Comment la radio tire-t-elle profit du web ?

Comment la radio tire-t-elle profit du web ?

Smartphone, ordinateur, tablette… les auditeurs écoutent de plus en plus la radio via des supports numériques. Cette consommation de la radio en ligne a amené les professionnels du secteur à se demander comment coller aux attentes de ces auditeurs connectés.

Temps de lecture : 5 min

 

Qu’on l’écoute le matin en prenant son petit-déjeuner, dans la voiture en allant au travail ou le soir pour les informations, la radio reste un média très apprécié des Français et profondément ancré dans leur vie quotidienne. Selon la dernière étude Médiamétrie(1) présentée dans le cadre des 3e Rencontres Radio 2.0 organisées le 15 octobre dans les locaux parisiens de l’Ina, plus de 43 millions de personnes allument chaque jour leur poste de radio…ou l’écoutent sur leur smartphone. Les usages des auditeurs évoluent en effet rapidement, en témoigne l’audience sur les supports multimédia (ordinateur, mobile, tablette…) qui a presque triplé en trois ans. Six millions de Français écoutent quotidiennement la radio sur l’un de ces supports, ce qui représente 10 % du volume d’écoute. Le mobile se classe en tête avec 2,6 millions d’auditeurs, suivi de l’ordinateur (1,9 million) et du téléviseur (1,2 million). Si le poste de radio traditionnel reste privilégié, la radio numérique s'est bel et bien fait une place dans notre quotidien.

Quand la radio devient multimédia

 

Ces nouveaux usages de la radio amènent les professionnels à adapter l'offre de contenus qu'ils proposent. Cette thématique a fait l'objet de deux tables-rondes lors des Rencontres Radio 2.0, l'une articulée autour de la « social radio » et du transmédia, la seconde autour de la radio augmentée et du second écran.
 
Depuis 1995 et les débuts de la radio sur Internet(2), les sites web des stations ont bien évolué et les radios réfléchissent de plus en plus à proposer une offre en ligne adaptée aux attentes des auditeurs et donc à ces nouveaux supports d'écoute. Trouver de quelle façon amener la radio sur d'autres plateformes est un véritable enjeu.
 
Si le son demeure bien sûr l'élément qui fait le cœur de ce média, le texte et l'image sous toutes leurs
 Près d’un tiers des internautes ont déjà regardé une vidéo d’émission radio. 
formes peuvent devenir une manière d'enrichir l'audio. La « radio filmée » permet aujourd'hui aux auditeurs de « regarder » une émission sur le site Internet des stations. À Radio France, les invités sont souvent filmés grâce à une caméra robotisée, tandis qu'à Europe 1, on affiche 14 heures de direct filmé par jour et 12 heures à RTL. La « radio filmée » comporte des avantages, comme celui de pouvoir être présent sur des plateformes comme YouTube ou Dailymotion et ainsi potentiellement capter une audience plus large et monétiser ses contenus. Près d’un tiers des internautes ont déjà regardé une vidéo d’émission radio, d’après les chiffres de Médiamétrie. Mais si le public a tendance à être davantage attiré par l'image que par le son, les professionnels de radio ne veulent surtout pas faire de la télévision avec la radio.
 
Créer et innover, d'accord, mais le son doit rester au centre de l'écriture. « Dans la formation à l’Ina, on essaye de distinguer transmédia radio et TV », insiste Bruno Masi, responsable pédagogique à Ina EXPERT en charge des filières journalisme et jeux vidéo, la façon de raconter étant différente selon le média. La longueur des formats est un critère à prendre en compte dans ces contenus multisupports, notamment dans le cadre de l'écoute sur mobile. Avec un format long, on prend le risque d'ennuyer l'auditeur et de le perdre en cours de route. « Il faut que les choses soit assez scénarisées avec le format court », explique Christilla Huillard-Kann, directrice adjointe et responsable du pôle éditorial de la direction des Nouveaux Médias à Radio France.
 
Outre le transmédia, c'est aussi le concept de « second écran » qui fait son chemin. Joël Ronez, directeur des Nouveaux Médias à Radio France et du Mouv', n'a d'ailleurs pas manqué de souligner « l'abus de langage » que représente le terme de second écran. Le constat est simple, les internautes qui écoutent la radio ont un écran (ordinateur, smartphone, tablette...) et « il faut être présent dessus ». L’idée est d’enrichir l'expérience audio des internautes, de leur apporter des informations sur ce qu'ils écoutent à travers du texte, des photos, des vidéos, des liens, sans oublier de prendre en compte les réseaux sociaux sur lesquels de nombreux auditeurs sont présents.
 
