Le don, l’autre modèle économique des apps de streaming asiatiques

Le don, l’autre modèle économique des apps de streaming asiatiques

Regarder la dernière vidéo d’un youtubeur, acheter un cadeau virtuel et l'offrir ensuite à celui-ci pour le remercier. Étonnant non ? C’est pourtant sur ce modèle économique, très répandu en Asie, que vivent des applications de streaming comme AfreecaTV en Corée du Sud, ou Inke en Chine.
Temps de lecture : 12 min

Un rapport récent, de la société d’étude China Tech Insights, filiale du groupe chinois Tencent, première société de jeu vidéo mondiale montre comment la télévision « live en streaming » est passée d’une activité, encore marginale il y a peu, à une activité désormais « mainstream » en Chine(1). Cette évolution peut paraître surprenante mais, en réalité, elle s’ancre d’une part sur des pratiques et développements antérieurs en Asie, notamment en Corée du Sud, pays pionnier. D’autre part, elle s’inscrit pleinement au sein des dernières tendances en matière de contenus mobiles et de contenus générés par les utilisateurs (UGC).

En effet, sans entrer dans le détail de ces tendances, on notera que la plupart des sociétés spécialisées (Cisco, Ericsson, GSMA, etc.) soulignent désormais la part dominante de la vidéo dans le trafic des données mobiles. Cette part devrait passer de 70 % en 2015 à plus de 80 % à l’horizon 2020. L’organisme d’étude de l’association des mobiles, GSMA, n’hésite pas à parler de « "vidéoification" de tout dans un monde numérique ».

 La quasi-ubiquité des smartphones, équipés de caméras évoluées, a permis aux utilisateurs de devenir des producteurs de contenus 
Pour cette association professionnelle, la vidéo devient, de fait, le format de communication par défaut pour les loisirs, l’éducation, le marketing... Ce flux de vidéo est de plus en plus généré par les utilisateurs eux-mêmes. La quasi-ubiquité des smartphones, équipés de caméras évoluées, a permis aux utilisateurs de devenir des producteurs de contenus et d’alimenter la croissance de ces « live streaming » comme du partage des vidéos(2). Des plateformes telles que Bambuser(3), YouNow(4), Periscope(5), Meerkat(6), Facebook Live, YouTube Gaming et Twitch(7)ont ouvert une nouvelle dimension aux contenus en direct autoproduits.

Toujours selon le GSMA, plus de 70 % des utilisateurs de smartphones dans le monde regardaient des vidéos gratuites sur leur terminal en 2016(8). Si la télévision demeure le mode privilégié d’accès aux contenus dans les pays développés (pour 55 % des utilisateurs), ce chiffre n’est plus que de 34 % pour les pays en développement. La télévision se retrouve ainsi en seconde position derrière l’accès par ces terminaux (35 %)(9). En particulier, les « apps » de streaming vidéo(10) ont connu un vif développement en Asie, qualifié d’explosif, par AppAnnie(11), tant par les usages (temps passé et intensité) que pour que les recettes générées.

En Chine, entre octobre 2015 et octobre 2016, les recettes ont quadruplé, sur le seul IoS Apple Store. L’usage en Thaïlande, comme en Indonésie, avec Cliponyu ou Nonolive, a plus que doublé, accompagnant la croissance de l’équipement en terminaux mobiles. Bigo Live Broadcasting, une application lancée à Singapour en mars 2016, s’est largement répandue en Asie du Sud-Est. Au Japon, « l’app » Twitcasting offre ce type de services depuis 2010. Avec une « app » comme AfreecaTV, qui permet à qui le souhaite de diffuser librement des vidéos en direct, la Corée du Sud est devenu un pays leader pour le « live streaming ».

AfreecaTV, le pionnier : une appétence iconophile ?


