La Chine s’ouvre à Hollywood au détriment de la diversité culturelle

La Chine s’ouvre à Hollywood au détriment de la diversité culturelle

Forte de sa croissance, la Chine ouvre peu à peu son marché intérieur au cinéma étranger. En s’inscrivant dans une logique de libre-échange, l’ouverture profite surtout à Hollywood mais au détriment de la diversité culturelle.

Temps de lecture : 16 min

La nature ambigüe des industries culturelles – et en particulier audiovisuelles – tiraillées entre la production symbolique et la production matérielle, suscite parfois un débat politique virulent. Depuis vingt ans, l’enjeu de l’interface entre le commerce et la culture a fait irruption sur la scène internationale et se pose comme l’un des principaux thèmes de désaccord dans les négociations commerciales, multilatérales comme bilatérales. Des négociations du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) et de la défense de l’exception culturelle en 1993 à la Convention sur la diversité des expressions culturelles (ci-après dénommée « la CDEC ») adoptée par l’UNESCO le 20 octobre 2005, la problématique fondamentale qui est soulevée est celle de la circulation des produits et services culturels et celle du traitement à accorder à ces derniers dans les accords commerciaux.

Dans ce cadre, la CDEC – entrée en vigueur en mars 2007 et ratifiée à ce jour par 122 États, dont la France, le Canada, le Brésil, la Chine, l’Inde, et l’Union européenne – admet explicitement la spécificité des produits et services culturels et la légitimité de l’intervention publique dans le secteur des industries culturelles.

Parallèlement, en 2009, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a condamné la Chine pour ses pratiques commerciales jugées illicites dans le domaine culturel – cinéma, livre, musique ; par conséquent, mi-février 2012, le vice-président américain Joe Biden a annoncé que la Chine entendait modifier considérablement le quota restreint d’accès de films hollywoodiens à son marché cinématographique.
 
D’un côté, l’ouverture du marché cinématographique chinois reste l’enjeu économique et commercial le plus significatif pour les majors hollywoodiennes et la Motion Picture Association of America (MPAA), compte tenu du potentiel énorme du marché qui a augmenté de 35 % en 2011 pour devenir le troisième marché au monde. D’un autre côté, il s’agit d’une défaite paradoxale de la CDEC et de normes qu’elle prescrit, dans la mesure où le système chinois quasi-imperméable tend à s’ouvrir de plus en plus aux produits culturels non-nationaux grâce au principe du libre-échange véhiculé par l’OMC.

Entente entre Chine et Hollywood

Parmi l’ensemble des mesures financières et règlementaires en matière d’industries culturelles, une d’entre elles entraîne constamment l’hostilité des administrations des États-Unis et des majors de Hollywood : l’application de quotas de programmation aux fournisseurs de services culturels.

 

 Les États-Unis prétendent que « les quotas transgressent la « main invisible » du marché. 


Les États-Unis prétendent que « les quotas transgressent la « main invisible » du marché. Ils leur reprochent leur caractère arbitraire, intrinsèquement injuste et contraire à la valeur primordiale de l’efficacité »(1) (2) . Ainsi, favorisant les produits de divertissement nationaux, les règlementations strictes des autorités chinoises dans le domaine cinématographique limitent extrêmement la fluidité des échanges de produits et de composants et, par conséquent, elles interdisent une stratégie de production, de marketing et distribution intégrés.
 
 Les États-Unis considèrent les produits culturels comme des produits de divertissement (entertainment) semblables, d’un point de vue commercial, aux autres produits. 
Soutenues fortement par la MPAA, les administrations des États-Unis considèrent les produits culturels comme des produits de divertissement (entertainment) semblables, d’un point de vue commercial, aux autres produits et donc entièrement soumis aux règles du commerce international. Partant alors du constat que l’entertainment n’a rien à voir avec la culture et que ce que produisent les industries culturelles n’est rien d’autre que de l’entertainment, elles concluent à l’inclusion du secteur dans l’agenda des accords commerciaux. « Nous vendons des places de cinéma, pas des films », affirmait déjà un grand directeur de studio pendant l’entre-deux-guerres(3) (4) .

