans la production). 

(9)

Créée par la mesure provisoire 2.228-1 le 6 septembre 2001. 

(10)

Initialement sous tutelle du Premier ministre (Casa civil) l’ANCINE est depuis 2003 sous l’égide du ministère de la Culture (MinC). 

(11)

Loi nº 11.437, du 28 décembre 2006, Décret d’application nº 6.299, le 12 décembre 2007. 

(12)

Créé en 1986 sous l’appellation Fundo de Promoção Cultural. 

(13)

réé en 1986 sous l’appellation Fundo de Promoção Cultural.

(14)

Cette loi permet aux entreprises d’utiliser une partie des impôts en investissements culturels. 

(15)

Cette loi concerne les investissements spécifiquement audiovisuels de la Loi Rouanet. 

(16)

Permet aux entreprises de déduire jusqu’à 3 % du total des impôts sur le revenu si cet argent est investi dans la production audiovisuelle. 

(17)

Idem si l’argent est investi dans des productions indépendantes (longs, moyens et courts-métrages), téléfilms, séries et tout programme télévisuel culturel. 

(18)

Permet aux distributeurs étrangers d’investir dans la production audiovisuelle en leur accordant 70 % d’abattement d’impôts sur revenu des transferts d’argents vers l’étranger. 

(19)

Décret 2007 qui permet aux entreprises de télévision de chaînes hertziennes ou payantes (nationales ou étrangères) un abattement de 70 % des impôts dus sur les transferts d’argents à l’étranger dérivés d’acquisitions de droits de retransmissions audiovisuelles, si cet argent est utilisé pour le développement et la coproduction des œuvres audiovisuelles brésiliennes indépendantes. 

(20)

Permet aux groupes internationaux de chaînes payantes d’investir 3 % des impôts dans la coproduction d’œuvres nationales. 

(21)

Permettent aux entreprises de déduire jusqu’à 3 % du total des impôts sur le revenu si cet argent est investi dans des fonds de financements de l’industrie cinématographique. 

(22)

Ces fonds ont été créés en 2001 et concernent le secteur de la production et de la diffusion ainsi que l’infrastructure du secteur (salles et cinémas) et permettent une déduction fiscale de 4 % du total. 

(23)

(Fonds du secteur audiovisuel) disposant d’un budget annuel alloué par le gouvernement fédéral et les fonds de la Condecine (Contribuição para o Desenvolvimento da Indústria Cinematográfica Nacional) - une taxe sur la circulation des œuvres audiovisuelles créée en 2001. 

(24)

Parmi ces dispositifs, citons les prix PAR et PQ : le PAR (Premio Adicional de Renda/Prix de revenu additionnel) soutient financièrement le marché de la production à la distribution et le PQ (Premio de Qualidade/Prix de qualité) est un soutien financier attribué aux films ayant acquis une visibilité lors de festivals nationaux ou internationaux. 

(25)

Étant donnée la censure des années de dictature et le mépris des années Collor pour la culture en général et le cinéma en particulier. 

(26)

Région qui attire toujours plus d’habitants au Brésil : 44 % de la population se situe dans cette région qui représente 10,85 % de la surface du territoire. 

(27)

Source : Murilo César RAMOS et Lara HAJE « Panorama da produção de conteudo audiovisual no brasil e o direito a comunicação » in Produção de conteúdo nacional para mídias digitais, Presidencia da Republica, Secreataria de assuntos estrategicos, Brasilia 2011.  

(28)

Daniella DOS SANTOS BORGES, A retomada do cinema brasileiro: uma análise da indústria cinematográfica nacional de 1995 a 2005, Thèse de doctorat, Barcelone, 2007.  

(29)

Globo bénéficiait de manière indirecte de ces financements. Voir André GATTI, Distribuição e exibição na indústria cinematográfica brasileira (1993-2003), Campinas, 2005 (p. 102) et, depuis 2007 avec l’article 3ªA, elle peut bénéficier d’abattements fiscaux. 

