Echo Moskvy : un baromètre de la liberté des médias en Russie ?

Echo Moskvy : un baromètre de la liberté des médias en Russie ?

Créée en pleine vague de libéralisation des médias dans les années 1990, la radio Echo Moskvy refléte aujourd'hui, avec une autonomie fragile et limitée, les liens complexes entre intérêts privés et tutelle étatique.

Temps de lecture : 17 min

La création de la radio « Echo Moskvy » (L’Écho de Moscou)(1)  coïncide avec la libéralisation de médias qui se propage au crépuscule de l’Union soviétique. Dès 1985, la glasnost introduite par Mikhaël Gorbatchev a été une première avancée. Au début des années 1990, le secteur de l’information va se dissocier encore plus de la tutelle étatique. La création d’Echo représente la volonté d’une partie de la classe journalistique d’évoluer vers une information indépendante et de qualité. S’orientant vers le débat politique, au détriment des programmes musicaux, Echo va se positionner comme une radio s’adressant à un public citadin, peut-être élitiste, recherchant avant tout des programmes de fond sur l’actualité et la culture. Au cours de son histoire, elle va toujours revendiquer son caractère pionnier et sa liberté de ton. Encore aujourd’hui, il s’agit d’un facteur important pour comprendre son positionnement (ou son non-positionnement) au sein de la Russie de Vladimir Poutine et de Dimitri Medvedev, où elle ne se décrira jamais elle-même comme un média d’opposition au sens politique du terme. En 2004, dans une interview au journal gouvernemental Rossiyskaya Gazeta, le rédacteur en chef d’Echo Moskvy, Alexei Venediktov, réitère que : « Echo Moskvy, comme personne juridique, ne peut de toute façon avoir de préférences politiques »(2) . L’idée recoupe le leitmotiv désormais traditionnel d’une radio qui se donne pour but d’être une « plateforme de discussion où doivent être entendues différentes opinions »(3) .

La naissance de la première radio libre russe

Au printemps 1990, à l’heure de la création d’Echo, beaucoup de ceux qui vont gérer la radio au cours des deux prochaines décennies sont déjà là(4) . À la première réunion sont présents Sergei Korzun et Sergei Buntman, rejoints peu après par Yuri Fedutinov, l’actuel directeur général, et Alexei Venediktov, le futur rédacteur en chef emblématique. Plusieurs organismes sont liés au projet : l’association « Radio », le parlement de la ville de Moscou, le journal Ogoniek et la faculté de journalisme de l’université d’État de Moscou. Le 22 août 1990, la radio commence à émettre, alliant une part d’amateurisme et de grandes ambitions naissantes. Le premier rédacteur en chef, Sergei Korzun, va alors promouvoir la radio par une série de slogans chocs, devenus depuis célèbres. Les plus connus sont : « Une radio libre pour des gens libres » et « Changer "Radio Liberty" pour une libre radio »(5) . Il s’agit d’entériner la rupture avec les modèles de l’époque soviétique pour proposer à la population un nouveau style de média, russe et indépendant du pouvoir. En ce sens, la « liberté » est établie en concept angulaire de la politique éditoriale de la radio qui offre à toutes les opinions d’importance au sein de la nouvelle société russe la possibilité de s’exprimer. L’introduction du reportage en direct et des programmes interactifs, ouverts aux appels téléphoniques des auditeurs, participent de cette nouvelle stratégie de transparence et renforce le concept d’une radio qui n’a pas peur de relayer l’information au plus vite et au plus près de l’action, sans prendre le temps du commentaire uniformisé. La place donnée au débat (talk-show), notamment politique, dans la grille de programmation est un facteur central qui marque la rupture alors que le genre était largement absent des médias soviétiques(6).

