Pourquoi les journaux français ne font-ils (presque) pas de podcasts ?

Pourquoi les journaux français ne font-ils (presque) pas de podcasts ?

Pourquoi les médias français écrits ne se mettent-ils pas au podcast ? La question peut sembler surprenante mais les faits sont têtus : les quotidiens, hebdomadaires, mensuels et pure players hexagonaux n’ont pas pris le pli de l’audio natif.

Temps de lecture : 13 min

Allumez votre téléphone et lancez votre application dédiée aux podcasts. Vous ne l’avez peut-être pas ouverte depuis le dernier épisode de Serial, la série documentaire américaine qui avait donné un coup de fouet à la production de contenus audio natifs outre-Atlantique. En naviguant parmi les programmes français qui vous sont proposés, trois tendances claires se dessinent. Il y a tout d’abord les programmes, qui tiennent plus de la radio de rattrapage, mis en ligne par les stations (88 % des contenus les plus populaires sur iTunes), avec certains acteurs comme Radio France qui communiquent régulièrement le nombre de téléchargements de leurs émissions. Puis viennent d’autres podcasts produits par des sociétés telles que Binge ou Les Nouvelles Écoutes, suivis, enfin, des contenus créés par des tiers en dehors de toutes structrures, souvent en amateur. Mais en France, des acteurs importants manquent à l’appel : les médias écrits. Quotidiens, hebdomadaires, mensuels ou même pure players produisent très peu de podcasts. Ce constat est encore plus criant si on compare avec ce que l’on peut trouver aux États-Unis, au Royaume-Uni ou même en Allemagne. La liste laisse songeur : Die Zeit, Die Süddeutsche Zeitung, Die Welt, Der Spiegel, The Guardian, The Financial Times, The Times, The Economist, Politico, Wired, Buzzfeed, The New York Times, etc., tous produisent un podcast, ou plus, de façon régulière. L’audio natif représente 25 % des revenus de Slate.com, marché que le site a investi dès 2005. En France, seuls quelques médias écrits proposent de l’audio natif. La plupart sont spécialisés, dans le jeu vidéo dans le cas de Gamekult ou encore les questions de société comme Madmoizelle. Du côté des médias généralistes, ils sont encore moins nombreux.

 En France, quotidiens, hebdomadaires, mensuels ou même pure players produisent très peu de podcasts. 

 
Libération fait ainsi figure d’exception et propose deux podcasts, le 56kast (culture web) et Silence on Joue (jeu vidéo), présentés respectivement par Camille Gévaudan et Erwan Cario. Ces programmes, dont l’origine remonte à 2007, sont des rescapés. « À l’époque, il y a eu un gros projet de podcast qui s’appelait Libélabo, qui a été accompagné par la construction d’un studio d’enregistrement », témoigne Erwan Cario. L’offre d’alors comprend notamment un podcast sur le sport, intitulé très judicieusement… Bar des sports, ainsi que La semaine des jeux vidéo, qui deviendra rapidement Silence on joue et la transposition sonore de la rubrique Ecrans.fr, Ecrans.fr, le podcast. « L’équipe de Libélabo avait monté des tas de projets, il y avait des émissions politiques, des enregistrements de sessions musicales, se souvient le journaliste. Pour moi, c’était une sorte d’effet d’aubaine, j’aime bien me lancer dans des projets ».

Priorité à la vidéo

Mais après quelques temps, la cadence se ralentit. « Le podcast est intéressant d'une manière générale parce qu'on voit qu'il subit énormément les effets de mode et de fin de mode, analyse Erwan Cario. Et puis, donc, la mode est passée à la vidéo. Les équipes de Libélabo se sont diversifiées et ont eu moins de temps pour s'occuper des programmes audio. Ne sont restés que les podcast dont les présentateurs étaient suffisamment motivés pour s'en occuper tout seuls ». Erwan Cario explique que le podcast ne rentrait plus dans les projets de Libération. « Nous avions toujours accès au studio. Tant que personne ne me dit d’arrêter, je continue ». Silence on joue a continué son chemin et cumule d’après Erwan Cario l’équivalent de 15 000 téléchargements (en comptant les vues de chaque épisode sur YouTube). Le podcast d’Ecrans.fr a muté et est devenu le 56kast lors du passage d’un accord avec NoLife. La chaîne, destinée aux passionnés de culture japonaise et de jeux vidéo et disponible sur les box internet, produit les deux podcasts et en propose des versions filmées, disponibles notamment sur YouTube.
 