Si la radio n'a pas attendu Internet pour faire participer les auditeurs aux émissions, le web renforce
 On n'est qu'aux prémices de la "social radio". 
cette possibilité de les inclure dans l’offre éditoriale. L'émission Des clics et des claques d'Europe 1 en est un bon exemple, avec un hashtag officiel sur Twitter et des animateurs qui incitent les internautes à interagir pendant l'émission. À Radio France, on a développé un site qui agrège toute l'activité Twitter qui concerne le groupe radiophonique. Le player de RTL intègre quant à lui un fil Twitter qui permet de centraliser les réactions des auditeurs mais aussi de lire les tweets postés par les équipes. « On n'est qu'aux prémices du social », assure Thomas Karolak, directeur éditorial de RTLnet. Ce développement de la social radio est d’ailleurs au centre du concept de Bobler. Ce site permet aux internautes de créer des « bulles » audio (enregistrements de critiques de films, mini reportages, chroniques…) et de les géolocaliser sur une carte. « Certains se disent "enfin je peux faire de la radio" », témoigne Marc-Antoine Durand, co-fondateur de Bobler. 
 
À Radio France comme à RTL et Europe 1, on mise ainsi sur des émissions enrichies, des contenus adaptés aux usages mobiles des auditeurs et surtout une radio résolument sociale. Cela nécessite aussi de mobiliser les journalistes radio et de les équiper d’outils pour les amener à travailler sur d'autres supports que le son.

La radio numérique, une aubaine pour les annonceurs

 

L’essor de la radio sur Internet se présente comme une opportunité pour les annonceurs. Les applications de type « second écran », telles que présentées lors des rencontres, pourraient être un support idéal pour mixer spot audio et visuel, et ainsi adapter les publicités aux contenus radiophoniques diffusés.
 
Les plateformes de musique en streaming comme Spotify ou Deezer, qui entrent dans la catégorie
 Les annonceurs vont de plus en plus spontanément vers la radio digitale. 
« Internet radio » telle qu’on l’entend aux États-Unis, permettent déjà aux annonceurs de cibler leurs messages publicitaires en fonction de l’âge des internautes, de leur sexe, des heures d'écoute ou encore des genres de musique diffusés. Les annonceurs peuvent créer des spots spécialement pour Spotify et bénéficier de conseils pour une publicité plus efficace. « On encourage les marques à coupler audio et digital et à intégrer des appels à l’action dans les publicités », explique Yann Thébault, directeur général Europe du Sud à Spotify. La plateforme diffuse trois minutes de publicité par heure, soit un spot tous les quarts d’heure, pour les comptes gratuits. « Les annonceurs vont de plus en plus spontanément vers la radio digitale », ajoute Alexandre Saboundjian, P.D.G. de Radionomy (Radionomy permet aux internautes de créer leur propre radio en ligne). « Les chiffres vont aider le marché à comprendre que les gens écoutent la radio connectée et qu’il y a un moyen de faire des campagnes de publicité beaucoup plus connectées. »
 
Un pourcentage de ces revenus publicitaires est par ailleurs reversé à la Sacem(3). « Nous avons été les premiers à signer avec Deezer en août 2007 pour garantir un revenu aux artistes » mais « un artiste ne peut pas s’en sortir avec seulement les revenus de la radio numérique aujourd’hui », insiste Caroline Champarnaud, directrice des Médias enregistrés et en ligne à la Sacem.

La RNT, toujours au point mort ?

 

Si l’arrivée d’Internet n’a pas été une révolution pour la radio, les stations ont bien compris les enjeux du numérique et la nécessité d’adapter leur offre aux usages des auditeurs. Radio France a par exemple créé un site dédié aux nouveaux médias et a décidé de faire de sa station Le Mouv’ une « vitrine du multimédia » et, à terme, « une radio de référence sur smartphone ».
 
En parallèle des défis du numérique se présentent des enjeux d’ordre technique. Près de six auditeurs mobile sur 10 écoutent la radio FM sur leur téléphone, car « aujourd’hui les abonnements [télécoms] ne permettent pas une écoute prolongée de la radio numérique », selon Christilla Huillard-Kann. « L’arrivée de la 4G règle la question du débit mais il faut maintenant se poser les questions de la diffusion », indique-t-elle. Le développement de la Radio numérique terrestre (RNT) semble pour l’heure au point mort en France - les grands groupes radiophoniques s’y étant opposés - alors que d’autres pays d’Europe sont passés à la diffusion numérique. L’adoption de la norme DAB+(4) par le gouvernement français à l’été 2013 pourrait toutefois relancer le chantier de la RNT.

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Crédits photo :
Didier Allard / Ina (tous droits réservés)
(1)

Étude réalisée entre septembre 2012 et juin 2013. 

(2)

France Info a été la première radio en Europe à diffuser ses programmes en direct sur Internet. 

(3)

Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.  

(4)

Le Digital Audio Broadcasting désigne une norme de diffusion qui propose une bonne qualité sonore et utilise peu de bande passante. 

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