Cinéma : pourquoi il va falloir compter avec les pays du Golfe

Motivés par des raisons économiques et politiques, les pays du Golfe créent de toutes pièces leurs propres industries du cinéma.
Temps de lecture : 13 min

En 2012, le premier film réalisé par une femme saoudienne, Wadjda, a attiré l’attention sur une région du monde qui n’avait pas été jusque là associée au cinéma. Si une demi-douzaine de films sont tournés à Bahreïn et au Koweït dans les années 1970-1980, ce n’est qu’au milieu des années 2000 qu’apparaît une première vague de longs métrages issus des pays du Golfe avec L’aube (Khalid al-Zadjali, Oman), Des fils sous le sable (Khalifa al-Meraikhy, Qatar), Les ombres du silence (Abdullah al-Moheissein, Arabie Saoudite), A Dream (Hani al-Shaibani, EAU) et Un jour nouveau dans le vieux Sana’a (Bader Ben Hirsi, Yémen). Deux pays en particulier, les Émirats arabes unis et le Qatar, se lancent dans la création d’industries du cinéma ex nihilo. Face à des modèles comme l’Europe, les États-Unis ou l’Inde, où des industries du cinéma existent depuis le début du XXe siècle, les pays du Golfe adoptent une stratégie en plusieurs points.

L’enjeu des festivals de cinéma

La stratégie des pays du Golfe passe d’abord par la création de festivals internationaux de cinéma. Dubaï ouvre le bal en 2004 avec le Dubaï International Film Festival (DIFF). Il est suivi par Abu Dhabi en 2007 (Abu Dhabi Film Festival), puis le Gulf Film Festival(1) en 2008. Le Qatar quant à lui organise de 2009 à 2012 le Doha Tribeca Film Festival. Ces manifestations présentent les mêmes objectifs. Il s’agit d’abord de créer des lieux de diffusion pour les réalisateurs de la région afin d’encourager l’essor d’une production locale. Masoud Amralla Al Ali, fondateur du Gulf Film Festival, narre ainsi que pour la première édition, en 2001, les films proposés n’émanaient pas de professionnels mais d’amateurs et d’étudiants(2). Le deuxième enjeu est d’encourager la création d’une culture cinématographique, dont les effets à long terme seront l’augmentation du nombre d’emplois dans le secteur, mais également celle du nombre de spectateurs pour le cinéma local. Enfin, ces festivals ont un objectif d’ordre géopolitique : il s’agit pour ces pays de prendre leur place au sein de la communauté internationale du film, tant au niveau créatif qu’industriel. Le DIFF est ainsi renommé pour son marché du film. Le Dubaï Film Market (DFM), la « seule plateforme au Moyen-Orient consacrée au développement, à la production et la distribution du cinéma arabe », comme elle se définit, attire chaque année 1 700 visiteurs venant de 90 pays. Mais l’objectif dépasse la simple question du cinéma. Pour ces festivals, souvent organisés par l’État(3), les stars défilant sur les tapis rouges sont une façon d’attirer le regard du monde. Ils sont des facteurs de prestige et de rayonnement. Pour la chercheuse Caroline Piquet(4), l’investissement des pays du Golfe dans le cinéma est à mettre au même plan que celui dans le domaine de l’art (la foire Dubaï Art), des musées (les succursales du Louvre au Qatar), de l’architecture et du sport (l’équipe de football Paris St Germain et les fonds du Qatar). Il s’agit donc d’une stratégie « globale de marketing politique visant à affirmer la place des États du Golfe sur la scène régionale et internationale ».