Les locaux de la radio Echo Movsky à Moscou. Source : Echo Movsky.
La rupture médiatique se déroule quasiment en même temps que l’évolution politique. L’Union soviétique vit ses dernières heures qu’accompagne désormais Echo Moskvy. Du propre aveu de la rédaction, et avec une part de fierté revendiquée, elle parle aujourd’hui de son « baptême du feu » lors du traitement de l’actualité bouillante de la crise de Vilnius en janvier 1991(6) . Plus encore, ce sont les péripéties liées au coup d’État manqué de l’été 1991 à Moscou qui vont définitivement créer la légende d’Echo. Le 19 août 1991, le décret n°1 du comité d’État sur l’état d’urgence va établir le contrôle des putschistes sur les « moyens de communication »(7)  alors que la pression des forces spéciales s’accentue sur les médias. Le lendemain, le décret n°3 va interdire la diffusion d’Echo qui ne « favorise par le processus de stabilisation de la situation dans le pays ». Après la fermeture du récepteur, la radio va revenir à l’antenne par intermittence dans la nuit du 21 août 1991, grâce au rétablissement du contact avec le récepteur, par l’intermédiaire d’une ligne téléphonique(8) . Au cœur de l’action, Echo va couvrir ces évènements qui vont entériner la défaite politique des durs du Parti communiste. Plus généralement, l’échec du coup d’État, rapidement transformé en victoire politique pour Boris Eltsine et en marginalisation définitive pour le cours de réforme progressive de Mikhaïl Gorbatchev(9) , est largement appuyé par les médias. Le rôle joué par les médias télévisuels est central de par le discrédit qu’ils jettent sur les derniers membres de l’arrière-garde communiste, apologistes malheureux du retour à un ordre pré-gorbatchévien. L’épisode ouvre une décennie où médias et pouvoir politique seront désormais intimement liés(10) .

De la Russie des oligarques à une intégration au groupe Gazprom

La libéralisation des médias russes au début des années 1990 va progressivement en faire le relais d’intérêts privés, le jouet de riches patrons oligarchiques. Ces derniers vont devenir de véritables « commerçants d’influence »(11) . « Faiseurs de rois », ils s’immiscent dans les affaires politiques alors que la limite entre intérêts étatiques et intérêts privés est devenue ténue. Évidemment, Echo n’est pas un média de masse. Pourtant, il est important de comprendre qu’elle va s’intégrer à l’un de ces nouveaux empires et éprouver aussi l’amère défaite qui va suivre la chute de son patron, Vladimir Gusinsky.
 
