Main posée sur un écran TV brouillé

Publicité à la TV pour les films « actuellement au cinéma » : oui ou non ?

Le CSA envisage d’autoriser la publicité télévisuelle pour les œuvres cinématographiques exploitées en salles de cinéma. Décryptage des enjeux du débat.

Temps de lecture : 15 min

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) vient de rouvrir les débats au sujet de la publicité des œuvres cinématographiques exploitées en salles de cinéma. Le 30 mai dernier, le CSA a annoncé lancer une réflexion autour de la publicité pour le cinéma à la télévision. Des auditions ont été organisées à la fin du mois de juin 2013 et des propositions seront avancées à la fin de l’année.

Les articles 8 et 15-1 du décret du 27 mars 1992 portant sur la publicité, le parrainage et le télé-achat encadrent strictement la publicité pour « le cinéma » sur les chaînes de télévision. L’article 8 du décret prévoit que les éditeurs de services de télévision ne peuvent diffuser de publicité pour les boissons comprenant plus de 1,2 degré d’alcool, l’édition littéraire et le cinéma. L’article 15-1 du même décret prévoit néanmoins que les services de cinéma (chaînes cinéma) distribués par câble, par satellite ou par numérique hertzien peuvent diffuser des messages publicitaires concernant le secteur du cinéma.
 
Les services de médias audiovisuels à la demande ne sont pas concernés par l'interdiction de la publicité par le cinéma car le chapitre III du décret du 12 novembre 2010 (décret SMAD) ne reprend pas cette interdiction.
 
Ces textes réglementaires restent assez vagues sur ce qui relève de l’interdiction. Que faut-il entendre en effet par le simple terme de « cinéma » visé à l’article 8 du décret de 1992 ? Est en réalité interdite toute publicité pour un film en cours d’exploitation en salles de cinéma. Sont également touchés les produits dérivés d’un film (figurines, jeux vidéo, bande originale…). La période d’interdiction correspond, pour l’œuvre en elle-même, à sa période d’exploitation en salles. La publicité sera autorisée lors son édition sur support matériel (DVD, Blu-ray) et immatériel (VOD à l’acte) c'est-à-dire, suivant les règles posées par la chronologie des médias, au minimum quatre mois après sa sortie en salles.
 
Les règles encadrant les produits dérivés sont plus souples. Le CSA a ainsi fait savoir, dans une décision rendue en assemblée plénière le 10 mai 2006, qu’en matière de produits dérivés, l’interdiction ne valait que tant que l’œuvre en question était exploitée de façon « significative » en salles. La distinction opérée entre la publicité pour l’œuvre elle-même et ses produits dérivés paraît logique. Une publicité pour un film ne pourra être diffusée que lors de sa sortie vidéo sur support matériel et immatériel mais ne pourra jamais vanter sa diffusion en salles. Il est donc logique d’avoir à attendre sa sortie sur un support commercialisable afin d’effectuer la publicité pour ce support. La première édition de l’œuvre sur support commercialisable interviendra au mieux 4 mois après sa sortie en salles. En matière de produits dérivés, le produit en tant que tel peut faire l’objet d’une publicité. Pour autant son lien avec le film sorti en salles impose d’attendre un certain délai afin de ne pas opérer une publicité déguisée pour l’œuvre cinématographique. Ce risque disparaît dès lors que le film n’est plus exploité « significativement » en salles. Il reste alors aux sociétés concernées à apprécier la portée du terme « significatif »…
 
L’objet de cette interdiction quasi générale de la publicité pour les œuvres cinématographiques diffusées en salles de cinéma est clair : il s’agit de protéger les petits films face aux grosses productions notamment hollywoodiennes. Les budgets de promotion des films qui sortent en salles sont plus ou moins importants mais il est évident qu’un petit film porté par un distributeur(1) modeste ne peut, a priori,  pas se permettre d’investir dans de coûteuses pages de publicité à la télévision. Inversement, les grosses productions américaines mais également françaises disposent d’un budget suffisant pour investir les écrans des chaînes de télévision les plus regardées. L’influence de la télévision est telle qu’une ouverture de la publicité pour les films en cours d’exploitation risquerait d’avoir pour conséquence d’orienter encore un peu plus la lumière sur les grosses productions aux dépens des moyennes et petites productions n’ayant financièrement pas accès à ce type de publicité. L’objectif du décret de 1992 en ce qu’il interdit la publicité à la télévision pour le cinéma est donc un objectif culturel visant à protéger les petits films contre les gros.
 L’objectif du décret de 1992 qui interdit la publicité à la télévision pour le cinéma est un objectif culturel visant à protéger les petits films contre les gros. 
 