 
Dubaï Film Festival (2013)
 
Créer de toutes pièces des festivals dans des pays sans culture du film et sans industrie cinématographique n’est cependant pas aisé et les EAU comme le Qatar se tournent pour cela vers des experts venus des pays occidentaux. Le Qatar s’associe ainsi avec le festival new-yorkais de Tribeca  pour créer son festival en 2009. Dans la dot de Tribeca, deux atouts : le prestige international et l’expérience. De fait, le Doha Tribeca Film Festival est mené par la journaliste américaine Amanda Palmer, tandis que la programmation est gérée par la Slovaque Ludmila Cvikova. Depuis 2012, il semble cependant que les pays du Golfe estiment que le transfert d’expertise a réussi : il est temps de reprendre la main. Le Doha Film Institute met fin à sa relation avec Tribeca Enterprises, tandis que Peter Scarlet (qui avait été le directeur artistique du Tribeca Film Festival) quitte la tête du Abu Dhabi Film Festival et est remplacé par son collègue Ali Al Jabri
 
Si les festivals du Golfe commencent à être reconnus, on peut souligner certaines de leurs limites. Première limite, malgré l’objectif affiché de création d’une culture cinématographique, il existe une césure entre le monde des festivals et celui de l’exploitation commerciale. Ainsi, en 2007, le film Persepolis qui reçoit le Prix du public lors du Middle East International Film Festival (aujourd’hui nommé Abu Dhabi Film Festival), se voit refuser la sortie en salles par le comité de censure de l’émirat(5). Tablant sur le fait que les festivals ne touchent qu’un public limité, les comités de censure laissent en effet passer en version non-censurée des films qu’ils vont ensuite couper, parfois lourdement, lors du passage en salles. Comment concilier alors éducation au cinéma et déformation des œuvres ?
 Comment concilier alors éducation au cinéma et déformation des œuvres ? 
La deuxième limite dans cette stratégie des festivals est la concurrence forte qui existe entre les différentes manifestations. Ainsi en 2012, le Abu Dhabi Film Festival, le Doha Tribeca Film Festival et le DIFF se sont succédés, entre mi-octobre et mi-décembre. Faut-il imputer la fin du Doha Tribeca Film Festival à cet effet de cannibalisation ? Toujours est-il que le Doha Film Institute organise désormais deux festivals : le Ajyal Film Festival a lieu en novembre, mais marque sa différence car il est consacré aux films pour la jeunesse ; le Qumra Film Festival consacré aux courts et longs métrages aura lieu quant à lui en mars 2014. Enjeux symboliques nationaux, régionaux et internationaux, ces festivals ne sont cependant qu’une pierre dans l’édifice que les pays du Golfe s’efforcent de construire.

Des cités du cinéma

Au-delà des rendez-vous annuels de cinéma, les Émirats visent également à l’installation pérenne de structures industrielles. Deux pôles ont ainsi été créés : Dubaï Media City, une zone franche consacrée aux technologies de l’information et des médias en 2001, et twofour54, une zone consacrée aux médias à Abu Dhabi, en 2008. Ces deux lieux comptent notamment développer leur activité économique en attirant les tournages de films étrangers. Face à la compétition d’autres lieux de production comme Londres ou Toronto, le Golfe a de nombreux atouts. Dubaï Media City vante ainsi son efficacité administrative (qui permet des tournages moins longs), ses paysages variés (qui peuvent représenter le monde arabe mais aussi l’Inde ou le Pakistan), la présence de nombreuses nationalités (pour la figuration), son absence de taxes et les plateaux de tournages de Dubaï Studios City. Twofour54 met en avant les faibles coûts de tournage, ses équipements ultramodernes, son soutien administratif, sa facilité d’accès(6). Si twofour54 attire les productions bollywoodiennes, et si le Qatar fait parler de lui avec le tournage du film Or noir du Français Jean-Jacques Annaud en 2011, c’est Dubaï qui atteint la reconnaissance internationale lorsque Tom Cruise escalade la tour Burj Khalifa dans le film Mission : Impossible – Protocole fantôme.