Rapidement, Echo Moskvy s’est imposée comme une radio pionnière, revendiquant un fonctionnement particulier avec une place centrale laissée au collectif journalistique, notamment au niveau de l’élection du rédacteur en chef et de la définition de la ligne éditoriale(12) .  Solidement implantée sur Moscou, Echo commence à émettre sans interruption à partir de 1994. La même année, dans une perspective de développement et pour obtenir des investissements conséquents, la radio se rapproche de l’empire médiatique du groupe Most de Vladimir Gusinsky, qui devient un actionnaire important de la radio. En 1997, une partie du groupe s’est progressivement désengagée de ses autres activités pour n’être plus que Media-Most, l’un des principaux groupes médiatiques russes qui comprend entre autres : la plus importante des chaînes de télévision non-étatiques NTV, le réseau câblé NTV+, les gazettes Segodnia et 7 Dnej, le journal Itogi et la principale station d’information Echo Moskvy. À la direction du groupe, Vladimir Gusinsky a consolidé sa position après les élections présidentielles de 1996 qui ont permis à Boris Eltsine de garder la présidence face aux communistes. Au cours de la campagne, un rôle central est joué par des médias, dont ceux du groupe Media-Most, qui assurent la victoire du président sortant et montre à la Russie la force du « quatrième pouvoir »(13) . Fermement alliés au Kremlin, les oligarques et leurs empires médiatiques semblent tout-puissants. En 1998, Echo Moskvy est complètement intégré à la holding Media-Most(14) . Cette même année, Alexei Venediktov accède au poste de rédacteur en chef de la station qu’il occupe depuis.
Alexei Venediktov, rédacteur en chef de la radio Echo Movsky. Source : The New-Yorker.
Cette lune de miel sera portant de courte durée. À l’approche des nouvelles élections de 2000, la donne va changer suite à une brouille entre Vladimir Gusinsky et le pouvoir(15) . Après la démission inattendue de Boris Eltsine le 31 décembre 1999, Vladimir Poutine, récent Premier ministre et encore peu connu, devient le chef d’État en exercice jusqu’à son élection formelle en mars 2000. Vladimir Gusinsky sera au cœur d’une dernière « guerre des médias » pour promouvoir un candidat de son choix aux élections présidentielles parmi la triplette – Yuri Luzhkov, Ievgueni Primakov, and Grigori Yavlinsky. Avec le discrédit qui entourait le président sortant, et l’alternative représentée par les deux premiers candidats autour de leur parti « Otechestvo-Vsia Rossia » (Patrie – Toute la Russie), la possibilité semblait réelle. Pourtant, à l’automne 1999, un nouveau parti rapidement formé sous le nom de « Edinstvo » (Unité), concurrence déjà le bloc alternatif au moment des élections parlementaires avec un appui extrêmement important des médias pro-Kremlin(16) . Au printemps suivant, et après le retrait de Yuri Luzhkov et Ievgueni Primakov de l’élection présidentielle, Vladimir Poutine obtient une large victoire nationale. Vladimir Gusinsky a perdu un combat qui sonne comme la fin d’une époque. L’heure est au démantèlement de son empire médiatique qui est restructuré et finalement cédé pour satisfaire ses créanciers, en premier lieu Gazprom. La reprise de contrôle du Kremlin sur les médias va devenir l’une des constantes du double mandat de Vladimir Poutine à la tête de l’État russe. Emblème de cette nouvelle situation, la chaîne anciennement privée NTV va désormais aligner sa politique rédactionnelle sur les chaînes étatiques(17) . Le « quatrième pouvoir » ne peut désormais en Russie se poser en porte-à-faux par rapport au Kremlin. Il peut l’appuyer, mais non le concurrencer et former une opinion indépendante. Aujourd’hui, quelques rares et épars médias peuvent revendiquer une « semi-indépendance » mais aucun ne peut se targuer d’être réellement un média de masse.
Studio de radio Echo Movsky. Source : Wikipedia.

Pour Echo, la nouvelle donne est difficile à vivre. Après de nombreux atermoiements et des tentatives menées par le collectif journalistique pour racheter les actions de la radio, Echo Moskvy passe sous le contrôle de Gazprom, puis de sa filiale Gazprom-Media, à l’aube des années 2000. Effectivement, Gazprom contrôle 66 % des actions de la radio, 34 % appartenant au collectif journalistique, dont 18 % personnellement à Alexei Venediktov(18) . La première radio libre russe, comme d’autres médias indépendants de Media-Most, est donc désormais sous le contrôle d’une société étatique(19) .
En février 2002, en réaction à ce que le collectif journalistique perçoit comme une atteinte à sa liberté d’expression, Echo sécurise après un concours l’accès à une autre fréquence pour garder la possibilité de lancer une station de radio parallèle – radio Arsenal. À ce propos, le directeur général d’Echo Moskvy et désormais directeur commercial de la Radio Arsenal, Yuri Fedutinov, commente : « je pense que comprendre que nous ne recevrons rien de Gazprom (pas seulement nous mais aussi les membres du comité d’attribution), a influé sur les résultats du vote »(20) . Au même moment, le rédacteur en chef, Alexei Venediktov, menace à de nombreuses reprises de démissionner de son poste puisque Gazprom refuse de vendre ses parts au collectif journalistique(21) . Pourtant, la crise va déboucher sur un maintien du statu quo où la grande majorité du collectif d’Echo va rester en place, de même que son rédacteur en chef, pour finalement s’adapter aux nouvelles réalités de la Russie de Vladimir Poutine. Au début 2006, Echo va même vendre ce qu’elle décrivait elle-même comme son « aérodrome de réserve » – la radio Arsenal(22) . Personne n’est parti pour tenter l’aventure au sein d’une nouvelle radio et Gazprom est demeuré aux commandes de l’ancienne. Paradoxalement, les évolutions des paysages médiatique et politique se produisent encore une fois de concert.

