Un marché fragmenté à la rentabilité difficile
Y aurait-il trop d’opérateurs de téléphonie mobile en Inde ? Ils sont au nombre de 12, même si trois d’entre eux détiennent à eux seuls plus de 50 % des parts de marché : Bharti Airtel, le premier opérateur indien et le 5ème mondial, Reliance et Vodafone. Certains opérateurs ne sont présents que dans quelques États de l’Union Indienne, et ce en raison d’une spécificité des licences accordées par le TRAI, l’organisme régulateur des télécoms en Inde. Le marché est organisé en 22 « cercles », correspondant plus ou moins aux frontières des différents États, et pour lesquels les licences sont mises aux enchères. Il est donc tout à fait possible pour un opérateur de n’avoir le droit d’opérer que sur une petite partie du territoire. Cette division favorise la fragmentation du marché et la subsistance d’acteurs de taille modeste, pour lesquels atteindre la rentabilité est particulièrement difficile en raison de l’importance des investissements nécessaires.
L’autre spécificité du marché indien, c’est l’incertitude réglementaire qui y règne. L’exemple le plus spectaculaire est bien sûr l’
annulation de 122 licences 2G en février 2012 dans un scandale de corruption qui a envoyé en prison le ministre des Télécoms responsable de leur attribution. Les opérateurs étrangers ont eu beau arguer du fait qu’ils avaient acheté ces licences en toute bonne foi, ils ont subi des pertes importantes, comme Etisalat, l’opérateur des Émirats arabes unis, qui a perdu
827 millions de dollars et a dû renoncer à ses ambitions sur le marché indien. Mais les autorités indiennes sont connues pour d’autres volte-faces, comme leur
décision d’imposer à titre rétroactif les acquisitions entre entreprises étrangères dès lors qu’elles ont des opérations sur le territoire indien. L’autre pratique courante, et qui affecte directement les revenus des opérateurs, est de
restreindre les échanges de SMS entre abonnés, imposant des plafonds journaliers parfois très bas, que ce soit au motif de préserver les usagers des publicités envahissantes ou pour maintenir l’ordre public.
Jusqu’à présent, les tarifs des communications mobiles en Inde sont parmi les plus faibles au monde – cette stratégie du volume par les prix a été initiée par Bharti Airtel, parfois surnommé la Minute Factory (La fabrique à minutes), qui a utilisé la baisse des tarifs pour attirer les consommateurs au faible pouvoir d’achat. Les factures mensuelles des usagers sont donc très faibles, 300 roupies par mois - 4,20 euros - en moyenne pour les détenteurs de feature phones, 450 roupies par mois - 6,40 euros - pour ceux qui ont un smartphone et les revenus par abonné en souffrent : entre 2008 et 2011, ils ont
diminué de 24 %. Plusieurs opérateurs, dont Bharti Airtel, viennent d’annoncer
une hausse de leurs tarifs pour pallier cette évolution inquiétante. Si cette hausse paraît nécessaire, elle risque cependant d’avoir un impact sur la croissance du nombre des abonnés, dans un marché où la sensibilité au prix est forte.