La société sud-coréenne AfreecaTV fait figure de pionnière : en août 2016, les Coréens passaient plus de 13 h à regarder ce type d’émissions grâce à AfreecaTV, soit une moyenne mensuelle de 115 sessions (contre seulement une moyenne d’une heure cinquante pour la même période au États-Unis à travers Periscope)(12). La société, dont le nom ne renvoie nullement au continent africain mais seulement à la radiodiffusion de contenus vidéo gratuits, est issue de la société de technologie de l’information Nowcom. Cette société, créée en 1994, proposait initialement des BBS (bulletin board systems). La société, devenue un réseau social, a été rebaptisée AfreecaTV. En 2006, elle offrait déjà sur son site web une moyenne de 700 chaînes diffusées simultanément, et 40 000 programmes créés par jour. Plus de 10 ans après, elle propose 7 500 chaînes et touche 25 millions d’usagers. La société se développe en Asie (Japon, Taiwan et Corée), mais aussi en Amérique du Nord.

Elle est surtout connue pour avoir popularisé les « mukbang » (ou « mokbang », soit un mot-valise des mots en coréen signifiant  « manger » et « télévision »), émission où le protagoniste se filme absorbant de grandes quantités de nourriture en direct. En 2013, en effet, la société a permis aux « streamers en direct », (équivalents locaux des Youtubeurs mais nommés en Corée « Broadcast Jockeys ») de bénéficier d’une monnaie virtuelle les « Star Balloons » pouvant être convertie par les bénéficiaires en monnaie réelle. L’une de ses intervenantes les plus populaires en Corée, une jeune sud-coréenne connue sous le nom de « La Diva », dîne tous les soirs, à partir de huit ou neuf heures, face aux spectateurs et reçoit en contrepartie ces dons des spectateurs. Ce mode de financement lui permettrait de gagner environ 10000 dollars par mois (hors mécénat et autres formes de soutien).

En 2006, les jeux représentaient 40 % des contenus offerts par le site, suivis par la musique. À la différence de l’autre site coréen d’UGC, Pandora TV(13), qui fonctionne sur un modèle qui anticipait celui de YouTube(14), en offrant le téléchargement de vidéos. Le site d’Afreeca ne permettait pas les téléchargements mais seulement le direct, ce qui semble cohérent avec une telle logique de diffusion.
 
Dans ce contexte, le « live video streaming » est devenu bien établi en Corée du Sud, non seulement auprès des jeunes générations, mais aussi des plus âgées : si 33 % des teenagers ont utilisés les UGC dans ce cadre, c’est aussi le cas de 28 % des plus de 45 ans.

La Chine, l’autre pays du « live streaming »

En Chine non plus, le « live streaming » n’est pas nouveau. Il remonte déjà à 2005, date à laquelle le pionnier 9158.com(15) a commencé à offrir de tels services, nommés alors « live entertainment show business » à partir de l’Internet. La plateforme permettait à des chanteurs, danseurs et animateurs de débat amateurs d’intervenir en direct et d’interagir avec les spectateurs qui commentaient et offraient des cadeaux virtuels.

Elle a été suivie par YYLive, alors YY Music, quelques années plus tard en 2011 dont la forte croissance a permis son entrée à la bourse de New York dès 2013. 9158.com a été introduite à la bourse de Hong Kong l’année d’après ; en 2010 elle réalisait déjà un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars. Mais, le point de bascule selon Reha Liu et Dannie Li, est intervenu en 2015, avec l’arrivée de la société américaine Meerkat et l’introduction en Asie d’une nouvelle application mobile de streaming « 17 app»(16). Cette dernière application, lancée par un chanteur pop de Taiwan (détenteur par ailleurs d’une société de fourniture de services Internet), diffusait nombre de célébrités asiatiques. Elle devint en quelque mois l’une des plus populaires en Chine, Taiwan, en Malaisie et à Hong Kong. L’application fut fermée en raison du caractère sexuel explicite de certains contenus, puis ré-ouverte. Ironie de l’histoire, Meerkat a fermé, mais les entrepreneurs chinois ont su saisir cette opportunité pour développer leurs propres applications de « live streaming ». Depuis cette date, plus de 150 « apps » de streaming  auront vu le jour; la Chine prenant la tête de cette nouvelle forme d’auto-expression mobile que Connie Chan intitule « video selfie ».

