Charlie et ses confrères : « - Je t’aime ! - Moi non plus »

Charlie et ses confrères : « Je t’aime ! - Moi non plus. »

Comment les journaux français se sont-ils positionnés vis à vis de Charlie Hebdo à partir de 2006, date à laquelle il publia les caricatures parues dans le journal danois Jyllands Posten ? Quel positionnement ont adopté, pour leur part, les journaux anglo-saxons ?  

Temps de lecture : 10 min

Charlie Hebdo possède nativement dans son ADN le sens de la provocation. Impossible donc d’imaginer des débats autour de sa ligne éditoriale sans passion. Par ses caricatures (qui forcent le trait), par ses positions militantes (il rassemble toutes les sensibilités de la gauche) et par un goût des sujets qui fâchent (singulièrement le Front national ou les religions) cet hebdomadaire a déclenché depuis 2006 plusieurs vives polémiques allant jusqu’aux menaces de mort, mises à… exécution le 7 janvier 2015.

Charlie Hebdo a, depuis 2006, subi de graves accusations d’être « raciste » et « islamophobe » car « obsédé par l’Islam ». Le Monde offrit une longue tribune à son directeur, Charb, pour les récuser : « L'antiracisme et la passion de l'égalité entre tous les humains sont et resteront le pacte fondateur de Charlie Hebdo » (21 novembre 2013).
 
L’autre angle d’attaque en fait un journal « irresponsable », publiant des provocations quand il ne faut pas. Accusation que Charb balaya, dans une interview à Sud Ouest : « Si vous tenez compte du contexte, ce n'est jamais le bon moment pour publier des dessins déconnants sur une religion. […] On ne fait que commenter l'actualité et ça n'est pas le bon moment ? Alors je ne vois pas bien quand c'est le bon moment. […] En fait, il ne faut jamais rien faire. J'ai décidé, une bonne fois pour toute, de ne pas tenir compte du contexte » (22 septembre 2012).
 
Et, pour souligner l’inanité de ces critiques, l’hebdomadaire publia le 26 septembre 2012 une version « responsable » où l’essentiel de la pagination était composée de cadres vides et de pages blanches, pour signifier qu’un journal satirique « responsable », c’est-à-dire « aseptisé » est une ineptie. 
Tous ces choix éditoriaux ayant occasionné des réactions violentes, visant à intimider ou faire taire définitivement la rédaction, le débat autour de Charlie Hebdo donna lieu en France (avec un écho bien plus atténué à l’étranger)  à un débat sur la liberté de la presse. Nous présenterons ici un panorama de ces prises de position.
 Charlie Hebdo n'est pas dans la défense de la liberté d'expression. 
Retour d’autant plus indispensable que des membres (ou anciens) de la rédaction de Charlie Hebdo ont mis en accusation certains de leurs confrères critiques (mais aussi des hommes politiques ou des intellectuels) en soulignant que leurs véhémentes dénonciations avaient donné raison aux pires adversaires du journal et créé un climat propice aux attaques. Citons trois exemples :
  1. Dans une tribune pour Libération, le politologue Vincent Geisser (20 septembre 2012) écrivit avec un sens aiguisé de la nuance : « Charlie Hebdo n'est pas dans la défense de la liberté d'expression. Il ne fait que tomber à pieds joints dans le piège de ce débat identitaire et binaire, j'y vois une forme de salafisme laïc ! [...] Charlie Hebdo ne cherche qu'à imposer sa pureté laïque en traitant tous les autres de fanatiques ».
  2. Le Nouveau Parti Anticapitaliste d’Olivier Besancenot alla jusqu’à traiter cet hebdomadaire clairement gauchiste, de réactionnaire : « À sa manière, Charlie Hebdo participe à l'imbécillité  réactionnaire du choc des civilisations » (20 septembre 2012). Le même jour, Daniel Cohn-Bendit, ancien leader de mai 68 (atteint d’amnésie ?), qualifia sur RMC les dirigeants du journal, de « cons » et de « masos », en affirmant : « Ils répondent à des cons musulmans, certes, mais il ne faut pas me dire qu'il n'y a pas de limites dans la provocation, ce n'est pas vrai ».
  3. Un collectif, composé en autres d’Alain Gresh du Monde diplomatique, évoque « une voie dangereuse », « celle d'accuser les critiques de Charlie Hebdo d'être, plus ou moins directement, responsables des morts du 7 janvier ». Et de citer Jeannette Bougrab : « À force de les pointer du doigt, de dire qu'à Charlie Hebdo ils sont des islamophobes, qu'ils détestent l'islam (...) bien sûr qu'ils sont coupables ». Puis Alain Gresh rétorque : « Ces attaques cherchent à nous enfermer tous dans des choix binaires (pour Charlie Hebdo ou pour les terroristes), à criminaliser ceux qui se mobilisent contre l'islamophobie, ceux qui ont critiqué l'hebdomadaire satirique, en le traitant de complice des assassins » (Le Monde, 16 janvier 2015).
     