 
Locaux de la chaîne MBC (Dubaï Media Center)

Mais ces centres ne se dédient pas qu’au cinéma. En 2012, c’est la chaîne de télévision saoudienne MBC qui installe sa production de téléfilms dans les locaux de Dubaï Media City. Se fondant sur des modèles tels Hollywood et la Silicon Valley, les Émirats arabes unis cherchent à créer des « clusters », des pôles de compétitivité. Dubaï Media City fait en réalité partie d’un centre plus large, le TECOM Media Cluster, qui englobe également l’ International Media Production Zone et le Dubaï Studio City. Les autres émirats ne sont pas en reste et se proposent de devenir des concurrents sérieux tels Fujairah Creative City, Ras Al Kaimah Media Free Zone and Film City, ainsi que la zone Halley Media City d’Oman, gérée par des intérêts privés, sans compter la compétition de la Jordanie, de l’Égypte ou du Maroc. La bataille de l’image fait rage : Dubaï se présente comme la « Métropole » du Moyen-Orient, tandis qu’Abu Dhabi se targue d’être un « plaque tournante(7) des médias et du divertissement fait par des Arabes pour les Arabes »(8).
 
Le développement de cette activité économique fait partie d’une réflexion menée depuis les années 1980 sur la nécessité de préparer l’après-pétrole. Les pays du Golfe se lancent peu à peu dans une stratégie de diversification de leur activité économique vers des secteurs tels la pétrochimie, l’aluminium, la finance islamique et celui des technologies de l’information et de la communication. Le niveau de vie élevé au début des années 2000 favorise le développement d’une économie fondée sur les nouvelles technologies. Ces « media clusters » résultent donc d’une démarche volontariste de la part de l’État qui y voit une source de développement économique : non seulement les entreprises installées et les tournages étrangers créent de l’emploi pour une population majoritairement jeune, mais les films tournés dans la région créent également un élan pour le secteur du tourisme.
 
Bien que les États y mettent de conséquents moyens, le développement de ces cités médiatiques ne se fait pas sans difficultés. Un problème apparaît notamment de façon cruciale : le manque de personnel qualifié. Un livre blanc de 2013 commandité par la Dubaï Film and TV Commission note ainsi que si le personnel local a permis jusqu’ici d’assurer l’activité économique, il sera rapidement insuffisant. Or leur existence est capitale. En effet, si les producteurs étrangers apportent dans leur bagages les personnels créatifs (réalisateurs, acteurs), ils comptent bien trouver sur place tout les techniciens nécessaires. Les auteurs du rapport proposent ainsi de faciliter l’obtention de visa pour les personnels étrangers travaillant en freelance. La question de l’éducation et de la formation technique est donc fondamentale si ces centres souhaitent perdurer. En 2009 twofour54 agit dans ce sens en créant la Tareeb Training Academy, le premier centre de formation professionnelle aux médias dans la région. Des cours sont proposés dans les domaines de la télévision, de la radio, du journalisme, des technologies de la diffusion, de la communication et des relations publiques, du web design, de l’animation, des jeux vidéo et des nouvelles technologies. Là encore, le développement s’appuie sur un système de transfert des connaissances. L’académie est fondée en partenariat avec la BBC. En 2010, c’est en partenariat avec Turner Broadcasting Systems Arabia, une filiale de l’Américain TBS (Time Warner), qu’est lancée la Cartoon Network Animation Academy qui propose des sessions dispensées par des experts de chez Turner Studios, mais également Warner Bros Animation ou encore Disney.
 
Si les Émirats arabes unis s’efforcent ainsi de prendre leur place dans l’industrie mondiale du cinéma, ils n’en gardent pas moins leur spécificité locale. Mais le conservatisme culturel qui caractérise la région peut s’avérer un obstacle, notamment lorsque les pays tentent d’attirer les productions étrangères. Ainsi le film Sex and the City 2 (2010) dont l’action se situe à Abu Dhabi a été tourné… au Maroc. Difficile en effet de tourner sur place un film osé centré sur quatre femmes aux tenues légères et au parlé cru. Par ailleurs, même les films tournés dans la région peuvent rencontrer des problèmes de distribution commerciale. C’est le cas de Syriana (2005). Bien que le script ait été approuvé au moment du tournage de certaines scènes à Dubaï, le comité de censure a réclamé pour le passage en salles que soient coupées deux minutes montrant les conditions de vie difficile des travailleurs immigrés dans la région. Selon la journaliste Samah Ahmed, si de tels cas se mettaient à devenir fréquents à Abu Dhabi, le centre perdrait de son attractivité, en dépit de ses autres atouts(9).

