Le film documentaire au cœur du festival de Cannes

Le film documentaire au cœur du festival de Cannes

Les longs métrages documentaires sont de plus en plus nombreux au festival de Cannes, dans les sélections comme sur le marché. Cependant, rares sont ceux qui trouvent leur chemin vers les spectateurs dans les salles de cinéma.

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Cette année le festival de Cannes bat son plein dans une ambiance calme : en effet les professionnels et le grand public sont venus moins nombreux, à cause de la peur du terrorisme, et ce malgré une sécurité renforcée. Mais le festival reste un écrin mettant en valeur les longs métrages du monde entier, et cette année, tout particulièrement les documentaires. Ils sont 17 à être projetés dans toutes les sélections, dont par exemple Risk de Laura Poitras (la réalisatrice de Citizenfour, Oscar 2015 du meilleur documentaire), ou Les vies de Thérèse de Sébastien Lifshitz, tous deux en compétition à la Quinzaine des réalisateurs. Aucun n’est présenté en compétition officielle, la programmation préférant les séances spéciales ou Cannes Classics comme pour Voyage à travers le cinéma français de Bertrand Tavernier, qui fera date. Il faut revenir à 2004 pour trouver un documentaire en compétition avec Farenheit 9/11 de Michael Moore qui, rappelons-le, a remporté la Palme d’or.

 
 Le prix de l'Œil d’or est un signe de l’importance du documentaire comme œuvre de long métrage à part entière  
De plus en plus de professionnels du documentaire (près de 600) sont inscrits au Marché du film. Le Doc Corner qui les accueille s’est agrandi avec une nouvelle salle de projection dédiée. Il faut dire que 125 titres récents sont présentés sur le marché, assortis d’une vidéothèque de quelques 250 films de catalogue. Une journée spéciale consacrée au documentaire, créée cette année s’est déroulée le 17 mai dernier au Marché du film, avec un grand débat mettant à l’honneur des réalisateurs de talent, dont l’italien Gianfranco Rosi. Son Fuocoammare, pour lequel il a passé un an sur l’île italienne de Lampedusa, avec ses habitants et ses migrants, a gagné l’Ours d’or de la dernière Berlinale. C’est le premier documentaire à recevoir cette récompense au festival de Berlin, et il a aussitôt été acheté dans 55 pays du monde entier. Il faut dire que le précédent film de Gianfranco Rosi, Sacro Gra avait reçu le Lion d’or à Venise trois ans auparavant ! Le réalisateur italien préside le jury du prix Œil d’or lancé par la Scam l’année dernière. Ce prix est un autre signe de l’importance croissante du documentaire comme œuvre de long métrage à part entière. Il sera remis samedi 21 mai prochain à l’un des 17 participants dans les différentes sélections. La première édition avait récompensé Allende de Marcia Tambutti Allende en 2015.
 
À Cannes toujours, un autre signe de la médiatisation du documentaire a été l’annonce à grand renfort de communication, d’un projet de film tiré du best-seller de l’économiste Thomas Piketty Le capital au XXIe siècle. Ce documentaire est une coproduction franco-néo-zélandaise et sera réalisé par le Justin Pemberton.
 
Cette progression du documentaire à Cannes et dans d’autres festivals internationaux est le reflet d’une production vivace, notamment en France : le bilan 2015 établi par le CNC des films produits fait état de 47 documentaires agréés parmi les 300 films de l’année. Il s’agit  du plus haut chiffre jamais observé. Le devis moyen s’élève à 590 000 euros. Le budget le plus élevé est celui du Voyage à travers le cinéma français de Bertrand Tavernier, produit pour 2 millions d’euros par Little Bear. Ce montant élevé est lié à la grande quantité d’archives de films nécessaire à la création de ce « Voyage », qui dure plus trois heures. Sinon, 80 % des documentaires produits en 2015 ont un devis inférieur à 1 million d’euros, et des conditions de production souvent financièrement acrobatiques.
 
 En 2014 les documentaires représentaient 15 % des films sortis en salle pour… 1,1 % des entrées  
Et lorsqu’un long métrage documentaire est confronté au verdict de la salle de cinéma, les difficultés ne font que s’accentuer. Les chiffres les plus récents du CNC datent de 2014 et montrent que 100 documentaires sont sortis en salles cette année-là, un record. 80 % d’entre eux étaient français. Ils représentaient 15 % des films sortis en salle cette année-là pour… 1,1 % des entrées, soit une moyenne de 20 000 entrées par film ! Les exemples récents de succès comme Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion (1 million d’entrées), et Merci patron ! de François Ruffin (qui vogue vers les 500 000 spectateurs) sont donc de belles exceptions. Ces succès marquent l’intérêt nouveau des spectateurs pour les films engagés, parlant de notre monde et qui sait, signent la naissance d’un nouveau genre, le « blockbuster citoyen » !

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Crédit photo : service de presse du festival de Cannes

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