Une chaîne de valeur recomposée, des business models innovants
L'arrivée de nouvelles méthodes de distribution a redistribué les rôles traditionnels des différents acteurs de la chaîne de valeur (développeurs, éditeur, distributeurs, grossistes, et détaillants). La chaîne de valeur traditionnelle des jeux s’est ainsi vue recomposée, provoquant une convergence des rôles des distributeurs et des détaillants, sous les auspices de l’activité éditoriale. Une large partie des activités antérieures est devenue caduque, dans la mesure où il n’est plus nécessaire de dupliquer ni de distribuer des produits physiques. Les éditeurs, au même titre que les développeurs, peuvent par conséquent « désintermédier » les maillons antérieurs. Ce processus diffère selon les acteurs et le type de jeux.
Néanmoins, certains éditeurs peuvent continuer à s’en remettre à des intermédiaires en raison de l’expertise spécifique de ceux-ci (dont le marketing). De fait, de nouveaux intermédiaires sont apparus : sociétés de télécommunications (FAI), boutiques en ligne (App Store, PSN, XBLA, etc…) et réseaux sociaux comme Facebook. Il s’agit là d’un processus de réintermédiation où ces acteurs jouent le rôle assumé auparavant par les distributeurs. Ils peuvent d’ailleurs exercer un pouvoir de marché important (Apple, Amazon).
Les sources de recettes et les modèles d’affaires ont dû se transformer afin de suivre le rythme d’évolution des produits et services. Les modèles d’affaires alternatifs développés dans le cadre des jeux en ligne et sur mobiles diffèrent des précédents et sont en (re)construction. Ces modes de distribution ouvrent de nouvelles perspectives pour « monétiser » les contenus et tester la propension des consommateurs à payer.
Ces jeux sont caractérisés par deux modèles d’affaires prépondérants : un modèle payant (par abonnement, ce qui est souvent le cas pour les MMOGs
, mais aussi paiement pour chaque téléchargement, pour une « extension» des jeux, ou pour des items) et le modèle dit freemium (une offre de base limitée gratuite et des services payants plus élaborés) et/ ou free-to-play (F2P : accès gratuit en ligne au contenu).
Le F2P, sans doute la principale innovation, est devenu
le modèle dominant sur le marché mondial. La transition s’accélère encore avec une vague sans précédent de conversion du modèle payant vers le F2P pour les MMO
. Ce modèle est fondé sur des économies d’échelles, sur une utilisation innovante d’un marché biface à partir d’une segmentation tarifaire (ou non-tarifaire), où la plupart des consommateurs bénéficient de services de jeux gratuits financés par ceux qui souhaitent payer.
Les contenus gratuits servent ainsi à attirer le consommateur vers des accès payants. Ils ont aussi un effet rassurant vis-à-vis du consommateur. Ce modèle domine en Asie.
Cette nouvelle source de recettes, assurée par la vente de biens virtuels, est d’ailleurs née en Asie , sous l'impulsion de sociétés comme Tencent qui a réussi à convertir ses centaines de milliers d’adeptes aux réseaux sociaux en client payants, avant tout pour l’acquisition de ces biens virtuels. Ce modèle du bien virtuel permet aux joueurs d’acquérir des éléments numériques tels que de la monnaie virtuelle (ainsi des « zcoins » de Zynga), des items, des personnages, etc…. En fait, n’importe quel bien peut devenir un bien virtuel, ceux-ci sont plutôt associés aux mondes persistants qu’autorisent les MMOGs. De plus, un bien virtuel bénéficie d’une durée de vie bien supérieure à la durée productive d’un jeu « standard» (qui est de quelques mois).Malgré quelques turbulences ces dernières années, dues précisément à cette réadaptation des modèles d’affaires pour les acteurs établis de l’industrie,, et en dépit du déclin de certains segments (consoles et PCs), le marché est solide et la plupart des sociétés de conseils spécialisées s’accordent pour prévoir une croissance forte.
Le modèle F2P ouvre la voie au jeu comme service où la monétisation a lieu pendant le jeu, ce qui conduit éditeurs et développeurs à tenter de maintenir le plus longtemps possible le joueur en ligne. La flexibilité qu’autorise ce modèle permet de donner libre cours à la créativité des développeurs et éditeurs.
Candy Crush.
Le comportement des consommateurs a évolué et permis la diffusion virale des jeux en ligne à une cadence inespérée. La demande a joué un rôle essentiel dans cette croissance. L’implication du joueur a été favorisée par certains aspects de l’interaction entre joueurs des jeux multi-joueurs. Cette implication est perçue comme une première étape dans l’implication avec le jeu lui-même, pouvant déboucher sur la création de contenu. Cette tendance pourrait néanmoins prendre quelque temps avant de se concrétiser et d’aboutir à des résultats concrets pour l’industrie.
La prolifération des terminaux ouvre la voie aux jeux ubiquitaires mais accroît le besoin pour les éditeurs et les développeurs de définir des stratégies multiplateformes, ce qui n’est pas sans créer de tensions par rapport aux stratégies d’exclusivité des consoliers.
La géographie du marché mondial des jeux se modifie, de nouvelles alliances se créent ; ainsi de celle annoncée en juillet 2012
entre Tencent et Activision Blizzard pour la commercialisation de
Call of Duty Online auprès des joueurs chinois.
Le marché chinois offre des opportunités nouvelles pour des sociétés étrangères, selon le moteur de recherche mobile Wandoujia, en témoigne le succès de titres comme
Temple Run 2,
Fruit Ninja et bien sûr
Angry Birds dont la société mère Rovio a ouvert une première boutique en 2012, suivi par un parc d’attraction
Angry Birds, à Shanghai, à la fin de la même année.