La Chine comptait, en juillet 2016, plus de 200 millions d’utilisateurs de services de streaming, soit le tiers de sa population en ligne selon certaines sources, voire près de la moitié selon d’autres. Cette base d’utilisateurs devrait dépasser 400 millions en 2017, poursuivant une croissance à deux chiffres. En valeur, le marché du « live streaming » mobile seul passerait de moins de 2 milliards de dollars en 2015, à près de 16 en 2020, dépassant les recettes des entrées du cinéma et devenant comparable à celles des jeux sur mobiles. Dès 2016, le cap des 3 milliards aurait été atteint, selon le bureau d’études chinois iResearch.

À partir de 2015, le marché a évolué. Les plateformes antérieures étaient surtout connues pour les jeux vidéo en direct, à travers Twitch notamment, ou pour des spectacles de danse ou de chant préprogrammés. Les réseaux sociaux avec des acteurs tels que la société Inke, les ont réorientés côté mobile, la caméra mobile se substituant à la webcam. De surcroît, ces applications ont fait passer cette caméra mobile de l’arrière du terminal à l’avant de celui-ci. En d’autres termes, la caméra filme non ce que l’utilisateur voit (utilisation hétéro-centrée), mais lui-même (utilisation autocentrée).

Les cinq premières sociétés, en termes de temps passé et d’utilisateurs actifs étaient, en juillet 2016, classées dans l’ordre de leur nombre d’utilisateurs actifs mensuels : Inke avec près de 28 millions, YY Live, Douyu TV, Huya, et Panda TV avec plus de 7. L’étude de China Tech Insights distingue quatre types d’émissions relevant de sociétés pouvant être spécialisées dans tel ou tel type :
- « Showroom »: la plus populaire des types de plateformes, qui offre du chant et de la danse en temps réel,
- style de vie  (ou « Pan-entertainment ») dont les contenus sont les plus divers et qui inclut les activités de plein air ou de «social eating » (comme dans le cas de la « Diva » coréenne évoqué plus haut),
- les jeux vidéo,
- les sports, dont les transmissions en streaming de jeux professionnels. 
 
streaming de nuit ChineLes utilisateurs sont avant tout jeunes, 83 % d’entre eux ont moins de trente ans, voire très jeunes avec près de 43 % de moins de vingt ans. Les femmes ne représentent que 33 %, même si ce chiffre est en augmentation par rapport à l’ère du PC. À l’inverse, elles représentent 80 % des émetteurs (streamers/broadcasters) face à une audience donc en majorité masculine. Les utilisateurs sont aussi plus fortunés que la moyenne et mieux formés(17). Un des points surprenants du mode de consommation tient à l’heure tardive de l’utilisation : entre dix heures du soir et quatre heures du matin, avec un pic autour de minuit. Point d’ancrage sociétal, selon Connie Chan, dû au sentiment de solitude grandissant dans la société chinoise, en raison notamment de l’isolement des enfants uniques, résultat des politiques publiques chinoises antérieures.

Un modèle d’affaires établi

Non seulement la croissance a été spectaculaire depuis 2015, mais les résultats financiers ne le sont pas moins. Les plateformes chinoises réussissent à engranger des millions à partir d’un modèle de monétisation fondé sur des contributions de type pourboire/don. Les recettes horaires estimées étaient d’environ à 0,50 $ soit près du double des jeux vidéo, largement supérieures à celles de la télévision traditionnelle (moins de 0,10 $).YY récolte ainsi des revenus moyens par utilisateur (ARPU) impressionnants de 120 $, soit près de quatre fois ceux d’une société comme Tencent, pourtant leader mondial pour les jeux vidéo et déjà l’une des plus performantes du monde en la matière(18)

Ces bons résultats financiers ont permis à nombre de sociétés de réussir leur introduction en bourse, comme YYLive et 9158 déjà citées, mais aussi le leader du marché Inke, ou encore Momo, le Tinder chinois. Ils ont aussi entrainé une quasi-ruée des sociétés de capital-risque dont les investissements sont passés de 58 millions de dollars en 2014 à plus de 430 millions en 2016. Parmi les investisseurs figurent également les grandes sociétés de l’Internet chinois, les BAT (Baidu, Alibaba et Tencent).

