À la source des fake news, l’interdépendance presse/réseaux sociaux

À la source des fake news, l’interdépendance presse/réseaux sociaux

En 2016, après le Brexit et l’élection de Trump, les fake news font leur apparition médiatique. Facebook et Google sont mis au ban. Si ces fake news font soudain polémique, c’est parce qu’une relation d’interdépendance s’est installée entre réseaux sociaux et médias.

Temps de lecture : 12 min

2016 aura été une année compliquée pour Facebook et Google. Critiqués par beaucoup de médias traditionnels pour leur passivité face au phénomène des fake news(1), les deux grands acteurs du numérique ont réagi rapidement en promettant de lutter contre la circulation de ces « fausses nouvelles ».

 

Pourquoi une telle réaction de la part d’acteurs si puissants ? Et,alors que les intox en tout genre ont toujours circulé sur Internet, pourquoi les médias traditionnels ont-ils attendu 2016 pour se soucier de ces « fausses informations » ? C’est qu’entretemps, la presse et les grands acteurs du numérique ont noué une relation d’interdépendance. Si la presse s’estime dépendante des Facebook et Google, ces derniers estiment avoir tout autant besoin des médias traditionnels. C’est cette interdépendance qui est aux sources de la polémique des fake news et qui explique les actions promises par les géants du numérique, par ailleurs assez diverses. Analyse.

 

2015 : l’année où les réseaux sociaux sont devenus des médias

C’est une considération qui fait l’unanimité : la presse a besoin des réseaux sociaux (et des moteurs de recherche). Cette certitude, appuyée par quantité d’études montrant que les internautes s’informent de plus en plus sur les réseaux sociaux, est devenue quasiment une doxa, une considération indiscutable. Pourtant, si la presse, notamment écrite, dans la mesure où les éditions papier subissent d’importantes pertes d’audience année après année, a effectivement besoin de ces relais d’audience que sont les réseaux sociaux et moteurs de recherche, les acteurs dominants de la conversation numérique (Facebook, Google, Snapchat ou Twitter) ont tout aussi besoin de la presse.

 Les acteurs dominants du numérique développent une stratégie de séduction des producteurs de contenus 

 

Par « besoin », nous n’entendons pas porter un jugement sur ce dont ont besoin, ou non, ces acteurs pour leur réussite commerciale, mais simplement décrire et analyser un fait : une stratégie de séduction de la part des grands réseaux sociaux auprès de la presse et des producteurs de contenus en général (journalistes, mais aussi blogueurs, vidéastes...). Google, Facebook et les autres mènent en effet, de longue date, une politique destinée à séduire ces producteurs pour les attirer sur leurs plateformes.

 

Facebook a, par exemple, créé en 2015 un outil taillé spécialement pour les rédacteurs : les « articles instantanés », un format dédié à la lecture mobile. Initialement ouvert à certains titres de presse, le format à ensuite été ouvert à tout le monde. De son côté, Google a lancé la même année ses Accelerated Mobile Pages (AMP), un format similaire à celui de Facebook. Dernier exemple significatif : Snapchat a ouvert, également en 2015, un espace dédié aux contenus de presse, « Discover ». Sélectionné par Snapchat, certains éditeurs peuvent ainsi proposer leurs contenus à tous les utilisateurs du réseau social. En France, les quotidiens Le Monde et L’Équipe et les sites de divertissement Konbini et Melty utilisent la fonctionnalité.

 

Ces quelques exemples montrent à quel point les acteurs dominants du numérique développent une stratégie de séduction des producteurs de contenus. Ce constat étant établi, il est intéressant de comprendre pourquoi.

 

Les réseaux sociaux et la presse entament une relation d’interdépendance

 

Les acteurs dominants de la conversation numérique estiment donc avoir besoin des contenus de la presse. Pourquoi ? Comme les médias traditionnels, les réseaux sociaux et moteurs de recherche vivent de la publicité. Ainsi, au deuxième trimestre 2016, Facebook réalisait 97 % de son chiffre d’affaires en vendant des espaces de publicité. Les entreprises qui tentent de convaincre les internautes — via le recours à la publicité — d’acheter leurs produits ou services sont donc le poumon économique des réseaux sociaux et des moteurs de recherche. Or, ces entreprises décident d’investir sur ces plateformes à l’aune, principalement, de trois critères : le nombre d’utilisateurs de ces réseaux sociaux, la précision du ciblage permise par les données personnelles (âge, sexe, lieu d’habitation, métier, goûts…) et le temps qu’y passent les utilisateurs.