Un secteur de l’exploitation en pleine croissance

Un dernier élément participe au développement des industries du cinéma dans le Golfe, qui n’est pas dans les mains de l’État : le secteur de l’exploitation. Alors que dans les années 1970, les pays du Golfe n’avaient pas de salles de cinéma, la région a participé depuis la fin des années 1990 à la vague de construction de multiplexes qui a touché le reste du monde. Ce secteur a notamment été développé sous l’impulsion des exploitants libanais réfugiés dans le Golfe au cours de la guerre civile des années 1980. Ce secteur explose à partir du début des années 2000. La plus grande chaîne est actuellement Grand Cinemas. Créée en 2000 par le rachat d’anciens circuits, Grand Cinemas est la branche exploitation de la société de distribution Gulf Film créée en 1989(10). Elle introduit des innovations tels le billet électronique, une application mobile avec la programmation ou la technologie 3D RealD. La chaîne compte aujourd’hui une douzaine de multiplexes à Abu Dhabi, Sharjah, Dubaï, Ras al Khaima, et Al Ain. Ces cinémas étant en général situés dans des malls, les opérateurs des grands centres commerciaux de la région commencent également à s’impliquer dans le secteur tel Reel Cinemas au Dubaï Mall et au Dubaï Marina Mall. Dans les années à venir, ces exploitants comptent développer les marchés voisins : le Qatar, le Koweït et Oman. La chaîne omanaise Cinema City a ainsi actuellement 22 écrans répartis sur 7 cinémas. Dans le contexte d’une société conservatrice où l’alcool est interdit et les boîtes de nuit inexistantes, le cinéma est le choix de divertissement privilégié de la population. Selon un distributeur de la région, les Koweïtiens iraient au cinéma trois fois par semaine. Les cinémas ultra-modernes du Golfe proposent alors de faire de chaque séance une expérience unique. Sachant le public local friand de nouvelles technologies, ils offrent la 3D, la qualité THX sur son et de l’image, et bientôt la 4D. Il existe également des cinémas IMAX aux Émirats arabes unis, au Qatar, à Bahreïn et au Koweït. Les exploitants inventent aussi d’attrayantes formules VIP. Les Platinum Movie Suite de Reel Cinemas proposent des sièges inclinables en cuir souple, des oreillers et des couvertures, un service de restauration à la place. La chaîne Vox qui propose cinq types d’expériences VIP, avec salons privés, restauration et technologies 3D et 4D. Aller au cinéma dans les pays du Golfe est un divertissement attrayant mais coûteux, avec des billets de 6 à 24 euros. La croissance exponentielle du secteur de l’exploitation profite cependant principalement aux films hollywoodiens à gros budgets.

 La croissance exponentielle du secteur de l’exploitation profite cependant principalement aux films hollywoodiens à gros budgets. 
Des films tels Avatar (2009) participent en effet du même esprit d’« expérience », au sens anglais du terme. Selon les distributeurs de la région, ce sont ainsi les films d’action et les films d’animation qui sont les plus plébiscités. Si les films américains attirent la clientèle des élites fortunés et des nombreux expatriés occidentaux, les films bollywoodiens trouvent un public chez les expatriés venus du continent asiatique qui fréquentent des cinémas souvent de seconde classe. Le développement du secteur de l’exploitation est bénéfique pour l’économie du pays, mais il fait en définitive  peu de place aux films locaux. Un seul cinéma d’art et essai existe dans les Émirats arabes unis, le PictureHouse (Reel Cinemas) du Dubaï Mall.

