« On peut toucher ceux qui ne consomment pas Radio Canada »

« On peut toucher ceux qui ne consomment pas Radio Canada »

Entretien avec Robert Nadeau, Premier directeur, ICI Radio Canada Première.

Temps de lecture : 3 min

Après avoir constaté que 60 % des canadiens francophones écoutent des contenus audio sur des plateformes numériques, la station de radio ICI Radio- Canada Première a lancé Première Plus. Ce service permet aux internautes du Canada de découvrir à la carte différents programmes, qui étaient auparavant disséminés sur la grille de la radio, sous forme des segments audio regroupés en listes thématiques.
 
Avec Première Plus, avez-vous particulièrement ciblé l’audience des jeunes ou bien visez-vous toutes les tranches d’âges ?
 
Première plusNous visons l’audience globale : les gens qui sont abonnés à Radio Canada. Il faut leur offrir un service de qualité dans cet environnement, parce qu’ils choisissent ce mode de consommation. Ensuite, il y avait une population qui ne nous écoute pas, donc au niveau du design il fallait trouver quelque chose de séduisant. Comme la clé de notre offre c’est une réorganisation qui n’est pas par titre ou par nom de l’animateur ou par marque de chaîne, mais par forme de contenus, à ce moment-là, [avec les contenus, NDLR], on peut rejoindre ceux qui ne consomment pas Radio Canada et qui ne savent même pas que ces émissions existent.
 
 
Les jeunes sont attachés aux médias francophones où se tournent-ils plutôt vers les médias anglophones ?
 
Les deux. C’est sûr que la musique anglophone occupe un espace très grand au Canada. Si la province de Québec est extrêmement puissante avec son star-system, ses artistes, ses chanteurs, sa musique, ses animateurs radio, dans les autres provinces du Canada, l’anglophonie est très présente. Mais les jeunes ont une fierté de protéger leur langue. On joue sur ces deux tableaux : donner de l’espace aux artistes qui sont très aimés et en même temps, offrir une occasion de développer la langue francophone.
 
 
Quelles sont vos ambitions concernant le développement de l’audience à l’international ? Première Plus est-elle incluse dans cette stratégie ?
 
Il n’y a pas de frontières dans l’univers numérique, on est capté en Europe, on est capté aux États-Unis par une communauté francophone, il faut en tenir compte et être alerte là-dessus, et pourquoi pas créer un espace de radio du monde ?
 
Nous sommes partenaires des médias francophones publics et lors de nos conversations, on se dit que parfois il y a des ponts qui sont pertinents sur nos contenus, qu’ils soient scientifiques, ou sur l’histoire, ou encore sur la société qui nous entoure, alors pourquoi ne pas faire une offre francophone vers l’Afrique également ? Ce n’est pas un objectif en soi, plutôt une nouvelle possibilité dont on doit tenir compte.
 
 
Vous visez plutôt la francophonie, il n’y a pas de pays cible particulier…
 
 Offrir un contenu canadien qui contribue à l’intégration des communautés  
Notre principal engagement c’est à l’endroit des Canadiens. Ce qui est nouveau pour nous, c’est toute la diversité de l’immigration, c’est donc de permettre d’offrir un contenu canadien qui contribue à l’intégration de ces communautés. D’une part, on peut leur parler des thématiques qui les intéressent, qu’ils viennent soit de Syrie, soit de Grèce, soit d’Asie et en même temps leur faire découvrir notre culture, notre histoire québécoise, canadienne, par le biais de ces nouveaux programmes.
 
 
Pour Première plus, pourquoi avoir choisi la curation humaine plutôt que les algorithmes ?
 
Pour la musique, je pense que l’algorithme est pertinent. Mais nous sommes une radio parlée et un service public aussi, et toutes nos valeurs de service public doivent paraître dans notre offre. On vous assure que vous allez recevoir la crème de la crème : c’est un contenu sélectionné pour vous. C’est aussi un contenu qu’on gère, parce que si des évènements dans nos contenus parlés ne sont plus pertinents parce qu’en santé, par exemple, une nouvelle étude sur telle vitamine nous dit que ce n’est pas bon, on va venir l’enlever.
 
On peut aussi créer des évènements spontanés, ponctuels pour la période des fêtes, des anniversaires d’évènements comme les guerres mondiales ou les Jeux olympiques à Rio au mois d’août on va créer des offres thématiques particulières. Et ça, ça dépend des individus qui gèrent tout ça, qui écoutent pour vous, et ça vous est servi sur un plateau.
 
 
Vous consacrez 2 % du budget de la radio à l’innovation ?
 
C’est le budget de la dernière année pour la radio francophone, pour l’offre de contenus. On essaie des émissions, on développe, on va en avant ou non. Avec Première Plus c’est formidable, parce que ça nous permet d’accroître ce montant-là parce qu’on va pouvoir faire un peu de recherche et développement devant tout le monde, avec les citoyens.
 
On va faire une offre d’une nouvelle série de dix minutes, si les gens l’aiment on va leur en donner plus, on va l’imaginer sur la chaîne radio principale, on peut aussi l’imaginer en télé, en développement web… Ce sont des méthodes qui vont nous permettre de concevoir, à partir des données qu’on va recevoir - qui sont beaucoup plus complètes dans l’univers numérique que dans l’univers hertzien traditionnel - des programmes en fonction des intérêts des gens, tout en respectant notre engagement de service public.
 
 
Vous avez lancé Première Plus il y a une quinzaine de jours, avez-vous déjà des retours d’utilisateurs ?
 
 Faire rayonner les créateurs et la francophonie 
On reçoit déjà un intérêt important sur les listes d’écoute touchant l’histoire et l’offre de livres audio. Ça c’est une nouvelle offre et là encore on joue un rôle de curation. Ce n’est pas comme une entreprise privée le ferait, de dire « on prend les best-sellers et on les offre en livre audio », nous on a plusieurs éléments d’une stratégie littéraire. D’abord, on va créer un espace pour des auteurs qui ont parfois moins de rayonnement. Sur une diversité de sujets aussi, on a créé des grands concours littéraires où les espoirs canadiens peuvent participer. Tous ces résultats, on peut les faire vivre en livre audio.

Le cœur de notre projet, c’est de toujours rester le service public avec ses valeurs et sa mission et faire rayonner les artistes, les créateurs et la francophonie.

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Crédit photo
Pia Roussel / INA
Capture d'écran du site Première Plus, version PC.

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