Un positionnement atypique dans la Russie de Poutine et de Medvedev

La situation des médias sous la double présidence de Vladimir Poutine, puis de son successeur désigné, est toujours demeurée trouble. Questionné sur leur liberté en Russie lors d’un entretien avec la chaîne américaine NBC en juillet 2006, le président russe défendra son bilan : « nous avons en Russie près de 3 500 compagnies de radio et de télévision, et plus de 40 000 compagnies d’imprimés », suggérant ensuite que même en le voulant « contrôler le tout serait totalement impossible »(23) . Nous touchons ici au cœur du système qui s’est développé dans la sphère des médias au sein de la Russie actuelle(24) . Il n’y a nul besoin de contrôler le tout pour l’État, il s’agit seulement d’établir une tutelle sur les trois chaînes de télévision nationales et sur quelques journaux imprimés – le reste ne peut se targuer que d’un auditoire limité. Avec un auditoire limité car touchant une part restreinte de la population, le reste des médias ne possède pas l’influence nécessaire pour mettre en branle le régime. Ces médias indépendants, même s’ils sont parfois recadrés par le pouvoir, bénéficient d’une autonomie au niveau de leurs lignes éditoriales et préservent l’illusion d’une liberté d’expression qui ne peut concurrencer le « matraquage » uniformisé des chaînes de télévision étatiques. La situation est rendue encore plus complexe par le fait que beaucoup, comme Echo, mais également Novaya Gazeta(25) , sont désormais contrôlés par des intérêts financiers proches du pouvoir, voire des filiales de compagnies étatiques.
 
En ce sens, la situation d’Echo Moskvy, contrôlée par Gazprom-Media, mais qui a gardé une large liberté au niveau de sa ligne éditoriale est extrêmement intéressante. En premier lieu, il s’agit de considérer que la radio, de par son histoire, représente une institution, une vitrine aussi bien vers l’extérieur que pour l’intérieur du pays. Pour l’Occident, et le fait est aussi relevé en Russie, Echo est un « indicateur de la liberté de parole en Russie » – un « baromètre »(26) . Il s’agit d’une radio qui a reçu nombre de personnalités importantes aussi bien russes qu’internationales comme Bill Clinton en juin 2000, malgré l’opposition du ministère russe des Affaires étrangères(27) . Dans un second temps, il s’agit de comprendre son positionnement interne au moment où certains analystes considèrent qu’il s’agit aussi d’une ouverture vers un public particulier pour le Kremlin. Comme il le fait pour Novaya Gazeta(28) , il est rapporté que l’actuel président russe Dimitri Medvedev - et une large partie de l’élite politique - lit les transcriptions des programmes diffusés par la radio(29) . Finalement, le fait qu’Echo soit l’un des rares médias autosuffisants en Russie, générant même des profits, réduit sa dépendance par rapport à son riche patronpropriétaire Gazprom. En filigrane, l’argument principal reste le même : Echo Moskvy, malgré le développement important que la radio a connu au cours de la dernière décennie, n’est pas un média de masse ; il n’y donc pas lieu d’y exercer un contrôle sévère. Par contre, cela ne veut pas dire une absence totale de contrôle étatique. Certains sujets ne souffrent d’aucune différence d’interprétation tandis que d’autres sont soumis à une indépendance relative, à des degrés divers.
Corridor de la radio Echo Movsky avec des portraits de personnalités interviewées sur la station. Source : Wovox.com.
 
