Les fansubbers : des médiateurs culturels
Cette activité de partage des
fansubbers va permettre de poser les conditions de légitimation des séries télévisées, puisqu’ils vont les proposer en version originale sous-titrée (VOST). Ces équipes de fans
« agissent comme des médiateurs culturels, et se font les passeurs des séries télévisées entre des espaces nationaux délimités par leurs langues ». Hye-Kyung Lee note que « ces pratiques diffèrent du simple fait de copier et partager les morceaux de musique dans ce sens qu’elles requièrent des consommateurs assumant leur rôle actif de médiateurs et distributeurs ». Lee continue en déclarant : « Les traductions et distributions des fans contribuent à la circulation de bas en haut (
bottom-up) de la culture au-delà des frontières géographiques et culturelles ». La pratique du
fansubbing relève donc de plusieurs cultures, et de facteurs économiques et sociaux importants. Tout d’abord, la culture du partage est favorisée par la culture numérique et le développement d’Internet. Toutefois, cet acte politique du partage, propre aux fans, peut être vu comme un acte de piratage de la part des industries culturelles et conduire à des problèmes de propriété intellectuelle. « Le désir des consommateurs de culture se situe bien au-delà des contraintes temporelles, spatiales et linguistiques et cela est amplifié par leur accès à une connaissance collective.
Les fans déjouent, à travers cette pratique du fansubbing, les stratégies de production traditionnelles des chaînes de télévision française en proposant en « avant-première » des séries américaines.
La production d’une connaissance commune est motivée par des facteurs non commerciaux – même si les industries culturelles sont prêtes à les absorber dans leurs stratégies marketing – et est partagée et augmentée librement ». Les fans déjouent, à travers cette pratique du
fansubbing, les stratégies de production traditionnelles des chaînes de télévision française en proposant en « avant-première » des séries américaines. Les fans participent donc par leur activité de
fansubbing à une culture de la circulation qui permet de faire connaître des films, des séries ou des mangas en dehors de leurs espaces nationaux de production et de diffusion et qui font d’eux des médiateurs culturels. Cela contribue à développer une culture de la circulation médiatique qu’ont mise en avant
Jenkins, Green et Ford.
Il est intéressant par ailleurs de noter que les chaînes françaises, comme TF1 ou Canal + avec la création de sa chaîne consacrée aux séries, s’adaptent à ces pratiques et à cette réception en diffusant des séries américaines en VOST au lendemain de leur programmation aux États-Unis. Le fansubbing, initialement lié à des pratiques illicites, a pu permettre aux industries culturelles de s’adapter à la demande d’une partie du public.
Les fans permettent également de légitimer, de déstigmatiser pourrait-on dire, la
réception des films et des séries télévisées en les proposant en VOST reproduisant ainsi le schéma de visionnage propre à la cinéphilie. Enfin, les
fansubbers, comme le rappelle Laurence Allard, chercheuse en sciences de la communication, sont aussi des
décodeurs des pratiques culturelles nationales : « la partie sous-titrage, enrichie de notations interculturelles, participe plus d’une partition d’interprétation interculturelle, rédigée à plusieurs mains que d’une simple traduction linguistique ». En effet, les fansubbers proposent des explications sur des termes précis, sur des pratiques culturelles particulières ou sur des lieux spécifiques. Par exemple, pour les sous-titrages de la série
Friday Night Light, qui suit une équipe lycéenne de football américain, les sous-titreurs précisaient des informations sur les postes, les règles et la culture liée à ce sport, rajoutant une dimension informative à leur texte.
Non seulement les fansubbers vont éclairer des pratiques interculturelles spécifiques mais ils vont également faire découvrir des films ou des séries télévisées qui n’auraient pas été diffusés dans l’espace public national sans eux.