Il n’est pas certain que cette position, recevable en 1992 et dans les années qui suivirent, soit toujours aussi pertinente aujourd’hui au vu de l’évolution du paysage télévisuel français et de la transformation importante du marché de la publicité due notamment à l’explosion d’internet. Ces différentes mutations rendent particulièrement pertinente une nouvelle réflexion sur l’évolution du droit positif en matière de publicité pour le cinéma. Afin de bien comprendre les transformations possibles en la matière, il convient d’exposer pour commencer les évolutions récentes qui justifient la réouverture des débats par le CSA en matière de publicité pour le cinéma. Une fois ces éléments posés, il conviendra d’exposer les évolutions possibles en termes de publicité télévisée pour le cinéma.

2013 : une nouvelle donne télévisuelle et publicitaire

L’annonce du CSA visant à l’ouverture de débats sur la question de la publicité pour les films exploités en salles de cinéma n’est pas une première. Le Gouvernement avait déjà lancé il y a dix ans une réflexion sur de possibles évolutions de l’article 8 du décret de 1992 interdisant la publicité notamment pour le cinéma. Plusieurs acteurs étaient à l’époque favorables à une évolution mais, comme le résume parfaitement le sénateur Philippe Leroy dans un rapport sénatorial d’information rendu en 2005 (p. 107 et suivantes), « l’industrie du cinéma fonctionne au consensus. Les organisations interprofessionnelles ont donc soutenule statu quo » pour lequel une majorité d’acteurs était favorable. Au final, l’article 8 du décret de 1992 a été modifié en 2003 uniquement pour permettre la publicité pour la presse sans retenir de changement pour le cinéma.
 
Dix ans se sont écoulés depuis cette réflexion et force est de constater que plusieurs évolutions rendent nécessaire une réouverture des débats sur la question de la publicité pour le cinéma.    
 
Le paysage télévisuel français a été, en moins de dix ans, complètement bouleversé par l’apparition des chaînes TNT qui a profondément modifié les habitudes des téléspectateurs français. Entre 2005 et 2012, une vingtaine de chaînes (dont des chaînes locales) ont fait leur apparition ou ont été reprises des réseaux câblés ou satellites. Aujourd’hui, un foyer français peut recevoir par le biais d’une simple antenne râteau plus de vingt chaînes de télévision alors qu’il n’en recevait avant 2005 que cinq en clair et une cryptée. Si l’on ajoute à cela qu’à peu près la moitié des foyers français dispose d’un accès numérique à la télévision autre que la TNT (ADSL, satellite, câble), on comprend que le marché de l’offre télévisuelle s’est considérablement transformé. L’organisation des chaînes hertziennes historiques s’en ressent et même l’indéboulonnable leader TF1 connaît une chute historique de son audience. La démonstration est simple à comprendre : le nombre de chaînes augmente considérablement sans que le nombre de téléspectateurs n’augmente sensiblement. Les anciennes chaînes doivent donc partager les téléspectateurs avec les nouvelles chaînes en prenant en compte les nouveaux moyens de diffusion. À titre d’exemple, la part d'audience de TF1 est passée de 37,3 % en 1995 à 22,7 % en 2012 alors que les chaînes TNT gratuites représentent en 2012 22 % de part de marché.
 
Source : CSA, Les Chiffres clés de l'audiovisuel, 1er semestre 2013.
 
Parallèlement à cette multiplication des chaînes, les pratiques des téléspectateurs évoluent vers de nouveaux comportements. La vidéo à la demande connait un véritable succès tout comme la télévision de rattrapage(2) qui est particulièrement sollicitée par les français.
 