Dans ce climat tendu, faisons retour sur la chronologie des faits puis sur les positions défendues dans la presse écrite française.

Chronologie des faits

Le 8 février 2006, l’hebdomadaire consacre son édition aux caricatures de Mahomet avec un dessin de Cabu en une où le prophète en pleurs face aux intégristes se désespère « d’être aimé par des cons ». Il agit par solidarité et défi, au nom de la liberté de caricaturer, en republiant les douze caricatures de Mahomet parues dans le quotidien danois Jyllands Posten et qui donnent lieu à un déchaînement mondial de violences.

En France, plusieurs associations musulmanes intentent un procès pour « injure aux musulmans » qui se déroula en février 2007. Le journal est relaxé en première instance et en appel, en septembre 2008. Les tribunaux affirment que les dessins visaient « non l'ensemble de la communauté musulmane », mais « clairement une fraction », à savoir les terroristes et les intégristes.
 
 Le 2 novembre 2011, malgré les menaces récurrentes dont il fait l'objet de la part des islamistes, l’hebdomadaire publie un numéro spécial rebaptisé Charia Hebdo, avec Mahomet comme rédacteur en chef pour célébrer la victoire du parti islamiste Ennahdha en Tunisie, et la promesse : « 100 coups de fouet à qui n’est pas mort de rire ». Le lendemain, les locaux du journal brûlent suite à une attaque au cocktail molotov, et son site internet est piraté.
 Les locaux du journal brûlent suite à une attaque 
Le 19 septembre 2012, apparaissent en une, un rabbin et un imam, dont le journal se demande s’ils sont « intouchables », alors que l’anticléricalisme est constitutif de leur ligne éditoriale. Des associations musulmanes portent de nouveau plainte, le Conseil représentatif des institutions juives de France parle « d'irresponsabilité » et Jean-Marc Ayrault, premier ministre, exprime sa « désapprobation face à tout excès ». Dans les milieux intégristes, on appelle à la vengeance.
 
Fin 2013, dans un clip qui accompagne la sortie du film La Marche (des beurs), le rappeur Nekfeu réclame « un autodafé contre ces chiens de Charlie Hebdo ». Appel au meurtre que dénonce la rédaction dans un communiqué, disant son « effarement » face à « la violence des paroles » (25 novembre 2013).
Puis survient le massacre du 7 janvier 2015.

Réactions dans la presse française

D’un côté, on trouve une partie de la presse qui a toujours soutenu l’hebdomadaire satirique face aux difficultés, par affinité idéologique (Libération, Marianne ou l’Humanité, surtout) ou par principe, celui de la défense vaille que vaille de la liberté de la presse. À l’autre bout du spectre, on trouve des critiques, plus ou moins virulentes. Entre les deux, une majorité des journaux oscille, au gré des circonstances, et/ou s’essaie à une position médiane.