En considérant l’individu moins comme un citoyen que comme un simple consommateur des produits et des services cinématographiques et télévisuels, l’audiovisuel ne constitue qu’une simple activité de loisir, une activité ludique qu’il faut donc traiter comme telle ; par conséquent, le consommateur est considéré comme un agent rationnel et libre de choisir ses produits culturels. De ce fait, le marché cinématographique doit opérer en fonction de la rationalité et de la souveraineté du consommateur et les films doivent circuler sans entraves et s’échanger dans la vérité des prix. Selon cette vision, rien ne doit s’interposer entre l’offre et la demande, le vendeur et le consommateur.
 
Le cinéma, en Chine, reste officiellement un monopole d’État et ne répond donc pas aux règles de la concurrence. L’Administration gouvernementale de la radio, du film et de la télévision (State Administration of Radio, Film and Television – SARFT) gère de façon centralisée et monopolistique toutes les composantes du paysage cinématographique chinois – production, importation, distribution, exploitation. La distribution est contrôlée par deux groupes – China Film Group et Hua Xia – et la SARFT taxe lourdement les produits audiovisuels étrangers, n’autorisant la diffusion que de vingt films par an.

Ce n’est que dans les années 1990 que débute un mouvement d’ouverture du marché cinématographique chinois, lorsque le pays décide de s’insérer dans le système économique international. Depuis son adhésion à l’OMC en 2001, la Chine s’est engagée à augmenter le nombre de films importés ; ainsi, le quota annuel des films étrangers, distribués en partage de recettes, est passé de 10 à 20. D’autres films étrangers, dont le nombre est variable, sont vendus à China Film Group au forfait.

À ces quotas se rajoute une condition prenant en compte le temps d’occupation des écrans dévolu au cinéma chinois et au cinéma étranger : le rapport ne peut être inférieur à 2/3 du temps d’écran pour les films chinois, 1/3 pour les films étrangers, indépendamment du mode de rémunération. Soulignons que les quotas ne concernent pas les coproductions, dont le nombre total est passé de 10 en 2001 à 45 en 2008(5) (6) . Le mouvement devrait s’accélérer en 2012, à l’instar du partenariat entre Disney et DMG Entertainment conclu afin de produire Iron Man 3.
 
 La Chine s’efforce d’assouplir son système de quotas, en permettant à des films non nationaux d’accéder au marché cinématographique chinois.
Au milieu des années 2000, la Chine importe environ 18 films hollywoodiens par an avec un contrat de partage des recettes attribuant 13 à 15 % des recettes aux majors. Suite à une plainte des États-Unis en 2007 qui a mis en cause les réglementations posées par la Chine pour les exportateurs et les distributeurs américains de nombreux produits audiovisuels, jugées « discriminatoires », l’OMC a condamné en août 2009 la Chine pour ses pratiques commerciales jugées illicites dans le domaine culturel – cinéma, livres, musique et incompatibles avec les engagements internationaux de la Chine vis-à-vis du cadre normatif de l’OMC(7) . Par conséquent, la Chine s’efforce d’assouplir son système de quotas, en permettant à des films non nationaux d’accéder au marché cinématographique chinois(8) (9) . De ce fait, mi-février 2012, le vice-président américain, Joe Biden, a annoncé que la Chine visait à autoriser quatorze films hollywoodiens supplémentaires dans son marché cinématographique (de préférence pour les formats 3D et Imax) et à augmenter la part des recettes reversée aux distributeurs étrangers, de 13 % à 25 %(10) (11) (12) .

De plus, dans le cadre d’une rencontre du vice-président chinois avec Christophe Dodd, ex-sénateur démocrate du Connecticut et président de la MPAA, et Jeffrey Katzenberg, le dirigeant de DreamWorks Animation, a été annoncée la construction d’un studio d’animation à Shanghai, dénommé Oriental DreamWorks. Le studio de Shanghai se dotera d’un investissement initial de 330 millions de dollars en partenariat avec les sociétés chinoises China Media Capital, Shanghai Media Group et Shanghai Alliance Investment, majoritaires avec 55 % du capital. Ainsi, produire localement des films permettra à DreamWorks de passer outre les quotas cinématographiques des autorités chinoises.
 