Les investissements publicitaires sont considérablement marqués par ces évolutions. En 2005, 90 % des investissements publicitaires à la télévision bénéficiaient aux chaînes nationales historiques. En 2012, cette part d’investissement est tombée à 60 % contre 30 % pour les chaînes TNT. Précisons néanmoins que plusieurs chaînes de la TNT appartiennent aux groupes historiques (M6 et W9 ; TF1 et TMC…) qui récupèrent donc d’un côté ce qu’ils perdent de l’autre. Pour autant, les recettes publicitaires nettes de la télévision sont en baisse passant de 3,6 milliards net en 2007 à 3,3 milliards en 2012. Après une légère remontée entre 2009 et 2011, les chiffres baissent de nouveaux en 2012. Les chiffres du premier trimestre 2013 ne sont pas plus encourageants. L’Institut de recherches et d’études publicitaires (IREP) constate une baisse de 9,4 % des recettes publicitaires nettes des télévisions par rapport au premier semestre 2012.

Cette transformation du paysage audiovisuel français et notamment la multiplication des chaînes disponibles a pour mérite d’augmenter le pourcentage des investissements publicitaires à la télévision par rapport aux autres médias. Entre 2005 et 2012, la part de la télévision par rapport aux autres médias dans les investissements publicitaires est passée de 30 % à 35 %.
 
Source : CSA, Les Chiffres clés de l'audiovisuel, 1er semestre 2013.

Au-delà de l’augmentation du nombre de chaînes, les pouvoirs publics ont tout fait pour stimuler les revenus publicitaires des chaînes : augmentation de la durée moyenne de publicité en décembre 2008, autorisation d’une seconde coupure des œuvres cinématographiques et audiovisuelles pour les chaînes privées en mars 2009… En vue de stimuler toujours un peu plus le marché publicitaire des chaînes de télévision malmenées par la crise, les chaînes réclament aujourd’hui une ouverture de la publicité aux secteurs fermés, notamment en matière de cinéma. Le président du directoire de M6, Nicolas de Tavernost, réclamait ainsi dans le journal Le Monde daté du 5 juin 2013 (page 4) une « ouverture des secteurs interdits de publicité à la télévision, comme le cinéma, les promotions de la grande distribution ou le livre ».
 
La publicité pour le cinéma n’est pas une chose inédite à la télévision. Rappelons par exemple que, depuis 1989, la publicité pour les films édités en vidéo est possible. La publicité pour le cinéma en tant que telle est également autorisée (fête du cinéma par exemple). Certaines chaînes françaises peuvent diffuser de la publicité pour les films exploités en salles. Comme nous l’avons précisé précédemment, les services de cinéma (chaînes cinéma) distribués par câble, par satellite ou par numérique hertzien peuvent diffuser des messages publicitaires concernant le secteur du cinéma. Plusieurs chaînes qui n’émettent pas depuis la France peuvent également contourner le décret du 27 mars 1992, qui ne les concerne pas : le téléspectateur attentif aura ainsi constaté que RTL9 et MTV ne se privent pas de diffuser des bandes annonces pour des films exploités en salles. Au-delà de la publicité stricto sensu, les chaînes peuvent également bénéficier du parrainage d’émissions(3)
 
L’ensemble de ces ouvertures contribue à brouiller la portée même de l’interdiction de la publicité à la télévision pour les films exploités en salles. Il faudra ainsi s’y reprendre à plusieurs fois pour expliquer le contenu de cette interdiction à un téléspectateur lambda qui jurera (de bonne foi) avoir déjà vu de la publicité pour le cinéma à la télévison. Pour toutes ces raisons, il semble parfaitement envisageable que le décret du 27 mars 1992 soit modifié.

Les évolutions possibles

L’ouverture de la publicité télévisée aux films exploités en salles de cinéma ne fait pas l’unanimité. Les positions sont connues et ne manqueront pas d’être présentées lors des auditions organisées par le CSA. Les chaînes de télévision privées, les exploitants et les gros distributeurs sont favorables à une ouverture car ils ont tout à y gagner.

