En 1972, quand la chaîne diffuse ses premiers programmes, elle ne compte que 365 abonnés.Les premiers programmes furent diffusés le 8 novembre 1972 : Le Clan des Irréductibles (Sometimes a Great Notion) de et avec Paul Newman, qui était sorti en salles le 31 décembre 1970, et un match de hockey. Les abonnés étaient alors 365 et habitaient tous en Pennsylvanie. En trois mois, HBO perdit un million de dollars et Dolan fut forcé de laisser les rênes à Levin(1). Ce n’est qu’à l’automne 1975, avec la possibilité d’émettre via satellite, et surtout la retransmission exclusive en direct du troisième et dernier combat de Mohammed Ali contre Joe Frazier à Manille le 1er octobre, qu’HBO entre véritablement dans le paysage audiovisuel américain (passant de 15 000 à près de 300 000 abonnés) et accompagne sa transformation radicale.
Entre 1996 et 2001, les créations originales passèrent de 25 % à 40 % de la grille de programmation.Sur le plan des comédies, les séries originales de HBO comme Curb Your Enthusiasm de Larry David (depuis 2000) ou Real Time With Bill Maher (depuis 2003) prolongent l’humour pince-sans-rire et très référencé du Larry Sanders Show. La chaîne produit également des miniséries à gros budgets acclamées par la critique comme From Earth to the Moon en 1998 sur la conquête spatiale, Band of Brothers en 2000 sur la libération de l’Europe de l’Ouest par l’armée américaine en 1944-1945, ou encore Angels in America en 2003 sur les débuts de l’épidémie de SIDA. Certains téléfilms furent d’une qualité telle qu’ils sortirent d’abord en salles avant d’être diffusés à la télévision, comme American Splendor de Shari Springer Berman et Robert Pulcini qui reçut le grand prix du festival de Sundance en 2003.
Les créateurs disposent de budgets à la hauteur de leurs ambitions : 100 millions de dollars pour la première saison de Rome.En plus de la notoriété et de la reconnaissance, ces créateurs disposent de budgets à la mesure de leurs ambitions : la série historique Rome (2005-2007) disposait par exemple de 100 millions de dollars pour sa première saison de 10 épisodes qui lui permit de reconstituer la capitale antique avec un souci du détail jamais vu jusque-là (décors construits en « dur » à la Cinecità, chaussures et vêtements des moindres figurants en matières et colorants naturels, conseils des meilleurs historiens et archéologues, etc.).
L'influence culturelle des séries HBO va bien au-delà de leurs audiences réelles. Elles sont devenues « ce dont tout le monde parle ».des séries « d’auteur » sur HBO, est contemporaine des succès populaires (mais hautement décriés par la critique et les intellectuels) des émissions de téléréalité comme Big Brother (Loft Story en France), Survivor (Koh-Lanta) et American Idol (La Nouvelle Star), faisant de la télévision américaine un champ dialectique traversé par les logiques complémentaires de la distinction bourdieusienne au début des années 2000. La stratégie de HBO s’est adaptée à merveille à cette époque d’installation de « hiérarchies du goût » en matière de télévision : les intellectuels peuvent tout à la fois critiquer « la télé-réalité » comme un néant culturel et souligner la qualité et la valeur des séries HBO. De plus, les campagnes publicitaires massives autour de chacune de ces nouvelles « œuvres » font d’elles « ce dont tout le monde parle », y compris sans les avoir vues, et donnent à ces programmes une influence culturelle qui va bien au-delà de leurs audiences réelles : entre 7 et 14 millions de téléspectateurs pour Les Sopranos, le plus gros succès d’audience de la chaîne, tandis que les autres séries proposées ne séduisaient qu’environ 4 millions de fidèles, soit à peine plus de 1 % de la population des Etats-Unis.
HBO a contribué de façon incontestable à la légitimation des séries télévisées en tant que produits culturels de qualité.La grève des scénaristes de 2008 et le départ de la directrice de la branche « divertissement » Carolyn Strauss achève de déstabiliser la branche « création originale » d’HBO. Néanmoins, les profits restent stables depuis le milieu des années 2000 (autour de 1 milliard de dollars par an), principalement grâce aux abonnements mensuels qui lissent les revenus de la chaîne d’une année sur l’autre et ne sont pas immédiatement affectés par une baisse de régime passagère en termes de créativité.
Le modèle HBO a fait des émules. Ses concurrents comme FX ou AMC produisent avec succès des séries d'auteur, exigeantes et dérangeantes.Aujourd’hui, même si la chaîne a retrouvé le succès dès la fin de l’année 2008 avec True Blood d’Alan Ball (le créateur de Six Feet Under) et propose depuis 2011 la première série d’heroic fantasy, Game of Thrones, succès mondial, public et critique, et depuis 2012 la comédie « hipster » Girls, nombre de chaînes câblées à péage comme Showtime (Dexter, Nurse Jackie, Homeland), ou Starz(4) (Boss, Spartacus), ainsi que des chaînes câblées sans abonnement comme AMC (Mad Men, Breaking Bad, The Walking Dead) ou FX (Nip/Tuck, Damages, Justified, Sons of Anarchy, American Horror Story) se sont engouffrées avec succès dans le créneau des « séries d’auteur » exigeantes et dérangeantes. Mais toutes ces chaînes n’ont fait que copier le « modèle » inventé par HBO, et ont d’ailleurs souvent trouvé le succès en produisant des scripts rejetés par la chaîne premium (c’est le cas pour Mad Men et Nurse Jackie, entre autres).
Le site Television History – The First 75 Years
Dans La Distinction. Critique sociale du jugement, le sociologue Pierre Bourdieu a montré, reprenant une idée développée par Edmond Goblot au début du XXe siècle, que, dans une société démocratique, les goûts et les pratiques culturelles deviennent les marqueurs de l’appartenance à une classe sociale donnée. Ainsi, regarder HBO, qui ne serait « pas de la télévision », permet aux élites américaines de souligner leur différence de pratique dans le fait de regarder le petit écran, de se « distinguer » de la « masse » des téléspectateurs et d’affirmer leur « bon goût » et leur capacité de discernement au sein de la production audiovisuelle.