Netflix et l’industrie du cinéma s’entendront-ils un jour ?
Après avoir effrayé les télévisions du monde entier, le géant du streaming Netflix se tourne depuis quelques années vers le cinéma.
Après avoir effrayé les télévisions du monde entier, le géant du streaming Netflix se tourne depuis quelques années vers le cinéma.
Mercredi 17 mai 2017, la soixante-dixième édition du Festival de Cannes s’est ouverte avec la conférence de presse rituelle. Pedro Almodóvar, le président du jury, en a profité pour expliquer qu’il ne croit pas « que la Palme d'or ou n'importe quel autre prix devrait être décerné à un film qui ne sera pas vu sur un grand écran ». Cible de cette déclaration : Netflix. La société, désignée parfois comme le loup dans la bergerie, irrite autant qu’elle fascine. La société présente cette année deux films en compétition : Okja de Bong Jong Hoo et The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach. À la suite de l’annonce de la sélection de ces deux long-métrages, plusieurs acteurs du cinéma français sont mécontents.
Netflix a essayé de trouver différentes solutions pour présenter son film en salle, notamment en négociant des visas temporaires auprès du CNC ou la privatisation de plusieurs établissements. Mais rien de tout cela n’a abouti. Le 10 mai, près d’un mois après l’annonce des films sélectionnés pour la compétition, le Festival de Cannes annonce une nouvelle règle pour filtrer les films à l’entrée. Désormais, il faudra qu’un long-métrage qui souhaite concourir s’engage préalablement à être distribué en France.
Ainsi, si les films présentés par Netflix au Festival de Cannes avaient pu être distribués sur grand écran via un visa temporaire, ils n’auraient pu être diffusés sur la plateforme en ligne que trois ans après en France. Une situation quasi kafkaïenne et inenvisageable pour Netflix qui a fait de la diffusion simultanée en salle et sur le web, surnommé par la société « day and date », son cheval de bataille.
Une obsession qui leur vaut l’animosité des distributeurs, en France donc, mais pas uniquement. L’épisode Beast of no Nation a ainsi été particulièrement douloureux pour Netflix. Le film sorti en 2015 a été produit par le service en ligne et presque totalement ignoré, boudé par les gros distributeurs nord-américains AMC, Cinemark, Regal et Carmike. La suite de Tigre et Dragon produite par la société de Reed Hastings avait connu les mêmes déconvenues, ne trouvant que peu de salles prêtes à diffuser le film le jour de sa mise en ligne sur la plateforme. Il est là aussi question, d’une certaine façon, de chronologie des médias. Les distributeurs américains n’ont en effet pas envie de faire affaire avec une société qui ne respecte pas un intervalle de 90 jours, durée consacrée aux États-Unis entre la sortie en salle d’un film et son apparition sur des supports matérialisés ou dématérialisés et sur les sites de streaming.
Mais au-delà de toute conception économique, c’est peut-être l’idée même de cinéma et de l’expérience en tant que telle qui est remise en question, et c’est d’ailleurs un peu ce que l’on retrouve dans les déclarations de Pedro Almodóvar. Variety rapportait en 2015 les propos de Tim League, P-dg de The Alamo Drafthouse, une chaîne de cinéma indépendante qui comprend 19 salles à travers les États-Unis. « Je ne me considère pas comme un adversaire de Netflix, explique-t-il, cet argument mène vers une impasse. Je regarde des tas de films à la maison, mais de temps en temps j’ai envie de sortir de chez moi. Je vois le fait d’aller au cinéma comme étant en compétition avec l’idée de manger au restaurant ou d’assister à un match de baseball […]. » La salle comme élément de sociabilité, d’expérience en groupe, en somme, et qui pourrait être prépondérante dans la définition de ce qu’est « un film de cinéma » ou non.
En 2023, deux journaux, un français et un britannique, ont publié des enquêtes retraçant leurs propres origines. Loin des rétrospectives glorifiantes, ces articles creusent les circonstances sombres de leur création. Pour les regarder en face, tenter de les réparer, et surtout ne pas reproduire les mêmes erreurs.