Quel avenir après Miyazaki ?
En 1997, en raison d’importants déficits, le groupe Tokuma Shoten absorbe le Studio Ghibli. Les profits engendrés par le studio d’animation permettent de combler les déficits du groupe Tokuma qui décide de se recentrer uniquement sur son activité d’édition. En mars 2005, Tokuma Shoten retrouve sa stabilité financière et le Studio Ghibli, désormais bien plus rentable que Tokuma Shoten, acquiert son indépendance. C’est là l’aboutissement d’une véritable success story qui ne doit pas pour autant masquer une difficulté majeure pour ce studio : survivra-t-il à l’après Miyazaki Hayao ? En effet, l’une des différences que le Studio Ghibli cultive pour se démarquer des autres studios nippons est la mise en avant d’auteurs. À la différence de la Tôei Animation, il défend l’idée d&rsquorsquo;une équipe rassemblée autour d’un seul réalisateur. Au point que le Studio Ghibli se confond souvent avec la figure de Takahata Isao, et surtout de Miyazaki Hayao. Mais les deux réalisateurs se font âgés : Takahata Isao a atteint l’âge honorable de 75 ans tandis que Miyazaki Hayao vient tout juste de fêter en janvier ses 70 ans. Trouver des successeurs capables de reprendre le flambeau du Studio Ghibli est une quête que mène depuis longtemps son ex-président, Suzuki Toshio.
Dès 1989, celui-ci décida de créer un institut de formation. Après plusieurs échecs, il fonctionne à présent et permet au studio de former de nouveaux animateurs. Pour l’heure cependant, aucune figure significative n’a émergé. Miyazaki Hayao et Takahata Isao avaient pressenti Kondô Yoshifumi comme successeur pendant un temps, mais celui-ci mourut subitement en 1998.
L’écueil principal empêchant l’émergence d’un successeur semble être Miyazaki Hayao lui-même. Souvent décrit comme un vrai bourreau de travail, il intervient sur presque toute question liée au Studio. Pour le film Kiki la petite sorcière par exemple, il ne devait assurer au départ que la production, étant déjà occupé par la réalisation de Mon voisin Totoro. Mais il s’imposa finalement comme réalisateur, estimant que personne à part lui n’était capable de le réaliser. En 2002, alors que la réalisation du film Le château ambulant est confiée par Suzuki Toshio à Hosoda Mamoru, celui-ci doit se retirer et laisser sa place à Miyazaki Hayao qui demande à l’équipe de tout reprendre à zéro alors que le film était déjà en cours de réalisation. Le Studio Ghibli entre alors en crise et ferme ses portes pendant six mois « pour permettre à tout le monde de se reposer ». Pour Hosoda Mamoru, cela ne fait aucun doute : « Le studio Ghibli est une structure qui a été créée essentiellement pour permettre à Monsieur Miyazaki de produire ses œuvres et malheureusement pas pour créer d’autres choses ».
En 2006, la réalisation de l’adaptation du livre d’Ursula K. Le Guin, Les Contes de Terremer, fut confiée à Miyazaki Gôro par Suzuki Toshio, contre l’avis de son père qui ne l’en croyait pas capable. Le film connut un succès en terme d’entrées mais fut aussi violemment critiqué : l’hebdomadaire Shûkan Bunshun lui accorda par exemple le prix du « plus mauvais film de l’année » et le prix du « plus mauvais réalisateur » pour Miyazaki Gôro. Pourtant, pariant peut-être sur un effet de marque, le Studio Ghibli a annoncé récemment que son prochain film, Kokuriko zaka kara (Depuis la pente Coquelicot) sera réalisé à nouveau par Miyazaki Gôro, avec l’aide cette fois-ci de Miyazaki Hayao, en charge du projet. Après tout, qui de mieux qu’un Miyazaki pour succéder à Miyazaki...