Presse écrite en chinois et propagande à destination des émigrés
Soucieux d’accroître son influence au sein des communautés chinoises d’outremer afin de les détourner des médias liés au gouvernement nationaliste, le PCC a créé l’édition d’outre-mer du
Quotidien du Peuple, imprimée en caractères chinois traditionnels (comme à Taïwan, Hong Kong et dans la diaspora), le 1
er juillet 1985. Il est pratiquement impossible d’obtenir des informations sur sa diffusion effective, mais il est probable qu’à l’image de l’édition chinoise de l’organe du PCC, elle n’a cessé de diminuer. Seuls les cadres du Parti et les professionnels des médias la lisent.
Les organes chargés de la diffusion de la propagande à l’étranger sont bien conscients que les émigrés ne sont guère friands de la presse officielle chinoise, car elle est écrite dans un jargon qui leur est étranger. C’est pourquoi ils ont concentré leur action sur les médias en chinois qui informent les communautés émigrées, en mettant en œuvre une double stratégie : d’une part, en créant de nouveaux journaux et, d’autre part, en influençant la presse en chinois fondée au début de l’émigration au milieu du 19e siècle.
De 1949 aux années 1970, la presse des pays où l’émigration chinoise était importante (Asie du Sud-est, Europe, Amériques) était plutôt proche du KMT (Kuomintang), les hommes d’affaires qui la finançaient étant favorables au régime en place à Taïwan. La RPC (République populaire de Chine) n’étant pas reconnue dans des pays anticommunistes, il lui était impossible d’y implanter sa presse. Dès l’entrée de la Chine à l’Onu en 1971, le PCC a fondé dans les principaux pays d’émigration des journaux qui publiaient les dépêches de l’agence officielle Xinhua et reprenaient les articles de la presse du continent, tout en couvrant les activités des diverses associations de Chinois d’outre-mer.
Au fur et à mesure que l’économie chinoise se développait, les hommes d’affaires émigrés ont commencé à transférer leurs publicités de la presse pro-KMT à celle favorable au PCC. Le développement de l’émigration chinoise à partir des années 1990 a renforcé ces journaux qui, par ailleurs, ne se soucient guère de leur rentabilité puisqu’ils jouissent du soutien de la Chine. Ainsi, en France, le quotidien Ouzhou shibao (Les Nouvelles d’Europe), qui dessert les communautés chinoises d’Europe, a pu évincer le Quotidien d’Europe (????, Ouzhou Ribao), lié au groupe de presse Taïwanais United Daily News. Ce journal qui, dans les années 1980, disposait d’un quasi-monopole dans la communauté chinoise de Paris, a décidé de fermer en août 2009. Selon certaines sources, cette décision s’explique par le fait que le groupe United Daily News dont il dépendait, a créé à ce moment un journal sur le continent pour servir la communauté d’hommes d’affaires taïwanais en République populaire. Mais le développement du commerce avec la Chine explique aussi que les hommes d’affaires installés en France aient abandonné ce journal.
La stratégie du PCC est toujours la même dans le monde entier : si une presse vibrante, financée par les hommes d’affaires émigrés, existe dans un pays, il fait pression sur elle par le biais de la publicité
Le cas de l’Australie est révélateur : alors qu’avant 1996, on ne trouvait aucune voix favorable au PCC dans la presse chinoise de ce pays, à partir de cette année-là, les journaux traditionnels se sont mis à collaborer avec des quotidiens provinciaux chinois. En même temps, on a vu fleurir de nombreux journaux gratuits favorables à la RPC, de sorte qu’aujourd’hui, « bien qu’ils vivent en Australie, les nouveaux immigrés sont toujours entourés par des médias dont les positions sont très influencées par les positions du gouvernement chinois ».
La stratégie du PCC est toujours la même dans le monde entier : si une presse vibrante, financée par les hommes d’affaires émigrés, existe dans un pays, il fait pression sur elle par le biais de la publicité : seuls les journaux qui ne le critiquent pas, n’abordent pas les thèmes sensibles (les 3 T : Tibet, Taïwan, Tiananmen) peuvent obtenir les publicités des entreprises liées à la RPC. En même temps, la Chine créée de nouveaux médias qui évinceront les journaux qui refusent de se soumettre. Cette stratégie n’a pas vraiment réussi aux États-Unis où le World Daily News, lié au groupe United Daily News, reste le principal quotidien en chinois. Toutefois, comme sa maison mère, il a, depuis les années 2000, édulcoré ses critiques de la Chine.
Dans ce pays, le
Xinwen Ziyou Daobao (
Press Freedom Herald) fondé par des exilés démocrates de 1989 a dû fermer en 2005 en raison des pressions exercées par la Chine sur les annonceurs. L’opposition s’est alors réfugiée dans des mensuels et sur des sites internet installés en Occident.
Beijing zhi Chun,(
Peking Spring) fondé aux États-Unis en 1993, ne paraît plus que sur le net depuis 2010. Ce mensuel fondé par Hu Ping, un intellectuel démocrate réfugié aux États-Unis, publie des analyses originales du système politique chinois souvent écrites par des émigrés, tandis que
Minzhu Zhongguo (
Democratic China) fondé en 1989 — dont l’un des rédacteurs en chef a été le Prix Nobel de la Paix, Liu Xiaobo — donne la parole tant à des intellectuels résidant en Chine qu’à des émigrés. Tous deux disposent de sites internet qui publient aussi des articles en anglais mais ils ont du mal à trouver des financements.
On trouve aux États-Unis des sites qui jouent le rôle d’agences de presse indépendantes. Le plus ancien est Boxun: fondé comme mensuel en 1998, ce média est devenu une sorte d’agence indépendante qui dispose d’une certaine crédibilité en 2010. Boxun publie des recueils des articles des principaux intellectuels chinois dissidents, qu’il met à la disposition du public en ligne. Citons également Mingjing News (Mirror), émanation d’une maison d’édition fondée après 1989 par deux jeunes cadres du Parti réfugiés aux États-Unis après le massacre du 4 juin qui publie les écrits de nombreux auteurs interdits en RPC. Le site créé en 2009 diffuse des informations (ou, selon le PCC, des rumeurs) sur la vie du Parti, et publie un mensuel à Hong Kong. Comme Boxun, il est interdit en Chine.