D’ailleurs, les relations entre la Chine et Hollywood sont de plus en plus étroites et l’évolution de leur partenariat semble être significative pour le développement futur des industries cinématographiques américaine et chinoise. De ce fait, la société chinoise Wanda, spécialisée notamment dans l’immobilier, s’est transformée le 21 mai 2012 en premier propriétaire mondial de cinémas à la suite de l’acquisition du spécialiste des multiplexes aux États-Unis AMC (American Multi-Cinema). Ce dernier gère un réseau de 346 multiplexes en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) qui totalise plus de 5 000 écrans, dont 2 336 écrans 3D et 128 dômes IMAX. De son côté, Wanda, qui enregistre un chiffre d’affaires annuel de 16,7 milliards de dollars et possède 86 cinémas avec 730 écrans, hôtels de luxe et commerces en Chine, a assuré qu’il serait désormais un  acteur mondial d’exploitation cinématographique grâce à cette transaction de 2,6 milliards de dollars.
 
  En 2011, malgré le quota limité à 20, les films étrangers, et notamment hollywoodiens, ont accaparé 40 % du box-office chinois. 
Enfin, ajoutons que le marché cinématographique chinois enregistre une croissance considérable de 35 % en 2011 et devient le troisième plus grand marché cinématographique dans le monde entier(13) avec des recettes globales qui se montent à 2 milliards $. Malgré le quota limité à 20, les films étrangers, et notamment hollywoodiens, ont accaparé 40 % du box-office chinois. Grâce au dynamisme du marché chinois, les recettes du marché cinématographique dans la région Asie-Pacifique ont augmenté de 38 % depuis 2007 et atteignent 9 milliards $ en 2011 contre 6,5 milliards en 2007, illustrant l’importance majeure du marché pour les majors de Hollywood(14) (15) .

La remise en cause de la diversité culturelle

Issue de négociations internationales âpres, la CDEC demeure le fruit de concessions politiques sur des questions controversées et possède un faible degré de contrainte et d’obligation. Les parties conservent alors une marge de manœuvre considérable dans la mise en application de la CDEC et se montrent en réalité réticentes à l’idée d’avoir les mains liées de manière trop rigide sur des questions sensibles, comme les liens de la CDEC avec les accords commerciaux et le type de politique culturelle appropriée en vue de protéger et de promouvoir la diversité culturelle.

 

 La CDEC demeure le fruit de concessions politiques sur des questions controversées et possède un faible degré de contrainte et d’obligation. 
 
D’un côté, bien que les relations de la CDEC avec les autres instruments n’aient fait l’objet que de deux articles(16) , c’est sans aucun doute ceux qui ont suscité le plus de débats lors des négociations. Alors que certains États comme la France, le Canada et la Chine souhaitaient renforcer le statut juridique de la CDEC, en la plaçant sur un pied d’égalité avec des accords commerciaux, d’autres, comme les États-Unis, le Japon et la Nouvelle-Zélande, exigeaient que celle-ci leur soit subordonnée dans la hiérarchie du droit international.

Dans sa formulation finale, l’article 20 contient deux paragraphes qui semblent être inconciliables : le deuxième paragraphe affirme que la CDEC ne modifie pas les obligations contractées dans d’autres accords, reflétant les préoccupations commerciales, alors que le premier paragraphe stipule que la CDEC n’est pas subordonnée aux autres traités, satisfaisant les préoccupations culturelles.
 La CDEC sera susceptible de contrebalancer le régime commercial de l’OMC à condition qu’elle soit pourvue d’un statut universel. 
Notons d’ailleurs que le GATS (General Agreement of Trade in Services) reconnaît explicitement la compétence de l’OMC en matière de commerce des produits et services audiovisuels et ces derniers ne sont pas exclus du champ de négociation de façon permanente.

Jusqu’à présent, vingt-six membres de l’OMC – en majorité des pays en développement – se sont déjà prononcés pour être soumis à certaines restrictions dans le secteur de l’audiovisuel(17) (18) . De plus, comme le souligne Christophe Germann, la CDEC sera susceptible de contrebalancer le régime commercial de l’OMC à condition qu’elle soit pourvue d’un statut universel. Cependant, compte tenu du fait que les États-Unis n’ont pas l’intention de ratifier la CDEC, étant donné leur opposition lors des négociations, celle-ci devient un instrument ambigu vis-à-vis des accords commerciaux.
 
D’un autre côté, l’étendue des mesures reconnues par la CDEC, en vue de protéger et promouvoir la diversité culturelle, apparaît vaste. Le texte de la CDEC laisse à chaque partie le droit de recourir ou non à un certain type de mesure plutôt qu’à un autre, ou d’y recourir à un degré plus ou moins grand. Celle-ci prévoit une série de droits et d’incitations pour les États parties, qui tendent à leur donner la flexibilité pour choisir les mesures qu’ils considèrent les plus adaptées à leurs ressources financières et institutionnelles, les plus légitimes face à leurs engagements internationaux et les plus appropriées vis-à-vis de leurs contextes nationaux(19) (20) .D’ailleurs, la CDEC précise que les mesures doivent s’appliquer « de manière appropriée », garantissant le besoin d’ouverture et de pluralité du marché culturel, dans le sens où une mesure « disproportionnée » peut nuire à la diversité des expressions culturelles.
 
