« La France est à la pointe du second écran »

« La France est à la pointe du second écran »

Netco Sports, une entreprise française, a remporté l’appel d’offres de la FIFA pour produire le dispositif de 2nd écran officiel de la Coupe du Monde repris par les 26 chaînes diffusant la compétition. Entretien avec Jean-Sébastien Cruz, son fondateur.

Temps de lecture : 3 min

Pouvez-vous nous raconter les débuts du second écran ?

 
Jean-Sébastien Cruz : Tout a commencé en 2012. Nous avions réalisé le dispositif de second écran de l’Euro pour trois chaînes de télévision. Le near-live permettait à l’utilisateur d’accéder aux meilleurs moments du match et de regarder les actions sous différents points de vue.
Cette expérience fut un succès. Avec notre partenaire EVS, nous avons ensuite produit la Canal Football App et l’avons fourni à l’ensemble des abonnés. Puis nous avons placé des caméras sur les voitures. Lors des 24 heures du Mans, l'application FIA WEC augmentait l’expérience utilisateur. A la télévision, le téléspectateur est assujetti à un réalisateur. Nous voulons le placer au cœur de l’évènement.
 
Ce dispositif est-il le fruit d’une étude ?
Jean-Sébastien Cruz : C’est né d’un pari. L’UEFA et Canal + étaient dans la partie très tôt. Ensemble, nous avons eu une vision qui s’est avérée concluante. Nous avons donc proposé le dispositif à la FIFA. Elle a acheté le projet et l’a revendu à toutes les chaînes de télévision. En France, BeIn Sport exploite notre application. De son côté, TF1 a décidé d’acheter des composants pour produire une application propriétaire.
 
Existe-t-il des pays qui sont plus à la pointe que la France ?
Jean-Sébastien Cruz : Non, nous sommes les meilleurs !
 
L’application est-elle conçue pour accompagner le signal télévisé ou pour être indépendante ?
Jean-Sébastien Cruz : L’application peut servir les deux usages. Le streaming remplace la télévision, même si l’écran est plus petit. Le dispositif devient ainsi le premier écran. S’il est utilisé pour le multi-angle ou le replay, il est complémentaire à la télévision. Sur mobile, nous avons déjà accès au cinéma à la demande, à la musique à la demande… Que nous manque-t-il ? Le sport live.
 
Après le cinéma et la musique ?
Jean-Sébastien Cruz : Oui. Le sport coûte et se vend cher. Mais c’est l’apanage de la télévision. Vous pouvez vous abonner à BeIn Sport sans avoir de télévision, ce qui est souvent le cas des jeunes. La chaîne quatarie propose de la télévision payante sur mobile. C’est révolutionnaire !
 
En quoi cette application va-t-elle changer l’économie du sport ?
Jean-Sébastien Cruz : Avec notre application, l’utilisateur est son propre réalisateur. Il a également accès à du contenu qu’il ne peut pas trouver à la télévision. Demain, nous allons susciter encore plus de contenus. Ceux qui ont demandé un tel dispositif pour le football le demanderont pour le tennis et pour d’autres sports. Sur Roland Garros, il n’y a rien ! Nous avons ouvert une brèche de consommation sur mobile.
 
Les dispositifs de second écran vont-ils changer les habitudes de consommation ?
Jean-Sébastien Cruz : Personne ne se passera du live à la télévision car il est familial. En revanche, les passionnés changeront leur consommation. Lorsqu’ils voudront suivre un match de leur équipe, ils regarderont évidemment le live. Mais s’ils ont accès à du contenu supplémentaire avant et après le match, ils consommeront ! À la télévision, ils doivent attendre l’émission du dimanche. Sur le second écran, ils auront accès aux contenus à n’importe quel moment.
 
Et pour le spectateur lambda ?
Jean-Sébastien Cruz : La France est un mauvais exemple. Notre technologie est à la pointe mais nous ne sommes pas des passionnés, contrairement aux Allemands ou aux Italiens. Un  match de quart de finale de la Mannschaft fédère 45 millions de téléspectateurs, contre 20 millions pour l’équipe de France. Quand vous dites que cette technologie va changer les modes de consommation, la marge est encore grande en France. Les spectateurs occasionnels ne vont pas devenir fans avec le second écran.
 
Est-ce la fin des réalisateurs à la télévision ?
Jean-Sébastien Cruz : La télévision est un intermédiaire entre un évènement et son public. Netco fait de la désintermédiation. Grâce aux “nouvelles technologies” et à Internet, les terminaux ont accès à l’évènement sans programme. Certaines chaînes, comme TF1, proposent la Coupe du Monde sur Internet. Mais pourquoi la regarder sur son ordinateur quand la télévision est dans le salon ? En revanche, y avoir accès sur mobile change tout ! La tablette et le mobile gagnent des parts de marché.
 
La télévision va-t-elle rester telle quelle ?
Jean-Sébastien Cruz : La télévision vit avec son public, dont la moyenne d’âge est en hausse.
 
La soirée bière-chips serait-elle en voie de disparition ?
Jean-Sébastien Cruz : Non, mais elle va être organisée différemment. En parallèle de ces nouveaux dispositifs, les FIFA fest cartonnent. Les gens aiment partager leur passion devant une télévision géante. Attention, tout ne va pas changer en deux ans. Comme internet, c’est une révolution. Amazon a mis quinze ans pour devenir un géant du web. À l’époque, le e-commerce inquiétait le marché. Aujourd’hui, nous constatons qu’il l’a clairement bouleversé.
 
La tablette va-t-elle s’installer dans les stades ?
Jean-Sébastien Cruz : Nous y travaillons. Les contraintes de coût sont encore trop fortes. Pour l’Euro 2016, 24 stades européens seront connectés.
 
Allez-vous produire des modules de réalité augmentée ?
Jean-Sébastien Cruz : La réalité augmentée, c’est un mot à la mode. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Netco Sports en propose au stade de France sur certains évènements. La France n’est pas plus en retard que les autres pays. Ce n’est que le début de cette technologie, à l’instar des objets connectés.
 
Combien de téléchargements de l’application attendez-vous pour la Coupe du Monde ?
Jean-Sébastien Cruz : Nous espérons plus de 100 millions de téléchargements.
 
L’innovation passe-t-elle par le sport ?
Jean-Sébastien Cruz : Pas forcément. Mais il s’avère que les moyens sont très importants dans le sport car l’audience est au rendez-vous. Depuis les débuts de la télévision, le sport est à la pointe de l’innovation pour le broadcast. C’est un terrain d’expérimentations. Le sport, c’est aussi la vraie télévision, le live ! Cela demande beaucoup d'exigence. À la télévision, les meilleurs travaillent dans le sport.

--
Crédits Photo :
Netco Sports / visuels presse

Ne passez pas à côté de nos analyses

Pour ne rien rater de l’analyse des médias par nos experts,
abonnez-vous gratuitement aux alertes La Revue des médias.

Retrouvez-nous sur vos réseaux sociaux favoris