L’introduction d’une nouvelle doctrine sur la sécurité informationnelle en Russie, avec le début de la campagne antiterroriste, a réduit l’espace médiatique. Un durcissement fut également palpable à l’aube de l’importante passation de pouvoir entre Vladimir Poutine et Dimitri Medvedev lors des élections du printemps 2008(30) . Le conflit géorgien fut aussi un moment où la loyauté totale des différents médias a été exigée par le Kremlin. Cela fut également le cas pour Echo Moskvy. Le 29 août 2008, lors de sa traditionnelle rencontre avec les représentants des différents médias russes, Vladimir Poutine a publiquement fustigé le traitement de l’information par Echo, lisant des transcriptions des dernières diffusions de la radio et invitant le rédacteur en chef à corriger la politique rédactionnelle(31) . Après un mea culpa public, Alexei Venediktov a reconnu les erreurs commises(32) . Plus encore, l’événement a entraîné le départ de l’une des commentatrices politiques de la radio, Valerya Novodvorskaya, qui s’était plainte d’être censurée sur ses opinions jugées tendancieuses concernant l’un des chefs tchétchènes (33) . L’épisode est caractéristique car il montre que le Kremlin suit de près les publications et la politique rédactionnelle des médias dits « libres », rendant leur situation réelle ambiguë. Il est possible qu’il s’agisse là du prix à payer pour pouvoir se développer et garder une autonomie sur la politique rédactionnelle qui permette de garder le droit de critiquer certains aspects de la Russie actuelle. En effet, Echo reste l’une des seules tribunes publiques laissées aux opposants du Kremlin.
 
Studio de la station de télévision Echo TV. Source : Wikipedia.

Malgré, ou peut-être grâce à son passage sous le contrôle du géant Gazprom, Echo Moskvy va connaître au cours de la dernière décennie un développement important. Aujourd’hui, la chaîne de radio peut se targuer d’une audience journalière de près de 900 000 auditeurs sur Moscou, se plaçant ainsi au premier rang des radios informationnelles et au second rang des radios de la capitale(34) . Plus encore, elle est largement diffusée à travers le territoire russe où son auditoire potentiel approche les 46 millions de personnes par semaine(35) . En créant son propre studio d’enregistrement télévisuel (Echo TV en 2002) pour un partenariat avec la chaîne RTVi de Vladimir Gusinsky - principalement dirigée vers l’étranger(36)  et en développant son site Internet(37) , Echo Moskvy a aujourd’hui largement dépassé le cadre d’une simple radio. Elle fait office de véritable agence d’information, l’une des plus influentes en Russie si l’on croît une étude republiée sur le site d’Echo qui place la radio en tête des médias russes les plus cités au début 2010(38) >. En parallèle, Gazprom-média, le plus important des groupes médiatiques russes, se porte aussi très bien. Ses recettes (IFRS(39) ) ont augmenté de 17 % en 2010 pour se situer désormais à plus de 990 millions d’euros, grâce notamment à la croissance des ventes publicitaires qui ont augmenté de 25 % par rapport à 2009(40) >. Au sein de cette mégastructure, le poids d’Echo n’est évidemment pas central d’un point de vue financier. Par contre, il l’est beaucoup plus d’un point de vue symbolique.
Echo Moskvy demeure un phénomène particulier, partiellement indéfini au sein du  paysage médiatique russe. Il ne s’agit pas d’un média d’opposition traditionnel, un statut impossible pour une radio de cette ampleur en Russie. Pourtant, Alexei Venediktov n’hésite finalement pas à décrire la situation d’Echo ainsi : « nous sommes dans l’opposition au pouvoir. Nous le sommes dans le sens où nous lui signifions ses erreurs, ses fautes, ses inexactitudes. Nous suivons les actions du pouvoir dans l’intérêt des auditeurs. […] Si en premier, vous vous donnez pour but de servir votre patron ou le pouvoir, alors vous n’êtes pas un média, mais un moyen de propagande, une partie de l’appareil d’État ou une partie d’une importante corporation »(41) . Aujourd’hui, il semble évident qu’une telle position n’est tenable parce que tolérée par le Kremlin, alors qu’un simple appel téléphonique suffirait à fermer la radio. Si cela devait arriver, il s’agirait du signe le plus certain d’une nouvelle dérive autoritaire. Pour Echo, il s’agit donc pour l’instant de maintenir certains espaces de liberté pour le cas où une évolution politique favorable entraîne, comme souvent, la reconfiguration de l’espace médiatique.

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Crédits illustration : radio Echo MovskyThe New-Yorker/ Wowow.com/ Wikipedia.

Données clés

Date de création : printemps 1990.