La question des politiques appropriées pour la diversité culturelle devient alors fort compliquée dans les cas de systèmes quasi-imperméables sur le plan des produits culturels comme celui de la Chine, qui se fondent sur la mise en place de réglementations strictes. Peter S. Grant et Chris Wood font, quant à eux, la distinction entre les quotas positifs et négatifs. D’un côté, les quotas positifs, comme la directive européenne « Télévision sans frontières », sont d’ordre inclusif, et non exclusif (aucun contenu n’étant interdit). Ainsi, ils prétendent « donner aux auditoires un choix d’émissions ayant un certain contenu sous-représenté mais estimé, sans indûment limiter l’accès à d’autres émissions ». D’un autre côté, les règlements chinois limitant l’importation de films étrangers à 20 par année sont un exemple de quota négatif qui vise à interdire l’accès équitable à une expression culturelle diversifiée. Il s’agit d’« exclure les produits culturels étrangers beaucoup plus que cela n’est nécessaire pour faire place à l’expression culturelle locale »(21) .

Jusqu’à présent, les parties à la CDEC souhaitent renforcer l’adhésion massive à celle-ci et privilégier le consensus politique plutôt que dénoncer des politiques culturelles et des règlements stricts, comme ceux de la Chine, partie prenante à la CDEC, qui interdisent largement les échanges culturels équitables. Comme le montre le processus de la mise en œuvre de la CDEC(22) (23) , les parties cherchent moins l’affrontement politique que la prudence et évitent constamment de débattre de questions qui semblent être controversées. De ce fait, la condamnation de la Chine par l’OMC et l’ouverture imminente de son marché cinématographique au nom de la doctrine du libre-échange illustrent en grande partie une défaite de la CDEC et ses lacunes normatives face au régime de l’OMC. D’ailleurs, il s’avère que les normes que la CDEC contient n’établissent pas d’obligations contraignantes et par conséquent ne réduisent pas particulièrement l’écart entre les prescriptions de la CDEC et la pratique des parties, autrement dit, entre ce que les acteurs sont censés faire et ce qu’ils font en réalité. 

La force incontournable de la machine hollywoodienne

 

 Les majors exercent constamment leur pouvoir matériel et symbolique dans les secteurs audiovisuels nationaux grâce au déploiement de stratégies dynamiques tant politiques que socioéconomiques. 
Sur le plan économique, Hollywood est aujourd’hui le premier exportateur de films au monde. Malgré des rivalités commerciales quant aux succès de leurs propres films, les majors hollywoodiennes sont reliées par un langage filmique commun et par des interdépendances stratégiques. Les majors exercent constamment leur pouvoir matériel et symbolique dans les secteurs audiovisuels nationaux grâce au déploiement de stratégies dynamiques tant politiques que socio-économiques. Elles disposent d’un savoir-faire inégalé, des stratégies de distribution mondiales, ainsi que d’une capacité de financement et d’innovation unique(24) (25) . D’un côté, elles sont les véritables producteurs d’un film-monde, suscitant des évènements destinés à tous les pays et à tous les publics ; d’un autre, elles disposent de réseaux de distribution puissants et d’une organisation représentative au plan mondial : la MPAA(26) (27) .

Hollywood accapare au moins 90 % des recettes domestiques, alors que la part de ses recettes venant de l’exportation ne fait que croître, devenant majoritaire dans les revenus des majors hollywoodiennes. Le film hollywoodien demeure également un produit clé pour les supports électroniques (vidéo, télévision). Il réussit à s’imposer dans de nombreux pays « pas comme un cinéma national étranger, mais comme le cinéma »(28) (29) . Il s’avère que la machine hollywoodienne ne détruit pas nécessairement les autres cinématographies nationales, mais la puissance de son langage filmique et son omniprésence tendent à accoutumer une grande partie des spectateurs du monde entier.
 