Une production régionale encore minime

La production de films nationaux dépend de la présence d’une infrastructure, des studios de tournage aux salles de cinéma, mais également de la capacité à trouver des financements. Traditionnellement, les réalisateurs du monde arabe se sont tournés vers l’Europe et des programmes tels le Oasis Film Fund, lié au Twickenham Film Group de Londres, ou le Fonds Eurimages.
 Un des enjeux de la création d’industries nationales du cinéma dans le Golfe est donc de se défaire de cette dépendance au Nord.  
Un des enjeux de la création d’industries nationales du cinéma dans le Golfe est donc de se défaire de cette dépendance au Nord. Parallèlement à la création des festivals de cinéma, les EAU et le Qatar mettent donc en place à partir de 2009 des systèmes de soutien à la production : le MENA Grant programme du Doha Film Institute(11), le fonds de financement du festival d’Abu Dhabi (SANAD), la Shasha Grant de l’Abu Dhabi Film Commission ou encore le programme Enjaaz du Dubaï Film Festival. Ces bourses sont ouvertes aux réalisateurs, producteurs et scénariste locaux, mais plus généralement à tous ceux originaires du monde arabe. En termes de financement, il s’agit donc d’une logique plus régionale que nationale. Deux raisons peuvent être avancées : le fait qu’aucun pays individuellement ne peut fournir une production assez importante et le désir de créer des solidarités régionales.
 
Par ailleurs, les festivals offrent des aides « en nature » en créant des ateliers de formation. Le Dubaï International Film Festival a ainsi un accord avec le TorinoFilmLab (organisme dépendant du Festival du film de Turin), l’EAVE (le réseau des entrepreneurs européens de l’audiovisuel) et MEDIA Mundus pour le programme Interchange. Celui-ci propose gratuitement à 10 tandems réalisateur/scénariste et producteur d’être suivis dans le développement de leur projet par des professionnels majoritairement européens. Au fil de plusieurs sessions, à Dubaï, à Turin ou en ligne, les candidats sélectionnés sont formés sur des thèmes tels le développement du script, les stratégies de co-production internationale, ou encore l’art de présenter son projet (le pitch). On décèle dans ces formations les mêmes logiques que dans la Tadreeb Training Academy de twofour54 : une approche pratique plus que théorique pour une efficacité immédiate  et un processus de transfert de connaissances de l’Europe vers les professionnels du monde arabe. Ces programmes et bourses ont permis la production de films comme Après la bataille de l’Egyptien Yousry Nasrallah, Millefeuille du Tunisien Nouri Bouzid, Beyrouth Hotel de la Libanaise Danielle Arbib ou encore Wadjda de la réalisatrice saoudienne Haifaa Al-Mansour. Cependant, de nombreuses limitations restent encore à résoudre, tant d’un point de vue financier qu’artistique. Bien qu’appelées bourses, les aides sont généralement des prêts que le producteur devra rembourser. Les professionnels insistent également sur l’insuffisance des aides qui ne permet pas une indépendance de la production par rapport aux financements du « Nord ». Autre problème : pour être sélectionnés, les réalisateurs doivent adapter leur projet, par exemple en censurant eux-mêmes les éléments sensibles ou en orientant le sujet pour plaire à un public européen et obtenir une co-production.
 
À côté de ces financements officiels, les producteurs et réalisateurs peuvent désormais se tourner vers d’autres solutions. En 2012, la consultante en médias Vida Rizq crée Aflamnah, le premier site de crowdfunding de la région. Ces financements peuvent se combiner avec des financements institutionnels. Ainsi, le documentaire Searching for Saris de la Palestinienne Jinan Coulter a été financé à la fois par Aflamnah et le programme Enjaaz, tandis que le documentaire The Brain that Sings de l’Émirati Amal Al-Agroobi s’est appuyé sur Aflmanah ainsi que twofour54. Les réalisateurs peuvent également se tourner vers la firme privée ImageNation. Si la branche internationale de l’entreprise finance plutôt des films hors du monde arabe (La Couleur des sentiments, Contagion, Men in Black 3), elle a créé une branche ImageNation Abu Dhabi qui finance depuis 2011 des œuvres commerciales spécifiquement à destination du public des émirats(12), tels le film d’horreur Djin (Tobe Hooper) et le drame Sea Shadow (Nawaf Al-Janahi)(13). Enclenché dans la première décennie du XXIe siècle, ces mécanismes de financement n’ont pas encore pu donner leur vraie mesure et la production régionale reste actuellement minime.
 