 

 La valeur des réseaux sociaux dominants, aux yeux des annonceurs, est surtout évaluée à l’aune du temps passé par ses utilisateurs. C’est la fameuse « guerre de l’attention » : dans un paysage médiatique où la concurrence s’est exacerbée avec la démocratisation d’internet, « l’attention » des internautes vaut de l’or 

In fine, plus les internautes passent du temps sur un réseau social, plus ils y déposent des données personnelles (en publiant, en « likant » des publications, en complétant leur profil…) et plus, en bout de chaîne, ce réseau social a de la valeur aux yeux des entreprises désireuses d’y placer de la publicité. Un cercle vertueux pour les Facebook et consorts. Car, de cette façon, les annonceurs peuvent investir dans l’achat d’espaces de publicité en étant convaincus, d’une part, que cette publicité sera vue (grâce au nombre d’utilisateurs et au temps passé par ceux-ci sur le réseau social sur lequel les entreprises achètent des espaces pour y intégrer leurs publicités) et, d’autre part, qu’elle le sera par les bonnes personnes (grâce au ciblage précis permis par les données personnelles acquises par ce même réseau social). La valeur des réseaux sociaux dominants, aux yeux des annonceurs, est donc surtout évaluée à l’aune du temps passé par ses utilisateurs. C’est la fameuse « guerre de l’attention » : dans un paysage médiatique où la concurrence s’est exacerbée avec la démocratisation d’internet, « l’attention » des internautes vaut de l’or.

 

On comprend ainsi pourquoi les contenus de presse sont considérés par les acteurs dominants du numérique comme un précieux allié : à leurs yeux, si leurs utilisateurs ont accès à des contenus de qualité (car conçus par des professionnels, journalistes notamment), ils passeront davantage de temps sur la plateforme, enclenchant le cercle vertueux décrit plus haut. Si l'on en juge par le succès commercial de Facebook et Google, ce pari semble plutôt réussi. En tout cas, jusqu’en 2016, année où un grain de sable est venu saper la confiance qu’avaient les médias traditionnels dans ces acteurs du numérique.

2016 : le « Brexit » et l’élection de Trump provoquent un large débat sur les fake news

 

Le 24 juin 2016, les citoyens européens découvrent que le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne : c’est le « Brexit ». La nouvelle surprend une majorité de la presse occidentale, qui pariait globalement sur un « Remain » (un vote majoritaire pour rester dans l’Union européenne). C’est suite à ce référendum que les fake news, des contenus mensongers conçus pour abuser le lecteur, font leur apparition médiatique.

 

Ce sujet, bien que mal défini et discutable, est alors subitement mis en lumière par la presse occidentale. Avec un accusé principal : Facebook. Ce dernier a été ainsi cloué au pilori par une grande partie de la presse pour son rôle supposé dans la propagation de ces « fausses nouvelles ». À ce titre, l’article de la rédactrice en chef du Guardian, Katharine Viner,fait date : le 12 juillet 2016, quelques jours après le « Brexit », elle publie un article intitulé How technology disrupted the news dans lequel elle accuse Facebook d’être en partie responsable du succès de ces « fausses nouvelles » qui perturbent le jugement des électeurs. Un article très partagé, qui engendrera de nombreux débats. Médiatiquement, les fake news deviennent alors un problème citoyen.

 

Le 8 novembre 2016, un événement va renforcer la polémique naissante : Donald Trump est élu Président des États-Unis. Là encore, la presse traditionnelle occidentale est surprise : Hillary Clinton ne devait-elle pas gagner haut la main face à un candidat peu crédible ? Et pourtant. La problématique des fake news prend alors une grande ampleur. Dans l’esprit de l’éditorial du Guardian post « Brexit », une pluie de critiques s’abat sur Facebook. Le réseau social est accusé par une grande partie de la presse d’avoir permis le partage en masse d’informations inventées ou largement exagérées

 

Aussi importantes soient-elles, ces critiques ne sont pourtant pas les premières concernant la gestion des contenus de la part de Facebook.