Depuis le milieu des années 1990, les recettes du film hollywoodien en salles sur le marché extérieur ont dépassé les recettes sur le marché intérieur – qui comprend les États-Unis et le Canada. Entre 1995 et 2011, la part des films hollywoodiens dans les marchés cinématographiques européens oscille entre 60 % et 75 %.

De plus, le bouleversement économique et politique issu de la chute du bloc communiste et de la globalisation financière a permis à Hollywood d’accéder de façon dynamique et permanente à un grand nombre de marchés quasi-fermés auparavant, comme la Corée du Sud, le Vietnam, la Russie, la Chine et les pays d’Europe de l’Est. Ainsi, les recettes du marché cinématographique mondial, hors des États-Unis et du Canada, se trouvent en pleine expansion depuis cinq ans ; elles représentent 69 % du marché mondial et elles ont augmenté de 30 % depuis 2007, atteignant environ 22,4 milliards $ en 2011 contre 16,6 milliards $ en 2007. Les recettes internationales des majors atteignent, quant à elles, 13,5 milliards $ en 2011, contre 12,7 milliards $ en 2010.
 Le marché des États-Unis est quasi-imperméable aux produits audiovisuels étrangers. 
Cette suprématie paraît d’autant plus considérable, puisque le marché des États-Unis est quasi-imperméable aux produits audiovisuels étrangers.

Durant les quinze dernières années et à part certaines exceptions filmiques qui ont récolté un bon nombre d’entrées (Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, La marche de l’empereur, Das Leben der Anderen, Ponyo), la part du film étranger dans le marché cinématographique américain est restée extrêmement infime, allant de 2,5 % à 9 %. De plus, la balance commerciale de l’industrie du cinéma américain est depuis longtemps positive, bien que les États-Unis souffrent d’un déficit commercial chronique. Les États-Unis exportent plus de produits audiovisuels qu’ils n’en importent et en 2009 ce surplus est monté à 11,7 milliards $, plus que « les surplus des télécommunications, du management/consulting et des secteurs légaux, médicaux, informatiques et des assurances »(30) .
 
En outre, les innovations technologiques et surtout la 3D et Imax deviennent l’apanage de l’industrie hollywoodienne pour consolider sa prépondérance et son ubiquité. Le film numérique est vu comme un renouvellement dynamique de la stratégie du « cinéma-monde »(31) menée par les majors depuis le début des années 1980. En réalité, la machine hollywoodienne est pourvue d’une capacité incontestable de se réinventer et s’adapter à des transformations économiques et industrielles.
 Les innovations technologiques et surtout la 3D et Imax deviennent l’apanage de l’industrie hollywoodienne pour consolider sa prépondérance et son ubiquité. 
Le « film numérique » s’inscrit alors comme une réponse d’Hollywood aux problématiques du piratage numérique et physique qui affecte largement les profits et les activités de l’industrie. Reposant sur les technologies les plus récentes, les films numériques se démarquent de la télévision et de l’ordinateur et ne peuvent être offerts que par les salles obscures pourvues des moyens techniques appropriés.

De plus, devant la flambée des coûts de production, les recettes liées à l’exportation et à la pénétration des nouveaux marchés émergents – dont la Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie – deviennent essentielles pour assurer la rentabilité des films à très haut budget comme Up (2009), Avatar (2009), Monsters vs. Aliens (2009), The Adventures of Tintin (2011), The Avengers (2012), Battleship (2012).
 
 
La CDEC et les politiques culturelles restent alors importantes pour les acteurs qui s’intéressent à préserver l’intervention publique en matière d’industries culturelles, mais elles sont probablement mal adaptées face aux stratégies de pénétration économique et culturelle des États-Unis, qui s’appuient sur des avantages comparatifs et le déséquilibre des échanges dans le domaine audiovisuel, sur la flexibilité et les métamorphoses des grands conglomérats de multimédia, ainsi que sur un protectionnisme diffus du marché américain.
 
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Crédits photos :
- Image principale : Remko Tanis / flickr
- Affiche Iron Man 2 dans un cinéma de Hong Kong - dcmaster / Flickr
 

RÉFÉRENCES

Joel AUGROS, Kira KITSOPANIDOU, L’économie du cinéma américain : histoire d’une industrie culturelle et de ses stratégies, Paris, Armand Collin, 2009.
 
Christoph BEAT GRABER, « The New UNESCO Convention on Cultural Diversity : A Counterbalance to the WTO ? », Journal of International Economic Law, vol. 9, n°3, 2006, p. 559.
 