La réussite de ces sociétés tient à la combinaison de deux facteurs,  un modèle d’affaires efficace et une chaîne de la valeur bien organisée. Malgré la nouveauté de l’activité, une chaîne de la valeur s’est rapidement mise en place qui spécifie bien les parties en présence et entraîne une professionnalisation rapide.L’étude de China Tech Insights présente une chaîne de la valeur complexe. Elle répartit les principaux acteurs autour de deux pôles celui des producteurs de contenus et celui des plateformes.

Le groupe des producteurs de contenus se scinde entre amateurs et professionnels, les premiers étant largement majoritaires. Ils doivent s’efforcer de maintenir l’attractivité de leurs prestations. C’est pour cela que l’on a assisté à l’émergence d’intermédiaires : les syndicats et les agences de talents. Les premiers ressemblent à ce que l’on peut trouver sur YouTube avec les Multi-Channel Networks. Ils se chargent du recrutement des « streamers », de leur promotion et de l’amélioration de leur production. En échange de quoi, ils reçoivent une compensation financière, quoique de façon largement informelle, sans encadrement légal précis. Les agences, interviennent, quant à elles, pour les plateformes qui sont leurs principaux clients et non les « streamers ». Ils contribuent dès lors à la professionnalisation de ces derniers.

Les plateformes sont les opérateurs techniques de l’ensemble de cette chaîne de la valeur. Pour autant, ils sous-traitent une très large partie des fonctions techniques en particulier la recherche et développement. Leur facteur principal de coût est le maintien de la qualité de la bande passante qui peut représenter un tiers de leurs coûts de fonctionnement. Ces acteurs peuvent aussi tenter d’intervenir sur les contenus, ou d’autres parties de la chaîne. Tel est le cas de 9158 qui a ouvert un département de production de films et contenus audiovisuels.

 L’accent porte sur l’interaction avec le « streamer », le talent éventuel de ce dernier devient un élément secondaire
Le modèle d’affaires repose sur deux piliers : les dons (« gifts ») ou pourboires (« tips/ cash reward ») virtuels et la publicité. Les premiers assurent l’essentiel des recettes. 9158 les a introduits dès 2005. C’est une différence majeure avec le modèle des youtubeurs dominé par les recettes publicitaires. Bien que ces dons fonctionnent de façon similaire aux pourboires sur Twitch, selon China Tech Insights, la psychologie des émetteurs et des récepteurs diffère. Il ne s’agit pas non plus du modèle du pourboire accordé aux artistes dans le modèle dePatreon ou de son équivalent français Tipeee. Dans ces deux cas, il s’agit d’une évolution du système de financement participatif destiné à des « artistes »(19) qui cherchent des financements complémentaires pour des produits existants déjà et non pour des émissions en direct(20).
Comme le note Connie Chan, on est dans le champ du don, voire du don compulsif, l’accent porte plus sur l’interaction, l’échange avec le « streamer », le talent (chant, danse…) éventuel de ce dernier devient un élément secondaire. Le don semble dès lors plus adapté à cette forme de communication.

Les utilisateurs acquièrent des points d’achat ou des tickets dans l’app qui peuvent être convertis en cadeaux virtuels. Ceux-ci peuvent, à leur tour, être convertis en monnaie réelle par les « streamers » à hauteur de 45 % des montants réalisés, la plateforme conservant le reste. La partie allouée au « streamer » est ensuite re-répartie entre ces derniers et les intermédiaires, les agences étant plus gourmandes (jusqu’à 15 %) que les syndicats.