 La liberté d'expression ne souffre pas l'exception 
Dans un éditorial de La Charente Libre, « Charlie et la morale des Munichois » (20 septembre 2012) il est stipulé que « La seule limite de la liberté d'expression dans une République laïque et démocratique, c'est la loi. Elle vaut pour le journal satirique Charlie Hebdo, pas plus, pas moins. En publiant hier des caricatures de Mahomet, le prophète des Musulmans, Charlie n'a pas outrepassé le droit, n'a pas troublé l'ordre public, n'a pas incité à quelque haine ou discrimination ». Déjà en 2011, lors de l’incendie criminel de l’hebdomadaire, ce journal s’indignait : « Liberté au bûcher » (3 novembre 2011). Rémi Godeau (L’Est républicain) est formel : « La liberté d'expression ne souffre pas l'exception ». « Seule la loi de tous peut mettre le holà à ce droit fondamental. Pas les fondamentalistes » (20 septembre 2012). Le même jour, Olivier Berger dans La Voix du Nord, est tout aussi ferme : « La liberté d'expression n'a qu'une limite, celle des règles du droit. Point. Est-ce si compliqué à comprendre ? ».
 
De l’autre côté, les provocations de l’hebdomadaire satirique déclenchent des accusations fortes. Certains y voient une pure opération commerciale (faire polémique sur l’islam fait vendre). À propos du numéro spécial Charia Hebdo de 2011, le fondateur d’Arrêt sur images Daniel Schneidermann dénonce un triste coup de pub grossier : « Pas envie de faire de la pub à cette provocation pas drôle. La dénonciation de toutes les charias, les vraies, les fausses, les réelles, les imaginaires, est un fonds de commerce comme un autre. […] Il faut bien vivre ». Mais il va jusqu’à affirmer avec inconscience ou mauvaise foi que cela se fait sans risque, minimisant la violence des fanatiques qui appelaient à la mort du journal : « C'est un placement sans risque (enfin, disons ce matin, sans trop de risque) » (« Charlie Hebdo, Mahomet, et le piège à cons » Rue89, 2 novembre 2011).
 
On voit aussi des titres de presse dénoncer le manque d’à-propos, la non prise en compte du contexte diplomatique. « Islam : La caricature qui tombe mal » (Le Parisien, 19 septembre 2012). L’éditorialiste de La République du Centre, Jacques Camus, juge que « l'usage de la liberté satirique ne saurait se pratiquer en méconnaissance d'un danger potentiel lié à un contexte. Le moment n'était assurément pas bien choisi » (20 septembre 2012). Dominique Quinio déplore de voir l'hebdomadaire satirique « souffler sur les braises pour afficher sa noble résistance aux extrémismes », car cela « conduit à blesser de simples croyants et à ruiner les efforts de ceux qui tentent de faire vivre dans notre pays un islam respectueux des lois de la République » (La Croix, 20 septembre 2012).
 
D’autres, enfin, accusent le journal de racisme ou d’anticléricalisme qui abîment le vivre-ensemble. Et si, face aux violences physiques, ils se sentent obligés de s’indigner, ils restent néanmoins sur une ferme condamnation des propos tenus. Ainsi, Alain Gresh dans Le Monde diplomatique du 20 septembre 2012 : « Pour éviter tout procès d'intention, je tiens à dire que l'on ne saurait tolérer des menaces contre quelqu'un qui a usé de la liberté d'expression, même à mauvais escient. Les lois protègent ce droit et il n'est pas question d'accepter leur remise en cause. Même les imbéciles ont droit à la parole... » conclut-il, cinglant.
 
Reconnaissons au Monde diplomatique  une forte cohérence temporelle, puisque le 13 janvier 2015, l’émotion nationale encore palpable, il continue à jeter l’opprobre sur ceux qui se réunissent sous la bannière (forcément polysémique) « Je suis Charlie », que ce journal reçoit comme une « sommation », « un régime de commandement inséparablement émotionnel et politique » : « Libération, qui organise avec une publicité aussi ostentatoire que possible l'hébergement de Charlie Hebdo. Libération, ce rafiot, vendu à tous les pouvoirs temporels, auto-institué dernière demeure de la liberté d'expression ! Et combien de la même farine derrière Libé pour faire de la surenchère dans le Charlisme ? »
Beaucoup d’éditorialistes et d’articles ont oscillé entre des écrits qui se désolidarisent de l’hebdomadaire au nom d’un esprit de « responsabilité », ou de la dénonciation d’un humour « vulgaire » et de dessins « pas drôles », et des moments de solidarité affichée, dès lors que l’intégrité physique du titre de presse est mise à mal. Cela amène certains éditorialistes à porter des jugements qui renvoient dos à dos les protagonistes, en condamnant la violence des islamistes tout en condamnant Charlie Hebdo pour avoir « jeté de l’huile sur le feu », pour recourir à des « provocations gratuites », pour publier des dessins « stupides », « pas de bon goût », etc.
 
