De la face au profil : l’aventure numérique des visages
Le visage est le lieu même de l’expression et de l’identité. Que devient son pouvoir d’identification et de communication, à l’heure des réseaux sociaux et des selfies ?
Le visage est le lieu même de l’expression et de l’identité. Que devient son pouvoir d’identification et de communication, à l’heure des réseaux sociaux et des selfies ?
Au commencement était l’indexDans des rapports sociaux de plus en plus quadrillés par les logiques informationnelles, chacun est aujourd’hui précédé par les traces numériques qu’il a secrétées et que le moteur de recherche donne à voir, après que son algorithme les a captées et répertoriées. Insensiblement, nous nous faisons à cette idée que les périmètres de l’identité coïncident avec ces « pages de résultats », qui dressent de chaque individu un portrait composite où la pertinence remplace la ressemblance. Destiné à nous documenter plus qu’à nous figurer, l’index tend cependant de plus en plus à nous tenir lieu de visage, parce qu’il est devenu un opérateur relationnel. Vecteur de mémoire (se rappeler quelqu’un), et de la réputation (mesure d’autorité), l’ensemble constitué par les réponses à une requête onomastique se porte garant d’une existence pour autrui, et fonctionne à ce titre comme interface sinon comme face.
Le selfie donne donc un visage au nousPlus qu’une image de l’individu, le selfie donne donc un visage au nous. C’est en couple ou dans une communauté que l’on s’échange ces clichés, et les selfies de groupe eux-mêmes se multiplient, comme l’atteste la récente mise sur le marché d’une canne éloignant le smartphone du sujet pour que plusieurs personnes puissent se photographier ensemble.
À l’heure où on ne peut plus ne pas laisser de traces, le visage s’est lui-même converti en flux de données, à la fois occasionnelles et calculables, discrètes et relationnelles. Entre surveillance et dissémination, l’individu-média doit sans cesse réinventer sa réflexivité, en exploitant aussi bien les dysfonctionnements que les performances de ses prothèses technologiques. Car le système de couverture médiatique produit aussi des marges d’incertitude, qu’il faut savoir saisir pour imaginer sa présence. C’est ce que de nombreux artistes explorent, en recherchant par exemple des « accidents visuels » dans Google Street View(10) , en produisant de la fiction à partir de données prélevées(11) , en poétisant le récit algorithmique que les moteurs enregistrent de nos vies(12) . On peut aussi, plus simplement, évoquer ces pratiques qui font des images indéfiniment répétées des images adoptées(13) . Objets d’une élection, d’une attention et d’une archive, elles redonnent alors un visage aux identités disséminées par les flux informationnels. Entre travail de deuil et collection, elles détachent le sujet de son identification, pour le faire exister pleinement comme image, dans une mémoire partagée.
Comment Manuel Coisne a-t-il été éborgné lors d’une manifestation de « gilets jaunes » à Paris, sur la place d’Italie ? Dans une enquête vidéo, Le Monde répond à cette question. Une tâche d’ampleur, qui a nécessité plus de 300 heures de travail, nous expliquent Arthur Charpentier et Charles-Henry Groult, journalistes au quotidien du soir.
Parce que l'ayatollah Khomeini avait trouvé exil en France, lorsqu'ils arrivent à Téhéran dans le courant de 1978, les reporters français sont plutôt mieux accueillis que d'autres. Mais comprendre ce qui se passe, vérifier les informations et les faire parvenir aux rédactions nationales, alors que le chaos est total et qu'internet n'existe pas, reste une gageure. Les femmes sont désormais tenues de travailler voilées.