Rédacteur en chef : Alexei Venediktov.
Actionnariat : Gazprom-Media (66 %), Alexei Venediktov (18 %), collectif journalistique (16 %).
Fréquence de diffusion : diffusion 24/24 h sur FM 91.2 / FM 73.82 (Moscou et sa région)
Villes de diffusion (en comptant les radios associées) :
Afficher Radio Echo Movsky sur une carte plus grande.
  
Audience : 900 000 auditeurs par jour sur Moscou, soit près de 46 millions d’auditeurs potentiels.
Adresse Internet : www.echo.msk.ru
Adresse de la rédaction : Radio Echo Moskvy, Novy Arbat, 11, Moscou, Russie 119019.
Logo :

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Crédit illustration : logo de la radio Echo Movsky.

Références

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BABCHENKO, Arkady, OLSEN, Josephine, « Information Vacuum », in Index on Censorship, 37: 116, 2008, pp. 116-120.
BEUMERS, Birgit, HUTCHINGS, Stephen C., RULYOVA, Natalya, (dir.), The Post-Soviet Russian Media: Conflicting Signals, London, Routledge, 2008.
BONNELL, Victoria E., FREIDIN, Gregory, « Televorot: The role of Television Coverage in Russia’s August 1991 Coup », in Slavic Review, Vol. 52, n°4, winter 1993, pp. 810-838.
GEHLBACH, Scott, « Reflections on Putin and the Media », in Post-Soviet Affairs, n°26 (1), 2010, pp. 77-87.
LIPMAN, Maria, « Media Manipulation and Political Control in Russia », in Carnegie Moscow Center, 3 février 2009.
MATZA, Thomas, « Moscow’s Echo: Technologies of the Self, Publics, and Politics on the Russian Talk-Show », in Cultural Anthropology, Vol. 24, Issue 3, pp. 489-522.
OATES, Sarah, « The Neo-Soviet Model of the Media », in Europe-Asia Studies, Vol. 59, n°8, décembre 2007, pp. 1279-1297.
WHITE, Stephen, OATES, Sarah, McALLISTER, Ian, « Media Effects and Russian Elections, 1999-2000 », in British Journal of Political Science, Vol. 35, n°2, avril 2005, pp. 191-208.
    (1)

    Par un jeu de mots, la radio est parfois appelée en boutade Uho Moskvy (L’oreille de Moscou). Initialement baptisée « Radio – M » ou « Radio – EM », elle est aussi souvent désignée simplement comme « Echo ».

    (2)

    Alexei Venediktov : L’Echo résonne jusqu’au Kremlin), in Rossiyskaya Gazeta, n° 3558, 25 août 2004.

    (3)

    Le rédacteur en chef de la station de radio Echo Moskvy : « Tous nous comprenions que le conflit sanglant avait été commencé par Saakachvili. », in Izvestija, 3 septembre 2008.

    (4)

    Avec un certain degré de romantisme, ces évènements sont relatés sur le site officiel de la radio.

    (5)

    Sergei Korzun, père-fondateur : « Je suis aussi libre qu’il y a dix ans. Même si l’énergie manque. », in Novaya Gazeta, n°38, 14 août 2000.

    (6)

    À l’occasion, et paradoxalement, la radio obtient une première reconnaissance informelle alors que l’agence de presse TASS parle, peu après les évènements, d’une « station malfaisante vivant grâce à l’argent américain, et calomniant de sous le mur même du Kremlin ». « Une radio libre. Le reste n’est que façade. », in Itogi, n°34/220, 21 août 2000. Le nom de l’article reprend un autre des slogans connus d’Echo.

    (7)

    BONNELL, Victoria E., FREIDIN, Gregory, « Televorot: The role of Television Coverage in Russia’s August 1991 Coup », in Slavic Review, Vol. 52, n°4, winter 1993, p. 811.

    (8)

    Ces évènements sont décrits sur le site officiel d’Echo Moskvy.