Le bilan actuel des efforts cinématographiques des pays du Golfe est en demi-teinte. Seuls deux pays semblent s’investir activement : les Émirats arabes unis et le Qatar. Si la production reste infime, ils font preuve d’un fort volontarisme et ont enclenché une vraie dynamique de croissance dans ce domaine. Nés dans les années 1970 et longtemps considérés comme de lointains États-rentiers, ces pays veulent maintenant prendre toute leur place dans le concert des nations. C’est donc poussé à la fois par une volonté de visibilité politique et la nécessité d’une diversification de leur économie que ces pays tentent aujourd’hui de se transformer en « media hubs ». Dans le Golfe, le cinéma a les mêmes dimensions multiples qu’ailleurs : c’est un art, une industrie et une arme culturelle. Mais contrairement à la France qui insiste depuis toujours sur le premier point, les pays du Golfe axent leurs stratégies sur les facettes industrielles et diplomatiques, créant ainsi un modèle de naissance d’une industrie cinématographique qui leur est propre.

Références

Roy ARMES, Arab Filmmakers of the Middle East : A Dictionary, Bloomington : Indiana University Press, 2010.
 
Caroline PIQUET, Les Pays du Golfe de la perle à l’économie de la connaissance : les nouvelles terres du libéralisme, Paris : Armand Colin, 2013.
 
Jeff YOUSSEF, Karen PIANE, Opportunities and Challenges in the Middle East and North Africa Media Production Market, rapport rédigé pour la Dubai Film and TV Commission, 2013.
 
Crédits photos :
-Visuel principal : vue de Doha ( Doha Sam / Flickr)
- Dubaï Film Festival 2013 (visuels presse)
- Dubaï Media Center (visuels presse)

(1)

Créé en 2001, le festival indépendant Gulf Film Festival est absorbé en 2010 par le Abu Dhabi Film Festival. Il en devient la section Emirates Film Competition. 

(2)

Dima Alzayat, « When Emirati filmmaking became the norm », Variety Arabia, Avril 2012, 36. 

(3)

Le Abu Dhabi Film Festival et le Gulf Film Festival sont sous la responsabilité directe de l’État. Le DIFF est sous le patronage de son excellence le Cheik Mohammed Bin Rashid Al Maktoum, Vice-président des Émirats arabes unis et Premier ministre de Dubaï. 

(4)

Caroline Piquet, Les Pays du Golfe de la perle à l’économie de la connaissance, Paris : Armand Colin, 2013, 136 

(5)

Le film sortira finalement, mais avec 4 mois de retard sur la date prévue. 

(6)

Badar Salem, « Dubai’s Persistence starts to bear fruits », Samah Ahmed, « Abu Dhabi : Moving Forward, fast », Variety Arabia, May 2012. 

(7)

En anglais « hub ». 

(8)

Jeff Youssef, Karen Piane, Opportunities and Challenges in the Middle East and North Africa Media Production Market, rapport rédigé pour la Dubai Film and TV Commission, 2013, p.10. 

(9)

Samah Ahmed, « Abu Dhabi : Moving Forward, fast », Variety Arabia, Mai 2012. 

(10)

Gulf Film et Grand Cinemas ont été rachetés en Qatar Media Services en 2012. 

(11)

Le Doha Film Institute a également mis en place un programme de co-financement. Pour un aperçu des projet soutenus par les bourses 

(12)

Badar Salem, « Film Financing in the Region : The more, the better, » Variety Arabia, Octobre 2012, 20-22. 

(13)

Diana Lodderhose, « Imagenation rebrands, restructures », Variety.com, 3 octobre 2011. 

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