 Dès lors qu’il y a attaque physique, Charlie devient l’avant-poste de la liberté de la presse 
Mais dès lors qu’il y a attaque physique, Charlie devient une cause, l’avant-poste de la liberté de la presse bafouée. « Large soutien à Charlie Hebdo incendié » titraient Les Échos, (3 novembre 2011). Dès cet incendie des locaux du journal, Le Monde tient cette ligne. « Quoi que l'on puisse penser des choix éditoriaux de Charlie Hebdo, de l'esthétique de ses couvertures et de la délicatesse de son style, l'hebdomadaire annonce clairement la couleur satirique. Rien ne saurait justifier ni les attaques contre le site Internet d'un organe de presse ni l'incendie de ses locaux comme manifestation d'un désaccord avec son contenu ». (Éditorial, Le Monde, 3 novembre 2011 : « Pourquoi il faut soutenir Charlie Hebdo »). 

À l’automne 2012, Le Monde  reste sur le même fil du rasoir, entre critique ouverte du journal et défense quand même de son droit à la caricature. « Les caricatures incriminées sont de mauvais goût, voire affligeantes. Elles sont surtout publiées à un moment qui va contribuer sciemment à mettre de l'huile sur le feu, ce qui amène en effet à se poser des questions sur le sens des responsabilités de leurs auteurs et éditeurs. Mais l'on ne saurait renvoyer dos à dos Charlie Hebdo et ses inquisiteurs ». (Éditorial, Le Monde, 20 septembre 2012 : « Intégrisme : faut-il verser de l'huile sur le feu ? »).
 Le droit d'écrire, de montrer ou de se moquer est imprescriptible 
« Quand bien même les caricatures de Charlie Hebdo seraient plus douteuses que drôles, et elles le sont, le droit d'écrire, de montrer ou de se moquer est imprescriptible », fait valoir Daniel Ruiz dans La Montagne. Mais ce net soutien s’accompagne d’un bémol, puisqu’il déplore de voir Charlie Hebdo « jouer les apprentis sorciers » (20 septembre 2012).
 
Et Stéphane Dreyfus dans La Croix (3 novembre 2012) souligne bien que les désaccords avec Charlie Hebdo sont subsumés par un refus plus fort de la violence contre la presse. « Aussi éloignées soient les lignes éditoriales de La Croix et de Charlie Hebdo, hebdomadaire qui prend régulièrement pour cibles de sa dérision les religions et leurs institutions, même si nous attendons que, dans le débat public et médiatique, soient respectés les croyants et leurs convictions, nous n'accepterons jamais que la violence soit utilisée contre la liberté de pensée ». Comme le résuma Le Point (20 septembre 2012) : « La presse, même tiraillée, fait front derrière Charlie Hebdo ».
 
On remarquera, pour finir, qu’en février 2007, au moment du procès, la presse a couvert l’événement mais sans prendre ostensiblement partie et sans faire trop de gorges chaudes de la relaxe obtenue. L’événement a souvent été couvert sur le mode factuel, sans passion, parfois même avec un œil goguenard : « Caricatures de Mahomet : le procès où il fallait être vu » (Le Figaro, 8 février 2007). Il en alla de même en février 2006 avec les dessins danois où les réflexions sur la hausse de l’audience du journal furent plus nombreuses que les commentaires sur l’esprit de polémique. Ce fut même parfois une forme d’indifférence polie qui régna.

Réactions dans la presse anglo-saxonne

Selon un principe universel des médias, où le pouvoir d’identification pour le public gouverne les choix éditoriaux prioritaires, la presse américaine et britannique ne s’est intéressée à Charlie Hebdo que lorsque le péril était grave et les valeurs de liberté de la presse contestées.  La publication en France des dessins danois ne donna pas lieu dans les six médias que nous avons retenus, à des publications spécifiques puisque la polémique touchait d’abord le Danemark. Les unes provocatrices ne furent pas non plus commentées.