    (9)

    L’accession au pouvoir de Mikhaël Gorbatchev au milieu des années 1980 marque le début d’une réflexion au sein du leadership soviétique sur le besoin d’entamer un cours de réformes aussi bien en terme de politique intérieure que de politique étrangère. Pourtant, dans la pensée de Mikhaël Gorbatchev, il n’est pas question d’en finir avec l’URSS ou d’abandonner l’identité socialiste de l’État soviétique. L’émergence de politiques orientés plus nettement sur le modèle capitaliste occidental va finir de marginaliser la stratégie de Gorbatchev. Sur ces questions, voir par exemple TSYGANKOV, Andrei P., Russia’s Foreign Policy, Change and Continuity in National Identity, Second Edition, New York, Rowman & Littlefield Publishers Inc., 2010, pp. 31-55.

    (10)

    Un article paru après les évènements (1993) parle même de televorot parodiant le terme perevorort, mot russe désignant un « retournement » et par extension un « coup d’État ». BONNELL, Victoria E., FREIDIN, Gregory, « Televorot [….], Op. Cit..

    (11)

    « Le bilan avec Vladimir Gusinsky », in Kommersant Vlast, n°31 (382), 8 août 2008.

    (12)

    Le collectif journalistique a, d’après la charte, un pouvoir de veto sur l’élection du rédacteur en chef. GEHLBACH, Scott, « Reflections on Putin and the Media », in Post-Soviet Affairs, n°26 (1), 2010, p. 81.

    (13)

    Ibid.

    (14)

    D’après le site officiel d’ Echo Moskvy.

    (15)

    « Le bilan avec Vladimir Gusinsky », Op. Cit..

    (16)

    Ces derniers, notamment les médias télévisuels (dont la première chaîne ORT) jouent un rôle déterminant en sécurisant une vision positive du chef de l’État en exercice et en discréditant les autres alternatives politiques. La campagne médiatique est marquée par une forte utilisation du « kompromat » (technique visant à propager des rumeurs fausses), et plus généralement par le parti pris évident des différents médias. WHITE, Stephen, OATES, Sarah, McALLISTER, Ian, « Media Effects and Russian Elections, 1999-2000 », in British Journal of Political Science, Vol. 35, n°2, avril 2005, pp. 191-208.

    (17)

    Ces dernières sont désormais devenues des pièces maîtresses du nouvel ordre russe. LIPMAN, Maria, « Media Manipulation and Political Control in Russia », in Carnegie Moscow Center, 3 février 2009.

    (18)

    « Venediktov a été réélu rédacteur en chef d’Echo Moskvy », in Lenta.ru, 2 mars 2011.

    (19)

    Gazprom-Media, appartenant à 100 % à Gazprom-Bank, contrôle en 2011 : les chaînes de télévision NTV et TNT, le réseau câblé NTV+, la compagnie de production NTV-Kino, le journal 7 Dnej, six radios (dont Echo Moskvy et Relax FM), les cinémas « Oktirabr’ » et « Cristal Palace ». « Gazprom-Media a pratiquement doublé son profit », in Kommersant, n° 78 (4619), 4 mai 2011. Pour le détail des actifs de la compagnie voir aussi le site officiel de Gazprom-media.

    (20)

    « Il y a un double « Echo » sur les ondes radio), in Kommersant, n°35 (2404), 28 février 2002.

    (21)

    « Venediktov démissionne », in Nezavisimaja Gazeta, 11 février 2002.

    (22)

    « « Echo Moskvy » a vendu la radio Arsenal », in Grani.ru, 24 janvier 2006.

    (23)

    « Interview sur la chaîne de télévision NBC (USA) », in Kremlin.ru, 12 juillet 2006.

    (24)

    GEHLBACH, Scott, « Reflections on Putin and the Media », Op. Cit..

    (25)

    KLIMENTOV, Vassily A., « Novaya Gazeta : dernier bastion de l’opposition politique en Russie ? », in InaGlobal, 11 novembre 2010.

    (26)

    « Que va répondre l’« Echo », in Nezavisimaja Gazeta, 11 mars 2005.

    (27)

    Ibid.

    (28)

    KLIMENTOV, Vassily A., « Novaya Gazeta : Dernier bastion de l’opposition politique en Russie ? », Op. Cit.<./i>. À la différence de Novaya Gazeta, Echo apparaît moins comme un média d’opposition au pouvoir en acceptant parmi ses commentateurs aussi bien des critiques dures de l’administration présidentielle actuelle que ses supporters les plus enthousiastes. Il est possible d’argumenter qu’il s’agit aussi d’un moyen pour la radio de se prémunir des attaques des autorités. 