(30)

Source : Centro de Analise do Cinema e do Audiovisual, 2009. 

(31)

Lia Bahia CESÁRIO, Panorama do mercado cinematográfico e políticas públicas para o audiovisual no Brasil, UAm, 2007 

(32)

Pour ses propres productions – comme O auto da Compadecida, entre autres, Globo Filmes n’a pas pu bénéficier des dispositifs d’avantages fiscaux 

(33)

Pedro BUTCHER, Cinema brasileiro hoje, Publifolha, São Paulo, 2005 (p. 90). 

(34)

Fourchette comprise aujourd’hui entre environ 2,5 millions de reais pour les films à petits budget et 10 millions pour un budget moyen . 

(35)

Article permettant à l'entreprise étrangère, imposable au Brésil de revenus provenant de l'exploitation des œuvres audiovisuelles dans le marché brésilien, de bénéficier d’avantage fiscaux – 70 % d’abattement – dès lors qu’elle produit ou coproduit des œuvres brésiliennes. 

(36)

Europa, Imagem Filmes Playarte, Downtown, etc. 

(37)

Fernandes GORGULHO et coll « A economia da cultura o BNDES e o desenvolvimento sustentável » in Cultura BNDES Setorial 30, Rio de Janeiro, 2009 (p. 299 – 355). 

(38)

135 films brésiliens furent présentés dans les salles entre le 1 janvier et le 31 décembre 2010. Sur ces 135 films, 75 sont des sorties 2010. 

(39)

Décret nº 7414 du 30 décembre 2010. 

(40)

63 jours par an pour les complexes cinématographiques disposant de 6 à 7 salles et 28 jours par an pour les salles isolées. 

(41)

Source : Frederico BARBOSA, Economia e Política Cultural et Política Cultural no Brasil, Ministério da Cultura em parceria com o Instituto de Pesquisa Econômica Aplicada (Ipea), 2007. 

(42)

2 154 salles en 1971, pic de 3 276 en 1975, creux de 1 033 en 1995, et 2 206 en 2010. 

(43)

Quatre grands groupes dominent le marché des salles – Cinemark, Severiano Ribeiro et UCI. 

(44)

Selon les données 2009 du ministère de la Culture, seules 8,7 % des municipalités brésiliens possèdent des salles de cinéma, Anuário de Estatísticas Culturais do País 2009, ministério da Cultura, 2009. 

(45)

F. GORGULHO et coll. op.cit. 

(46)

1 199 films brésiliens diffusés sur chaînes hertziennes sur un ensemble de 3 049 films. En considérant le nombre de films brésiliens diffusés par les chaînes par rapport au nombre de films diffusés les chaînes TV Gazeta (54 films brésiliens sur 55 films diffusés), Rede TV (86 films brésiliens sur 104 films diffusés et TV Brasil (273 films brésiliens diffusés sur 363 films) sont les principales chaînes diffusant des films brésiliens. Les premières chaînes en termes d’audience, à savoir TV Globo (45,2 % part d’audience), Rede Record (16,1 % part d’audience), SBT (13 % part d’audience), Band (5,2 % part d’audience), diffusent quant à elles respectivement 18,5 %, 25,8 %, 12,1 % et 30 % de films brésiliens sur l’ensemble des films diffusés par ces chaînes. 

(47)

Sur les 8 095 films diffusés sur les chaînes payantes - AXN; Canal Brasil; Cinemax/Max; HBO; HBO Family; HBO Plus; Maxprime; Sony; Telecine Action; Telecine Cult ; Telecine Light/Touch; Telecine Pipoca; Telecine Premium; TNT; Warner Channel- Canal Brasil a diffusé 1 400 films des 1 482 films brésiliens, soit 96,55 % des films brésiliens diffusés sur le câble ou satellite). 

(48)

Les films étrangers sont distribués en version vidéo à 75 % par les majors : les films brésiliens – moins rentables – sont distribués à 74 % par les distributeurs nationaux. 

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