 Les chaînes de télévision privées, les exploitants et les gros distributeurs sont favorables à une ouverture car ils ont tout à y gagner. 
Les chaînes de télévision pourraient augmenter leurs recettes en matière de publicité (un marché de 10 millions d’euros est évoqué) ; les exploitants verraient les films qu’ils diffusent mis en valeur à la télévision afin de motiver encore davantage les spectateurs français à fréquenter leurs salles(4)

À l’inverse, plusieurs acteurs sont contre cette ouverture. Les distributeurs plus modestes ont a priori peu à gagner de cette ouverture. Lors des discussions de 2003, les distributeurs indépendants, qui distribuent souvent des films au budget modeste, s’étaient prononcés contre une ouverture comme le rappelle le rapport sénatorial du sénateur Philippe Leroy (p. 108). Ces distributeurs redoutaient à l’époque une augmentation des coûts marketing voire une impossibilité pour eux d’avoir accès (en raison des coûts élevés)à la publicité télévisée. Nous verrons par la suite que les évolutions du paysage audiovisuel français pourraient amener ces distributeurs à adopter une position différente. Au-delà du monde cinématographique et télévisuel, les différents médias actuellement concernés par la publicité pour les films exploités en salles de cinéma devraient, comme en 2003, être défavorables à une ouverture. Les afficheurs, la presse écrite, la radio et les sites Internet sont les principaux médias concernés par la publicité pour le cinéma. L’influence de la télévision est telle qu’une ouverture de la publicité pour le cinéma sur le petit écran risquerait de concurrencer fortement les autres médias. Le risque serait de voir la part du budget consacrée par les distributeurs à la publicité d’un film sur ces médias réduite en raison de nouveaux investissements dans la publicité télévisée. Le bonheur des uns (chaînes de télévision) ferait ainsi le malheur des autres (afficheurs, radios, presse écrite, Internet). Le maintien du budget publicité consacré à ces derniers médias signifierait que les distributeurs seraient capables d’augmenter les investissements publicitaires consacrés à un film. Philippe Leroy notait dans son rapport de 2005 que, lors des discussions de 2003,  même les filiales des majors n’étaient pas prêtes à réaliser une augmentation du budget marketing d’un film tant les bénéfices à en tirer (en terme d’entrées) n’étaient pas évidents (p. 109). Vu l’évolution de la conjoncture économique depuis  2003, il n’est pas certain que ces distributeurs aient changé d’avis. Il y a donc fort à craindre qu’une ouverture de la publicité à la télévision se traduirait mécaniquement par une baisse des recettes publicitaires dans ce secteur pour les autres médias. La presse écrite, la radio et les afficheurs ne devraient pas s’accommoder d’une telle nouvelle dans une conjoncture qui ne leur est déjà pas favorable. La question se pose alors de savoir si des évolutions sont possibles. Trois scénarios peuvent être envisagés.
 
Première solution : le statu quo est la solution qui a été privilégiée lors des dernières discussions (2003) consacrées à la problématique de la publicité pour les films exploités en salles de cinéma. Comme le précise le sénateur Philippe Leroy dans son rapport de 2005 (p. 109) : « l’industrie du cinéma fonctionne au consensus. Les organisations interprofessionnelles ont donc soutenu le statu quo » faute d’accord global sur la question. Il est certain qu’aujourd’hui encore les différents acteurs de la filière cinématographique ne s’accorderont pas en matière de publicité pour le cinéma. Pour autant, il n’est pas évident que le statu quo soit la solution retenue par les pouvoirs publics tant les paysages cinématographique et audiovisuel ont évolué depuis les dernières consultations de 2003.
 