    (29)

    D’après Yevgueniya Albatz, éditrice de Novoe Vremya et commentatrice sur Echo Moskvy, citée dans GEHLBACH, Scott, « Reflections on Putin and the Media », Op. Cit., p. 81.

    (30)

    AZHGIKHINA, Nadezhda, « The Struggle for Press Freedom in Russia: Reflection of a Russian Journalist », in Europe-Asia Studies, Vol. 59, n°8, décembre 2007, p. 1255.

    (31)

    L’épisode est rapporté par David Remnick du New Yorker et repris par le site russe Grani.ru « Poutin corrige Venediktov pour son traitement de la guerre sur Echo Moskvy », in Grani.ru, 16 septembre 2008. Voir aussi : REMNICK, David, « Echo in the Dark, A radio station strives to keep the airwaves free», in The New Yorker, 22 septembre 2008. L’article de David Remnick est aussi intéressant en ce qu’il rapporte la conversation extrêmement intéressante intervenue entre Alexei Venediktov et Vladimir Poutine au début des années 2000. Au cours de celle-ci, Vladimir Poutine a clairement expliqué au rédacteur en chef d’Echo ce qu’allait être le nouvel ordre en Russie, suggérant les limites à ne pas dépasser.

    (32)

    Ibid. Par contre, il est possible que le traitement de l’information n’ait pas été réellement objectif – il ne s’agit pas du sujet discuté ici, il est simplement intéressant que le Premier ministre intervienne de cette manière.

    (33)

    « Le rédacteur en chef de la station de radio Echo Moskvy : « Tous nous comprenions que le conflit sanglant avait été commencé par Saakachvili », Op. Cit. et la réponse de Valerya Novodvorskaya : « L’Echo a répondu », in Grani.ru, 9 septembre 2008. L’épisode est également intéressant en ce qu’Alexei Venediktov a reconnu que la radio possédait effectivement une « liste noire » de personne à ne pas inviter. Finalement, personne ne fut licencié d’Echo, et Valerya Novodvorskaya fut rapidement « pardonnée ».

    (34)

    D’après le site d’ Echo Moskvy.

    (35)

    L’auditoire potentiel est annoncé sur le site officiel d’Echo. Ce chiffre est repris sur le site de Echo Gazprom qui parle d’un auditoire hebdomadaire. Ces chiffres restent à prendre avec précaution. D’autres estimations de l’auditoire journalier montent, par exemple, à près de 2,8 millions de personnes.

    (36)

    « La radio et sa représentation : Echo et la TV), in Echo Moskvy, 22 août 2010.

    (37)

    La radio annonce 50 000 visites journalières uniques et près de 800 000 visiteurs par mois sur son site. Pourtant, Alexei Venediktov considère toujours que le site n’est pas le cœur d’Echo et maintient le double objectif de donner aux auditeurs l’occasion de discuter des programmes de la station et de faciliter leur diffusion. Voir commentaire d’Alexei Venediktov sur Rutube.ru (au passage, Rutube appartient désormais à Gazprom-Media) le 26 novembre 2008 à l’occasion de l’obtention du prix du meilleur site Internet dans la catégorie « Culture et Communication de masse » par Echo.

    (38)

    La statistique est produite par la compagnie de suivi des médias Medialogia et fournie sur le site d’Echo Moskvy.

    (39)

    International Financial Reporting Standards, en français les « normes internationales d'information financière ».

    (40)

    « Gazprom-Media a pratiquement doublé son profit », Op. Cit..

    (41)

    Il s’agit de l’une des rares interviews où Alexei Venediktov exprime aussi clairement toute l’ambiguïté de la position d’Echo au sein de la Russie actuelle. « Alexei Venediktov : « Nous sommes dans l’opposition au pouvoir », in Rodnaya Gazeta, n°29 (115), 5 août 2005.

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