Avant même les fake news, Facebook était accusé de manipulation

 

 

 Pour Facebook, la problématique des biais médiatiques, entendu comme les façons dont Facebook orienterait la perception de ses utilisateurs, avait commencé avant l’élection de Donald Trump. En raison de son algorithme de tri des publications, chaque utilisateur du réseau social voit, en effet, s’afficher une partie seulement des publications de ses amis et des pages auxquelles il est abonné. Cette sélection est décidée par un algorithme bâti à partir de nombreux critères qui évoluent constamment. Ce tri est très souvent critiqué, tant pour son principe que pour ses effets supposés.

 En raison de son algorithme de tri des publications, Facebook est accusé de favoriser un enfermement idéologique des internautes 

Parmi ces effets, Facebook est accusé de favoriser un enfermement idéologique des internautes. En faisant apparaître, au sein des flux d’actualités des utilisateurs, seulement les publications proches de leurs opinions, ceux-ci ne peuvent que s’enfermer idéologiquement. C’est le reproche que faisait un internaute britannique à Facebook suite au « Brexit » : « Je cherche activement des gens qui se réjouissent de la victoire des pro-Brexit sur Facebook, mais les filtres sont tellement forts et tellement intégrés aux fonctions de recherche personnalisées sur des plateformes comme Facebook que je n’arrive pas à trouver une seule personne contente de ce résultat électoral, et ce, alors que près de la moitié du pays est clairement euphorique aujourd’hui. »

 

Cette critique s’est amplifiée à la suite de la mise en place par Facebook d’un espace dédié aux sujets les plus populaires sur sa plateforme. Concrètement, le principe est de fournir aux internautes deux flux de synthèse : un condensé des sujets correspondants à leurs centres d’intérêts qui circulent le plus sur Facebook et, par ailleurs, une autre synthèse des grandes actualités. Cette fonctionnalité est largement inspirée des célèbres trending topics de Twitter : les hashtags générant le plus de conversations sont présentés en permanence sur le flux de chaque utilisateur.

 

À la différence de Twitter cependant, Facebook présente uniquement une sélection de contenus (Twitter présente la liste brute de tous les tweets, même si une sélection est possible). Initialement générée par un robot, cette sélection a finalement été confiée par Facebook à des modérateurs. Un choix pris sous la contrainte : alors que d’importantes émeutes avaient lieu à Ferguson (États-Unis), le sujet ne figurait pas dans les sujets les plus populaires de Facebook. Les publications étaient tout simplement trop peu « aimées » par rapport à d’autres contenus à succès, comme, par exemple, les célèbres vidéos de chats. Quantité de plaintes ont été émises et Facebook a donc décidé de confier sa sélection des contenus à des humains en complément de son algorithme.

 

Mais cette décision a engendré un autre problème : en mai 2016, pendant la campagne présidentielle des États-Unis, les modérateurs de Facebook, embauchés à la suite de Ferguson, ont été accusés de censurer des sites favorables aux conservateurs dans sa sélection de contenus. Le réseau social a démenti et publié des documents expliquant en fonction de quels critères les contenus étaient sélectionnés ou exclus. Une opération transparence qui n’aura pas suffi : Facebook prend finalement la décision, en août 2016, de licencier tous ses modérateurs. In fine, le réseau social de Mark Zuckerberg choisit de confier la sélection des contenus de ses trending topics à des… ingénieurs. Un premier pas vers une solution du presque tout technologique.

 

Pour lutter contre les fake news, Facebook croit plus à la technologie qu’aux humains

 

Les ingénieurs de Facebook ont alors reçu des instructions très différentes de celles des modérateurs. Là où ces derniers devaient vérifier chaque contenu sélectionné par l’algorithme en croisant avec d’autres sources, les ingénieurs ont reçu l’instruction de valider tous les sujets remontés par l’algorithme s’ils sont au moins traités par trois articles récents (moins de 48 heures), quelle que soit la source.

 

Un filtre si mince qu’il laisse inévitablement passer des fake news. Ce qui n’a pas tardé à se produire et a obligé Facebook à s’excuser après avoir intégré dans ses trending topics un canular grossier. Cet échec n’a pas pour autant convaincu Facebook de changer de direction : le réseau social maintient que la vraie solution pour lutter contre ce type de fausses nouvelles est de bâtir des algorithmes toujours plus performants. Une philosophie du tout technologique qui s’est même renforcée après l’élection de Donald Trump. En pleine tempête, Facebook déclare alors, par l’intermédiaire de son responsable de la division intelligence artificielle (IA), Yann LeCun, que « l’IA de Facebook peut aider à lutter contre les fake news », sans savoir exactement comment à ce stade (décembre 2016).Contacté à ce propos, Facebook ne nous a pas répondu.