Deuxième solution : l’ouverture inconditionnée de la publicité à la télévision pour les films exploités en salles de cinéma est une solution envisageable. Néanmoins, elle semble avoir peu de chance d’être retenue dans la mesure où cette solution pénaliserait bon nombre d’acteurs. Les petits distributeurs et donc les petites et moyennes productions ne seraient clairement pas avantagés par une telle solution. Les chaînes de télévision les plus regardées et donc les plus onéreuses en terme d’achat d’espaces publicitaires ne seraient financièrement accessibles qu’aux grosses productions et donc majoritairement au cinéma américain. Cette solution risquerait d’accroître un peu plus encore la part de marché du cinéma américain dans notre pays en orientant par la publicité télévisée les spectateurs vers des films à gros budget. Rappelons de plus que la presse écrite, la radio, les afficheurs et les sites Internet verraient mécaniquement baisser leurs recettes en termes de publicité pour les films exploités en salles. Face à de telles oppositions, il paraît peu vraisemblable et souhaitable que les pouvoirs publics ouvrent sans conditions les espaces de publicité télévisée aux films exploités en salles. Une solution médiane parait préférable.
 Il paraît peu vraisemblable et souhaitable que les pouvoirs publics ouvrent sans conditions les espaces de publicité télévisée aux films exploités en salles. 
 
Troisième solution : la pluralité des intérêts en matière de publicité pour le cinéma pourrait conduire les pouvoirs publics à décider d’une ouverture conditionnée de la publicité pour le cinéma sur les chaînes de télévision. Comme nous l’avons déjà précisé, les principaux inconvénients posés par l’ouverture de la publicité pour le cinéma à la télévision résident dans la pénalisation des distributeurs modestes et des petites productions cinématographiques d’une part, et, d’autre part, par une baisse des revenus des médias qui véhiculent traditionnellement la publicité pour les films exploités en salles. La première de ces problématiques n’est pas aussi tranchée qu’il n’y paraît ; quant à la seconde, elle n’est pas certaine.
 
Les distributeurs modestes et les petites productions auraient certes à perdre de l’ouverture de la publicité pour le cinéma à la télévision mais ils pourraient aussi y gagner. Comme nous l’avons précisé plus haut, le paysage télévisuel a profondément évolué depuis les dernières discussions de 2003. L’apparition de la TNT et la multiplication des foyers bénéficiant d’une offre de chaînes par satellite, câble ou ADSL a considérablement augmenté le nombre de chaînes regardées par les Français. On dénombre aujourd’hui de grosses chaînes historiques qui sont toujours un peu moins regardées par les téléspectateurs (TF1, France 2, M6…), des chaînes moyennes (TMC, D8, RTL9…), de petites chaînes (elles sont légion), des chaînes thématiques (13e rue, Comédie +, Cuisine +, chaînes jeunesse…) et des chaînes à l’identité affirmée (chaînes communautaires, chaînes locales…). La multiplication de ces chaînes peut rendre attractive la possibilité de faire de la publicité télévisée pour un film, y compris pour un film ayant un budget de distribution modeste. D’une part, la multiplication des chaînes contribue à la baisse du coût des espaces publicitaires y compris sur les chaînes historiques et, d’autre part, les chaînes plus modestes sont financièrement accessibles même pour les petites productions et les budgets de distribution modestes. Le distributeur du film Des hommes et des dieux a expliqué que le succès de son film en salles était en partie dû à sa stratégie de distribution qui résidait sur une communication forte avec les écoles et la communauté catholiques. Dans cette situation, quelques publicités pour son film sur la chaîne catholique KTO auraient peut être tenté ce distributeur. Dans le même sens, un film ayant une identité régionale forte ou une identité communautaire marquée pourrait également se satisfaire de publicités sur des chaînes de télévision qui reflètent cette identité. Il nous paraîtrait en conséquence excessif  de continuer à interdire de façon stricte la publicité à la télévision pour les films exploités en salles.
 
La seconde problématique qui découlerait d’une ouverture de la publicité pour le cinéma à la télévision n’est quant à elle pas certaine. Il n’est en effet pas évident que l’ouverture d’un média (la télévision) à la publicité conduise à une baisse des recettes sur les autres médias (presse écrite, affichage, radio, Internet) notamment si l’ouverture à la publicité télévisée est limitée. Il est entendu que les budgets de distribution des films ne sont pas extensibles à loisir. Pour autant, bon nombre de distributeurs verront la publicité télévisée comme un nouveau territoire à investir sans pour autant négliger les autres médias essentiels à la promotion d’un film. Pour toutes ces raisons, une ouverture conditionnée de la publicité pour les films exploités en salles semble souhaitable. L’encadrement de cette ouverture reste à définir.
 Un plafond savamment posé permettrait d’encadrer les gros distributeurs tout en laissant libres les distributeurs plus modestes. 