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OMC, Chine-Mesures affectant les droits de commercialisation et les services de distribution pour certaines publications et certains produits de divertissement audiovisuels, Genève, 2009.
 
Christine PERRIN, Le marché cinématographique chinois et la situation du cinéma français, Unifrance, 6 avril 2009.
 
Martin ROY, « Audiovisual Services in the Doha Round. ‘Dialogue de sourds’, the Sequel ? », Journal of World Investment & Trade, vol. 6, n°6, 2005, pp. 929-930.
 
UNESCO, Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, Paris, 2005.
 
Antonios VLASSIS, « La mise en œuvre de la Convention sur la diversité des expressions culturelles : portée et enjeux de l’interface entre le commerce et la culture », Études internationales, vol. 42, n°4, décembre 2011, pp. 493-501.
    (1)

    Peter S. GRANT, Chris WOOD, Le marché des étoiles : Culture populaire et mondialisation, Montréal, Les Éditions de Boreal, 2004, p. 261. 

    (2)

    Peter S. Grant, Chris Wood, Le marché des étoiles : Culture populaire et mondialisation, Montréal, Les Éditions de Boreal, 2004, p. 261.

    (3)

    Cité dans Pierre-Jean BENGHOZIi, Christian DELAGE (dir.), Une histoire économique du cinéma français, 1895-1995, Regards franco-américains, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 18.

    (4)

    Cité dans Pierre-Jean Benghozi, Christian Delage (dir.), Une histoire économique du cinéma français, 1895-1995, Regards franco-américains, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 18. 

    (5)

    Joel AUGROS, Kira KITSOPANIDOU, L’économie du cinéma américain : histoire d’une industrie culturelle et de ses stratégies, Paris, Armand Collin, 2009, pp. 226-277 ; Christine PERRIN, Le marché cinématographique chinois et la situation du cinéma français, Unifrance, 6 avril 2009 ; Media Consulting Group, The Potential for Cultural Exchanges between the European Union and Third Countries : The Case of China, European Parliament, Directorate General for Internal Policies, 2009.

    (6)

    Joel Augros, Kira Kitsopanidou, L’économie du cinéma américain : histoire d’une industrie culturelle et de ses stratégies, Paris, Armand Collin, 2009, pp. 226-277 ; Christine Perrin, Le marché cinématographique chinois et la situation du cinéma français, Unifrance, 6 avril 2009 ; Media Consulting Group, The Potential for Cultural Exchanges between the European Union and Third Countries : The Case of China, European Parliament, Directorate General for Internal Policies, 2009. 

    (7)

    OMC, Chine-Mesures affectant les droits de commercialisation et les services de distribution pour certaines publications et certains produits de divertissement audiovisuels, Genève, 2009. 

    (8)

    Voir Rostam J. NEUWIRTH, « The ‘Culture and Trade Debate’ Continues : The UNESCO Convention in Light of the WTO Reports in China Publications and Audiovisual Products : Between Amnesia or Deja Vu ? », Journal of World Trade, vol. 44, n°6, pp. 1333-1356. 

    (9)

    Voir Rostam J. Neuwirth, « The ‘Culture and Trade Debate’ Continues : The UNESCO Convention in Light of the WTO Reports in China Publications and Audiovisual Products : Between Amnesia or Deja Vu ? », Journal of World Trade, vol. 44, n°6, pp. 1333-1356. 

    (10)

    Claudine MULARD et Harold THIBAULT, « Hollywood à la conquête de l’Est », Le Monde, 20 février 2012 ; Rachel ABRAMS, « China’s film quota cracked », Variety, 20 février 2012. 

    (11)

    Claudine MULARD et Harold THIBAULT, « Hollywood à la conquête de l’Est », Le Monde, 20 février 2012 ; Rachel ABRAMS, « China’s film quota cracked », Variety, 20 février 2012.@. 

    (12)

    Claudine Mulard et Harold Thibault, « Hollywood à la conquête de l’Est », Le Monde, 20 février 2012 ; Rachel Abrams, « China’s film quota cracked », Variety, 20 février 2012. 

    (13)

    Hormis le marché nord-américain, les dix plus grands marchés en termes de recettes dans le monde entier sont : Japon (2,3 milliards $), Chine (2 milliards $), France (2 milliards $), Royaume-Uni (1,7 milliard $), Inde (1,4 milliard $), Allemagne (1,3 milliard $), Russie (1,2 milliard $), Australie (1,1 milliard $), Corée du Sud (1,1 milliard $), et Italie (0,9 milliard $).