 

Ces solutions technologiques ne sont cependant pas les seules mobilisées par Facebook. En février 2017, certains titres de la presse française (Le Monde, l’AFP, BFM-TV, France Télévisions, France Médias Monde, L’Express, Libération et 20 Minutes) annoncent s’être associés à Facebook pour favoriser la vérification des contenus y circulant. Le principe consiste à solliciter les internautes afin qu’ils signalent des articles qui leur paraissent véhiculer des informations fausses. Par la suite, les médias partenaires vérifient ces articles. In fine, « si deux médias partenaires établissent que le contenu signalé est faux et proposent un lien qui en atteste, alors ce contenu apparaîtra aux utilisateurs avec un drapeau mentionnant que deux « fact-checkers » remettent en cause la véracité de cette information. Quand un utilisateur voudra partager ce contenu, une fenêtre s’ouvrira pour l’alerter. » explique Le Monde. L’algorithme de tri des publications prendra le relais puisque chaque information vérifiée comme fausse sera rendue moins visible dans les flux d’actualités de chaque utilisateur, a promis Facebook.

 

 

 Les grands acteurs du numérique estiment avoir besoin des médias autant que l’inverse. Et cette relation d’interdépendance ne concerne pas seulement Facebook 

Enfin, Facebook a annoncé en décembre 2016, un mois après l’élection de Trump et les critiques à son encontre au sujet des fake news, vouloir embaucher un « responsable média ». Son rôle : être un « porte-parole de Facebook et de son rôle dans l’écosystème de l’information ». Une annonce qui confirme la préoccupation du réseau social quant aux critiques émises contre lui lorsqu’elles concernent ses relations avec la presse. Et qui corrobore notre hypothèse : les grands acteurs du numérique estiment avoir besoin des médias autant que l’inverse. Et cette relation d’interdépendance ne concerne pas seulement Facebook.

 

Car il est une autre grande entreprise qui s’est empressée de prendre des mesures contre les « fake news » : Google.

Face aux fake news, Google mobilise sa régie publicitaire ultra dominante

 

Bien que moins critiqué que Facebook au sujet des « fake news », Google a également communiqué sur les mesures prises à la suite de l’élection de Donald Trump. Là aussi, des mesures prises sous le feu des critiques : peu après novembre 2016, Google fait remonter très haut dans son moteur de recherche un article expliquant que Donald Trump a bénéficié de plus de voix qu’Hillary Clinton. Une information fausse, puisque cette dernière a, en réalité, engrangé près de 3 millions de voix de plus que son concurrent. Pourtant, explique Numerama, cette information était « tirée d’un blog conspirationniste mais présentée par Google comme un contenu informatif, logiquement réputé de valeur sûre alors que l’auteur de l’article se base sur un tweet lui-même non vérifié… tiré d’un tabloïd ultra-conservateur américain. » (Alexis Orsini, 14 novembre 2016).

 

Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, le moteur de recherche développe une stratégie relativement similaire à celle de Facebook. En effet, les deux entreprises ont, par exemple, annoncé qu’elles s’attaqueraient aux ressources financières des sites, profitant de ce qu’il faut bien appeler l’industrie des « fausses nouvelles », puisque cette pratique, prenant de l’ampleur, rapporte de l’argent à ses auteurs. Concrètement, Google et Facebook ont promis d’exclure les sites publiant régulièrement des fake news  de leurs régies publicitaires. Les auteurs de ces sites auront donc moins intérêt à poursuivre leur activité puisqu’elle deviendrait moins rentable, les régies publicitaires de Google et Facebook étant ultra dominantes dans l’industrie de la publicité numérique. Au premier trimestre 2016 aux États-Unis, Google et Facebook monopolisaient, en effet, près de 70 % des revenus publicitaires totaux sur internet.