En revanche, au moment des attaques de 2011, et surtout de 2015, ces médias furent plus prolixes. On trouve une commune indignation au sujet des attaques contre la liberté de la presse. Mais, on voit aussi une critique de la posture provocatrice de l’hebdomadaire, même si, comme dans le Washington Post du 9 janvier 2015, l’éditorialiste refuse de renvoyer dos à dos les protagonistes (« les feutres ne sont pas des épées »). Le New York Times prévient du coup ses lecteurs - comme le décidèrent les chaînes de télévision britanniques et américaines - qu’il ne reproduira aucun de ces dessins faits pour être « offensants » : « The New York Times a choisi de ne pas reproduire les extraits les plus controversés de ce magazine à cause de leur contenu intentionnellement offensant » (8 janvier 2015).
 Défendre le droit pour quelqu’un d’exprimer ce qu’il veut ne vous oblige pas à répéter ses mots 
Notons cependant, au-delà des jugements moraux, un souci pédagogique partagé pour expliquer aux lecteurs que la caricature politique et anticléricale est un héritage de la Révolution dont la presse française a entretenu la tradition. L’éditorialiste du New York Times souligne alors l’incommensurable écart culturel entre les deux pays. « Il est inexact pour la plupart d'entre nous de dire "Je Suis Charlie Hebdo", ou "I am Charlie Hebdo". La plupart d'entre nous ne s'engagerait pas dans le genre d'humour délibérément offensif dans lequel ce journal s'est spécialisé » (09 janvier 2015). Et The Guardian insiste sur le fait que si la défense de la liberté de la presse est un combat à mener, qu’il est bon de soutenir Charlie Hebdo pour qu’il puisse reparaître un jour, cela ne vaut néanmoins pas approbation du contenu satirique et provocateur : « Défendre le droit pour quelqu’un d’exprimer ce qu’il veut ne vous oblige pas à répéter ses mots » (9 janvier 2015).
 
Trois jours plus tard, le même journal justifie la décision unanime de la presse du Royaume-Uni de ne pas diffuser les caricatures incriminées : « Malgré la croyance largement répandue que notre presse est imprégnée par une attitude du type "Je publie et je m’en fous d’être blâmé", nos décisions éditoriales ont toujours été guidées, non seulement par des restrictions légales, mais par un sens de ce qui est juste et acceptable dans la société britannique. C'est sûrement le point qui fait la différence entre la liberté et la responsabilité ». The Daily Mirror ne dit pas autre chose (14 janvier 2015) : « Oui, nous avons la liberté d’expression […]. Mais pareillement, nous avons la liberté de choisir de ne pas parler et de ne pas nous exprimer si nous pensons que cela heurterait ou offenserait autrui ». Pas étonnant, dès lors, que les journalistes du Monde diplomatique s’appuient sur la presse étrangère pour légitimer leur rejet viscéral de l’hebdomadaire satirique, y compris après les attentats. 
 
L’attentat de Charlie est un excellent révélateur des traditions culturelles et éditoriales divergentes entre titres de presse et entre pays. En de si tragiques circonstances, certains médias ne s’identifient qu’à la rédaction et sont prêts à braver les mêmes tabous que Charlie Hebdo pour célébrer la liberté absolue de la presse. Pour beaucoup d’autres, et singulièrement dans des pays protestants et communautaristes où la laïcité intégrationniste à la française ne fait pas sens, l’identification va vers les lecteurs, avec le désir de ne surtout pas heurter les convictions religieuses qui relèvent du libre arbitre de chacun. Et ce faisant, ils évitent prudemment de mettre la rédaction en danger de mort. Peu de journalistes ont eu le panache (l’inconscience ?) d’un Charb affirmant crânement : « C'est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux » (Le Monde, 21 septembre 2012).

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Crédits photos :
Paris : Protection policière devant les locaux de Charlie Hebdo après la publication des caricatures de Mahomet. David Monniaux / Wikimedia Commons

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