Quand la radio devient multimédia
Ces nouveaux usages de la radio amènent les professionnels à adapter l'offre de contenus qu'ils proposent. Cette thématique a fait l'objet de deux tables-rondes lors des Rencontres Radio 2.0, l'une articulée autour de la « social radio » et du transmédia, la seconde autour de la radio augmentée et du second écran.
Depuis 1995 et les débuts de la radio sur Internet, les sites web des stations ont bien évolué et les radios réfléchissent de plus en plus à proposer une offre en ligne adaptée aux attentes des auditeurs et donc à ces nouveaux supports d'écoute. Trouver de quelle façon amener la radio sur d'autres plateformes est un véritable enjeu.
Si le son demeure bien sûr l'élément qui fait le cœur de ce média, le texte et l'image sous toutes leurs
Près d’un tiers des internautes ont déjà regardé une vidéo d’émission radio.
formes peuvent devenir une manière d'enrichir l'audio. La « radio filmée » permet aujourd'hui aux auditeurs de « regarder » une émission sur le site Internet des stations. À Radio France, les invités sont souvent filmés grâce à une caméra robotisée, tandis qu'à Europe 1, on affiche 14 heures de direct filmé par jour et 12 heures à RTL. La « radio filmée » comporte des avantages, comme celui de pouvoir être présent sur des plateformes comme YouTube ou Dailymotion et ainsi potentiellement capter une audience plus large et monétiser ses contenus. Près d’un tiers des internautes ont déjà regardé une vidéo d’émission radio, d’après les chiffres de Médiamétrie. Mais si le public a tendance à être davantage attiré par l'image que par le son, les professionnels de radio ne veulent surtout pas faire de la télévision avec la radio.
Créer et innover, d'accord, mais le son doit rester au centre de l'écriture. « Dans la formation à l’Ina, on essaye de distinguer transmédia radio et TV », insiste Bruno Masi, responsable pédagogique à Ina EXPERT en charge des filières journalisme et jeux vidéo, la façon de raconter étant différente selon le média. La longueur des formats est un critère à prendre en compte dans ces contenus multisupports, notamment dans le cadre de l'écoute sur mobile. Avec un format long, on prend le risque d'ennuyer l'auditeur et de le perdre en cours de route. « Il faut que les choses soit assez scénarisées avec le format court », explique Christilla Huillard-Kann, directrice adjointe et responsable du pôle éditorial de la direction des Nouveaux Médias à Radio France.
Outre le transmédia, c'est aussi le concept de « second écran » qui fait son chemin. Joël Ronez, directeur des Nouveaux Médias à Radio France et du Mouv', n'a d'ailleurs pas manqué de souligner « l'abus de langage » que représente le terme de second écran. Le constat est simple, les internautes qui écoutent la radio ont un écran (ordinateur, smartphone, tablette...) et « il faut être présent dessus ». L’idée est d’enrichir l'expérience audio des internautes, de leur apporter des informations sur ce qu'ils écoutent à travers du texte, des photos, des vidéos, des liens, sans oublier de prendre en compte les réseaux sociaux sur lesquels de nombreux auditeurs sont présents.
Si la radio n'a pas attendu Internet pour faire participer les auditeurs aux émissions, le web renforce
On n'est qu'aux prémices de la "social radio".
cette possibilité de les inclure dans l’offre éditoriale. L'émission
Des clics et des claques d'Europe 1 en est un bon exemple, avec un hashtag officiel sur Twitter et des animateurs qui incitent les internautes à interagir pendant l'émission. À Radio France, on a
développé un site qui agrège toute l'activité Twitter qui concerne le groupe radiophonique. Le player de RTL intègre quant à lui un fil Twitter qui permet de centraliser les réactions des auditeurs mais aussi de lire les tweets postés par les équipes. « On n'est qu'aux prémices du social », assure Thomas Karolak, directeur éditorial de RTLnet. Ce développement de la social radio est d’ailleurs au centre du concept de
Bobler. Ce site permet aux internautes de créer des « bulles » audio (enregistrements de critiques de films, mini reportages, chroniques…) et de les géolocaliser sur une carte. « Certains se disent "enfin je peux faire de la radio" », témoigne Marc-Antoine Durand, co-fondateur de Bobler.
À Radio France comme à RTL et Europe 1, on mise ainsi sur des émissions enrichies, des contenus adaptés aux usages mobiles des auditeurs et surtout une radio résolument sociale. Cela nécessite aussi de mobiliser les journalistes radio et de les équiper d’outils pour les amener à travailler sur d'autres supports que le son.