 

Enfin, Google rejoint Facebook dans l’idée de coopérer avec les journalistes professionnels autour du projet « Crosscheck », lancé à l’approche de l’élection présidentielle 2017 avec l’objectif de lutter contre la désinformation. Le principe est très proche de l’initiative de Facebook décrite plus haut : « Les internautes pourront envoyer les informations dont ils doutent sur le site du réseau de médias en lutte contre les fausses infos First Draft [une plateforme cofondée par Google et qui regroupe les médias français AFP, BuzzFeed News, France Télévisions, Libération, La Provence et d’autres ; ndlr] afin que celles-ci puissent être vérifiées par les journalistes des médias partenaires » relate Arrêt sur images. Twitter serait également partenaire, mais sans réelle confirmation, à notre connaissance. Contacté, Twitter n’a pas donné suite à nos questions.

 

À côté de Facebook et Google, un autre grand acteur numérique se nourrit abondamment de contenus médiatiques : Snapchat, un réseau social plus utilisé que Twitter. Mais contrairement à Google et Facebook, ce réseau social ne subit pas de critiques concernant les « fausses nouvelles ». Et pour cause : son fonctionnement le rend imperméable à ce type de contenus.

En contrôlant fermement l’information, Snapchat ne peut pas accueillir de fake news

 

Comme Facebook et Google, des contenus de presse sont publiés sur Snapchat. Dans leur rapport aux médias, c’est cependant le seul point commun entre les trois acteurs car la méthode de Snapchat diffère des deux autres.

 

 Snapchat sépare très nettement l’actualité du reste  

Alors que, sur Google et Facebook, l’information est intégrée directement dans les flux d’actualités (pour Facebook) ou dans les résultats de recherches (pour Google), Snapchat sépare très nettement l’actualité du reste. C’est en effet via un module annexe, intitulé Discover, que le réseau social propose des contenus de presse. Surtout, contrairement à Google et Facebook, ces contenus sont étroitement contrôlés par Snapchat. D’une part, seule une sélection de médias, choisie par Snapchat, peut utiliser Discover et d’autre part, les contenus de ces médias sont validés par l’équipe de Snapchat, au moins au démarrage du partenariat entre les rédactions et le réseau social.

 

Un contrôle qui va au-delà de la simple déclaration d’intention : aux États-Unis, « Yahoo ! » s’est vu supprimer son accès à Discover » suite à un désaccord sur les contenus proposés. En France, le quotidien Le Monde a confirmé que Snapchat « impose un format » aux journaux et France Info a expliqué avoir été exclu de la sélection de Snapchat parce que « ce que nous avions produit n’était pas [conforme] aux critères de qualité [voulus] par Snapchat ». Ces critères ne sont pas publics, mais un responsable de Snapchat avait laissé entendre, après l’épisode la suppression de la chaîne de Yahoo !, que les contenus devaient éviter les formats trop « traditionnels », par exemple un présentateur en plateau, afin de plaire au public de Snapchat, les jeunes.

 

Avec un tel contrôle sur les émetteurs et les contenus de ceux-ci, impossible de faire passer une « fausse nouvelle ». Comme l’explique le journal en ligne Buzzfeed News, « accéder à Discover est un processus qui implique un contrôle par plusieurs « gatekeepers » tout du long. » Aussi, « c’est impossible pour quiconque de « frauder » sur Discover parce que tout est vu et contrôlé par Snapchat. »

Pourquoi Facebook et Google luttent à contrecœur contre les fake news

C’est à contrecœur que Facebook et Google ont promis de lutter contre les fake news. Avant d’être acculés par les critiques d’un acteur dont ils estiment avoir besoin, la presse, ces deux grands acteurs du numérique laissaient prospérer les intox en tout genre. Pour une raison simple : leur modèle commercial en dépend. La valeur de Facebook et Google est définie en effet par le temps qu’y passent les utilisateurs. De ce point de vue, limiter l’apparition des « fausses nouvelles » ne fait pas l’affaire de ces acteurs puisque ce genre de contenus semble très lu par les internautes.

Mais, si les fake news semblent être appréciées par une part non négligeable d’internautes (qui ne voient pas dans ces contenus des « fausses nouvelles » mais de l’information comme une autre), elles sont haïes par la presse traditionnelle, qui y voit une menace citoyenne. Or, Facebook et Google considèrent avoir trop besoin des médias (au sens large : presse, vidéastes, blogueurs…) pour laisser ces critiques prospérer. Quitte à empêcher une pratique, la publication de fake news, qui contribue à leur succès populaire. Un chemin de crête.

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Crédits :
Ina. Illustrations Laura Paoli Pandolfi

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