Par exemple, si un  spectateur a offert au « streamer » sur Inke un « autocollant » de voiture d’une valeur de 45 $, ce dernier conservera autour de 15 $. Sur Bigo Live Broadcasting, le spectateur peut faire don d’articles virtuels, de la bague à la voiture de sports, à partir de la monnaie virtuelle de la plateforme, le « diamant » (42 diamants coûtent 1 $ de Singapour soit 0,75 U$D), l’équivalent des « Star Balloons » d’AfreecaTV : une fleur coûte un diamant, une bague dix, et la voiture, l’objet virtuel le plus cher, 3000 diamants.

Ces modalités de remontée des recettes n’empêchent nullement certains des « streamers » à temps plein de se procurer ainsi des revenus mensuels de plusieurs milliers de dollars et, de surcroît, générer des recettes additionnelles sous forme de services. Toutefois, la distribution de ces recettes entre ces acteurs a bien la forme d’une pyramide avec une large base de « streamers » à temps complet dont les revenus tournent autour de 500 $ par mois et un sommet étroit ou ces revenus peuvent dépasser 20 000 $. Il s’agit, dans ce cas, la plupart du temps de « streamers » de jeux vidéo. L’enquête de China Tech Insights révèle que 10 % des streamers assureraient 30 à 40 % des recettes d’une plateforme ce qui explique que ces derniers peuvent faire l’objet d’offres très attractives de la part des plateformes. Ces dernières peuvent leur rétrocéder une partie plus importante de leur commission ne conservant que, par exemple, que 10 % des recettes, aussi pour faire face à la concurrence intense entre ces plateformes.

L’économie des jeux vidéo sur mobile s’est construite sur la vente d’objets virtuels  celle du « streaming live », également sur mobile, semble se construire sur les dons. Comme dans le cas des forts joueurs (appelés « baleines ») qui assurent la majorité des recettes pour les jeux vidéo, il semblerait, selon Connie Chan que 5 % des spectateurs assurent 70 % de ce type de recettes(21). La référence à l’économie du don est explicite sur le site d’AfreecaTV. Les « fans » comme pour d’autres formes d’UGC (fanzines, fan fiction…) sont au cœur du dispositif(22).

Le don, nouvelle forme de monétisation de l’audience

 Il s’agit d’une nouvelle forme de monétisation de l’audience 
Il s’agit ainsi d’une nouvelle forme de monétisation de l’audience, en dehors du modèle traditionnel de la publicité, ou de l’abonnement, plus adaptée aux formes d’interaction que permet l’Internet (mobile). Elle n’en repose pas moins sur la réalité du volume des échanges. Les recettes générées sont non négligeables pour des sociétés déjà cotées en bourse. L’étude de China Tech Insights, sur laquelle nous nous sommes largement appuyés, n’hésitait pas à conclure qu’il était probable que ce média remplace un jour la télévision traditionnelle et devienne le média numéro un de la vie de tous les jours.

Pour la Chine ce n’est pas improbable, malgré la (très) récente décélération du temps accordé à certaines des « apps », ainsi Inke a vu le temps passé par personne et par mois se réduire de 203 minutes mi-2016 à 182 minutes en début d’année. Ce chiffre, même réduit, demeure néanmoins significatif.

En Asie du Sud-Est, d’autres exemples attestent de la force du modèle. Mais, en dehors d’Asie, la question se pose de leur expansion et de l’exportabilité du modèle. L’arrêt des activités de Meerkat, aux dires de ses créateurs, serait l’indice d’un manque de maturité du public américain pour ces applications. Le créateur de l’app a indiqué avoir cessé l’activité car cette pratique était trop éloigné des pratiques quotidiennes. Aux États-Unis, encore, la start-up Kamcord, qui s’était inspirée de ce modèle du don pour ses « streamers » de jeu vidéo, a interrompu, fin 2016, ces « live streaming » pour se consacrer aux vidéos courtes.