En vue d’établir une équité entre les différents distributeurs et entre les différents films, il peut être imaginable de limiter le budget consacré à la publicité télévisée à une certaine somme d’argent quel que soit le film concerné. Chaque distributeur aurait ainsi un plafond (commun à tous les distributeurs) à ne pas dépasser sur l’année pour l’ensemble de ses films. Les petits distributeurs pourraient ainsi consacrer une part de leur budget marketing à la publicité télévisée sans être écrasés par les gros distributeurs qui seraient contraint de faire des choix en termes de publicité télévisée. La présence d’un plafond savamment posé permettrait d’encadrer les gros distributeurs tout en laissant libres les distributeurs plus modestes. Un distributeur qui dépasserait le plafond fixé se verrait taxé de façon dissuasive, un peu à la manière d’un « pollueur payeur ». Les sommes récoltées pourraient alimenter les caisses du CNC et donc contribuer à la filière cinématographique. Le CSA pourrait même aller jusqu’à préconiser des limites plus importantes : interdiction de la publicité pour le cinéma à certains horaires ou certains jours, limite du nombre d’écrans publicitaires pour un seul film, interdiction sur les chaînes jeunesses… Ce système aurait pour avantage de privilégier la publicité qualitative aux dépens de la publicité quantitative. En cas de modification de l’article 8 du décret du 27 mars 1992, le pouvoir réglementaire (c’est-à-dire le Premier ministre compétent pour la rédaction de ce décret) devra veiller à respecter le droit de la concurrence et la liberté d’entreprendre des distributeurs afin de ne pas subir une annulation devant le Conseil d’État(5)
    (1)

    Les distributeurs acquièrent les droits de distribution des films auprès des producteurs afin de proposer le film aux salles. Le distributeur est notamment chargé de concevoir et financer la publicité pour le film. 

    (2)

    La télévision de rattrapage permet de voir ou revoir un programme diffusé par une chaîne au moment où on le souhaite sur son téléviseur, son ordinateur, sa tablette ou son téléphone portable. "

    (3)

    L’article 17 du décret de 1992 prévoit que : « Constitue un parrainage toute contribution d'une entreprise ou d'une personne morale publique ou privée ou d'une personne physique, n'exerçant pas d'activités d'édition de services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande ou de production d'œuvres audiovisuelles, au financement de services de télévision ou de programmes dans le but de promouvoir son nom, sa marque, son image ou ses activités. » qui n’est, pour sa part, pas fermé au cinéma (art. 17 et suivants du décret de 1992).

    (4)

    Il n’est pas certain que ce point de vue soit partagé par les petits exploitants et notamment les exploitants « d’art et essai » qui diffusent souvent des films peu concernés par la publicité télévisée. Cette dernière pourrait avoir pour effet d’éloigner les spectateurs de leurs salles au profit des multiplexes.. Enfin, les gros distributeurs pourraient exposer encore un peu plus dans les médias leurs grosses productions. En guise d’illustration, le président de Walt Disney France ne cache pas sur son compte Twitter sa volonté de voir cette interdiction tomber.
     

    (5)

    L’article 34 de la Constitution, qui détermine le domaine de compétence du législateur, peut, en cas de contraintes importantes en matière de publicité pour le cinéma, imposer le vote d’une loi.. Les juges administratifs et le Conseil constitutionnel ont néanmoins démontré à plusieurs reprises que les pouvoirs publics pouvaient poser un certain nombre de limitations (protection des mineurs, chronologie des médias, jours et horaires interdits de film à la télévision,...) en vue de préserver la bonne organisation de la filière cinématographique en particulier et de la culture en général. 

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    Crédit photo : M Rasoulov / Flickr.com

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