L'attribution du ".fr" par l'État : inconstitutionnelle ?

L'attribution du ".fr" par l'État : inconstitutionnelle ?

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 6 octobre 2010, fait application du nouveau mécanisme de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la question de l'attribution et de la gestion des noms de domaines sur Internet en ".fr"
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Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 6 octobre 2010 (n° 2010-45 QPC), fait application du nouveau mécanisme de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le sujet de l'attribution et de la gestion des noms de domaines sur Internet se terminant par ".fr", questions notamment régies par l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques, issu de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. C'est cette disposition législative qui voit sa constitutionnalité questionnée, notamment au regard du droit de propriété et de la liberté de pensée et d'expression.

La QPC, introduite par la réforme de la Constitution de 2008 (article 61-1 de la Constitution), permet à tout individu de poser la question de la conformité d'une loi au regard des droits et des libertés garantis par la Constitution, avec toutefois un filtre au niveau de la Cour de cassation et du Conseil d'État. Ce sont ces deux juridictions qui décident, en effet, de la pertinence de transmettre ou non au Conseil constitutionnel une QPC.

Selon l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques, l'État désigne les organismes qui seront en charge de l'attribution et de la gestion des noms de domaine sur Internet. Le requérant, Monsieur P., conteste la constitutionnalité de l'article L. 45 au motif de "laisser à l'autorité administrative et aux organismes désignés par elle une latitude excessive pour définir les principes d'attribution des noms de domaine et d'omettre ainsi de fixer un cadre minimal et des limites à leur action, en méconnaissance de l'étendue de sa propre compétence par le législateur". En substance, le législateur n'a pas été assez précis dans sa définition du régime juridique de l'attribution des noms de domaine. Il a en quelque sorte méconnu les exigences liées à sa propre compétence, telle que définie par la Constitution. Le législateur n'a pas été à la hauteur de sa mission législative. On parle alors d'incompétence négative.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle "qu'en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services dans la vie économique et sociale, notamment pour ceux qui exercent leur activité en ligne, l'encadrement, tant pour les particuliers que pour les entreprises, du choix et de l'usage des noms de domaine sur internet affecte les droits de la propriété intellectuelle, la liberté de communication et la liberté d'entreprendre". Le Conseil constitutionnel dispose alors que "si le législateur a (...) préservé les droits de la propriété intellectuelle, il a entièrement délégué le pouvoir d'encadrer les conditions dans lesquelles les noms de domaine sont attribués ou peuvent être renouvelés, refusés ou retirés ; qu'aucune autre disposition législative n'institue les garanties permettant qu'il ne soit pas porté atteinte à la liberté d'entreprendre ainsi qu'à l'article 11 de la Déclaration de 1789 (liberté de pensée et d'expression) ; que, par suite, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il en résulte que l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques doit être déclaré contraire à la Constitution."

Le Conseil constitutionnel déclare ainsi l'inconstitutionnalité de l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques, mais reporte l'effet de sa décision au 1er juillet 2011, afin de laisser le temps au législateur de rectifier le tir. Mais cela sera-t-il suffisant pour un réexamen en profondeur du problème ? Mais au-delà, il s'agit bien d'une première pierre posée par le Conseil constitutionnel dans la réflexion de la place d'Internet dans notre vie économique et sociale, et des droits fondamentaux qui s'y attachent.

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