    (14)

    Andrew STEWART, « Hollywood B.O. rides o’seas boom », Variety, 14 janvier 2012 ; MPAA, Theatrical market statistics, 2010 ; MPAA, Global Box Office Climb Continues in 2011, Washington DC, 22 mars 2012. 

    (15)

    Andrew Stewart, « Hollywood B.O. rides o’seas boom », Variety, 14 janvier 2012 ; MPAA, Theatrical market statistics, 2010 ; MPAA, Global Box Office Climb Continues in 2011, Washington DC, 22 mars 2012. 

    (16)

    Voir les articles 20 et 21 de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO. 

    (17)

    Martin ROY, « Audiovisual Services in the Doha Round. ‘Dialogue de sourds’, the Sequel ? », Journal of World Investment & Trade, vol. 6, n°6, 2005, pp. 929-930. 

    (18)

    Martin Roy, « Audiovisual Services in the Doha Round. ‘Dialogue de sourds’, the Sequel ? », Journal of World Investment & Trade, vol. 6, n°6, 2005, pp. 929-930.  

    (19)

    Christoph BEAT GRABER, « The New UNESCO Convention on Cultural Diversity : A Counterbalance to the WTO ? », Journal of International Economic Law, vol. 9, n°3, 2006, p. 559.

    (20)

    Christoph Beat Graber, « The New UNESCO Convention on Cultural Diversity : A Counterbalance to the WTO ? », Journal of International Economic Law, vol. 9, n°3, 2006, p. 559. 

    (21)

    Peter S. GRANT, Chris WOOD, Le marché des étoiles : Culture populaire et mondialisation., 2004, p. 261. 

    (22)

    Antonios Vlassis , « La mise en œuvre de la Convention sur la diversité des expressions culturelles : portée et enjeux de l’interface entre le commerce et la culture », Études internationales, vol. 42, n°4, décembre 2011, pp. 493-501. 

    (23)

    Antonios Vlassis ,« La mise en œuvre de la Convention sur la diversité des expressions culturelles : portée et enjeux de l’interface entre le commerce et la culture », Études internationales, vol. 42, n°4, décembre 2011, pp. 493-501. 

    (24)

    Josépha LAROCHE, Alexandre BOHAS, Canal+ et les majors américaines, une vision désenchantée du cinéma-monde, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 59. 

    (25)

    Josépha Laroche, Alexandre Bohas, Canal+ et les majors américaines, une vision désenchantée du cinéma-monde, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 59. 

    (26)

    Nolwenn MINGANT, Hollywood à la conquête du monde. Marchés, stratégies, influences, Paris, CNRS Editions, 2010. 

    (27)

    Nolwenn Mingant, Hollywood à la conquête du monde. Marchés, stratégies, influences, Paris, CNRS Editions, 2010. 

    (28)

    Laurent CRETON, Cinéma et marché, Paris, Armand Colin, 1997, p. 106. 

    (29)

    Laurent Creton, Cinéma et marché, Paris, Armand Colin, 1997, p. 106. 

    (30)

    MPAA, The Economic Contribution of the Motion Picture & Television Industry to the United States, 2011 ; MPAA, Theatrical Market Statistics, 2010. 

    (31)

    Durant les années 1970, l’industrie hollywoodienne est menacée par le succès croissant de la télévision et de la vidéo aux États-Unis. Le « cinéma-monde » est une nouvelle stratégie conçue par les majors et repose sur trois piliers : d’abord, l’avènement d’un nouveau produit. Il s’agit du film-monde, à la fois film événement et film universel, destiné à tous les publics et tous les pays ; ensuite, les majors adoptent une approche mondiale du marché nécessaire à l’amortissement de ces nouvelles superproductions ; enfin, les majors sont obligées de renoncer à leur autonomie afin d’établir une union étroite avec des groupes conglomérats sur la base d’une concertation horizontale centrée autour des activités des loisirs. Face à la concurrence de la télévision, l’offensive du cinéma-monde est principalement centrée sur la tentative de rompre la liaison forte spectateur-télévision. L’essentiel consiste à mettre en œuvre une différenciation importante : le cinéma doit se distinguer par son caractère exceptionnel par rapport à la télévision. Voir Charles-Albert Michalet, Le drôle de drame du cinéma mondial, La Découverte, Paris, 1987. 

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