Toutefois, malgré l’arrêt de ces tentatives américaines, de nombreux acteurs asiatiques se lancent dans l’exploration de ces marchés et tentent d’exporter ce modèle économique en Occident : le don est une pratique forte attestée dans toutes les cultures(23) quoique les mécanismes pour l’enclencher varient. C’est ainsi que la société chinoise de « live streaming », Live.me(24) vient de récolter des fonds pour financer son expansion internationale. Elle a déjà des utilisateurs en Australie, au Canada, aux États-Unis et au Royaume Uni. C’est aussi le cas d’AfreecaTV ou d’autres sociétés comme YY, qui détient des parts importantes dans Bigo Live.

Somme toute, des innovations « mobile d’abord » venues d’Asie comme la messagerie de WeChat ou certaines formes de paiement électroniques tenues pour « exotiques », et accueillies avec scepticisme sont peut-être en passe de trouver leur place sur ces autres marchés.

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Crédits :
Cadeau virtuel. Devrimb/iStock
Vidéo de mukbang. Afreeca TV/YouTube
Social connexion de nuit. Wenjie Dong/iStock


(1)

Liu, R., Li, D., (2016), The Pulse of Live Streaming in China: Understanding the new Chinese lifestyle and the business behind it. China Tech Insights .

(2)

Jean-Paul SIMON, «  User generated content. Users, community of users and firms: toward new sources of co-innovation? » Info, 2016, Volume 18, 4, pp. 4-25.

(3)

Une société suédoise.

(4)

YouNow se présente comme le moyen de découvrir des talents, regarder des flux en direct et discuter en vidéo avec des personnes du monde entier.

(5)

Vidéo en temps réel « enabling individuals to see the world through another person's eyes ». Acquis par Twitter en 2015.

(6)

Fondée en 2015, l’activité a été interrompue en 2016, les fondateurs poursuivent des activités proches avec Houseparty , « Meerkat, star app of 2015, is officially dead  ».

(7)

Fondée en 2011, Twitch revendique d’être la première plateforme de vidéos et de communautés de joueurs.

(8)

Enquête réalisée dans 56 pays représentant 80 % de la population mondiale.

(9)

Cartesian-GSMA, 2017, The future of mobile video .

(10)

Si l’étude d’AppAnnie recense toutes les formes de streaming notamment celles de contenus édités, cet article porte avant tout sur les contenus autoproduits (UGC). 

(11)

Video Streaming in Asia — Mobile Live Streaming Expands Into New Market, 2017.

(12)

En 2016, estimation de l’Ericsson Consumer Lab.

(13)

Créé en 2004.

(14)

Créé en 2005.

(15)

Créée en 1999, la société se présente sur son site comme un réseau social et site web chinois de karaoké.  

(16)

App mobile gratuite semblable à Periscope et offrant du streaming live, des échanges de photos et de vidéos.

(17)

Reha LIU et Dannie LI, op. cit.

(18)

À titre de comparaison, au premier trimestre de 2017, Netflix réalisait un ARPU mensuel de 9,14 $, selon la même source.

(19)

Bien que les frontières entre UGC et contenus artistiques soient floues. 

(20)

Le site de Tipeee indique d’ailleurs « Sur Tipeee, les créateurs sollicitent leurs fans pour qu'ils les soutiennent dans ce qu'ils font déjà », et dans le cas de Tipeee les montants collectés, autour de 380 euros, ne sont pas à la hauteur des sommes drainées par les « streamers ».

(21)

Elle précise que les plateformes ne divulguent pas ces données et qu’il s’agit d’une estimation.

(22)

Jean Paul Simon, User generated content. Users, community of users and firms: toward new sources of co-innovation? Info, 2016, Volume 18, 4, pp. 4-25.

(23)

Soulignée depuis les travaux de référence de Marcel Mauss. Pour une revue critique de ceux-ci cf. Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005 : « donner, prendre, échanger », pp. 426-439. 

(24)

Filiale à 70 % de la compagnie d’apps mobile Cheetah Mobile.  

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