Cet abandon de l’audio au profit de la vidéo décrit par Erwan Cario a pu être observé chez Télérama. L’hebdomadaire culturel a, entre autres podcasts, produit pendant deux ans, de septembre 2014 à juin 2016, Sérierama, présenté par Pierre Langlais, journaliste passé par la radio avant d’entrer au magazine. Le soixante-douzième numéro, le dernier, proposait un bilan de l’année des séries télévisées. Aujourd’hui, Sérierama existe toujours, mais en vidéo. « Je pense que c'est important d'avoir un raisonnement global, explique Ludovic Desautez, directeur adjoint de la rédaction en charge du numérique à Télérama. Nous avons fait un choix assez pragmatique à l’époque ». L’hebdomadaire disposait d’un seul studio, prévu pour la radio, mais la volonté de la publication d’intensifier la production de contenus vidéo était de plus en plus forte. « Il y avait un essor important des usages, à la fois sur le site, sur mobile et sur les réseaux sociaux, rappelle le directeur adjoint, il s’agissait d’une contrainte technique. De plus, chez Télérama, une grande part de la matière dont on parle est audiovisuelle, avec des extraits de séries, de films, ou même de clips et d’extraits de concert. Nous étions un peu frustrés de ne pas pouvoir exploiter tout cela dans un format podcast ». Ludovic Desautez insiste sur le fait qu’il ne s’agissait pas à l’époque d’un choix idéologique anti-podcast ou d’une remise en cause de la qualité des programmes proposés : « Nous voulions nous donner les moyens d'avoir l'environnement technique et les capacités de distribution qui garantissaient que l'effort investi dans le contenu pouvait rencontrer une audience », conclut-il(1) >.

Un modèle économique incertain

La vidéo s’est attiré les faveurs de médias comme Le Monde et Le Figaro, qui ont intensifié leurs investissements dans ce domaine ces dernières années, notamment dans le cadre de publications sur Facebook. Sur la plateforme, c’est plusieurs millions de vues qui pouvaient être comptabilisées pour une seule vidéo produite. Des chiffres alléchants, qui ont suscité l’attention d’annonceurs divers et variés. Si les modèles économiques liés à la vidéo ne sont pas nécessairement les plus stables, ils existent, contrairement à ce que l’on peut voir dans le podcast. « Pour l'instant nous sommes en train, avec d'autres acteurs du marché du podcast, de défricher, explique David Carzon de Binge Audio. Pour l’instant, le modèle n'existe pas. Nous le construisons en faisant du brand content [contenu de marque, NDLR], du sponsoring d’émission et, à terme, en ayant une offre premium ».

 Si les modèles économiques liés à la vidéo ne sont pas les plus stables, ils existent, contrairement à ce que l’on peut voir dans le podcast 

 Même son de cloche du côté d’Erwan Cario : « S’il y a un aspect où le podcast n'est pas encore très à jour c'est le modèle économique, explique le journaliste. Soit on est sponsorisé par Audible, soit on fait du crowdfunding, ou alors on passe par Tipeee ou un Patreon. » Mais ces trois solutions ne sont pas compatibles avec des titres de presse installés, estime le présentateur de Silence on joue. « Donc il reste le sponsoring, mais c'est bien pour des petits acteurs qui vont avoir une ou deux personnes qui vont s'occuper des partenariats et des sponsors ». Selon Erwan Cario, cette méthode de financement pourrait poser des soucis dans le cadre de structures qui ont déjà des régies installées, spécialisées dans la vente de publicité papier ou de formats web. « Ce n’est pas impossible, mais c’est compliqué », estime-t-il.
 
Un média en particulier a cependant franchi le pas du partenariat avec Audible, filiale d’Amazon spécialisée dans le livre audio : Slate. Charlotte Pudlowski, ancienne rédactrice en chef du site d’information, a participé au lancement des podcasts du pure player, dont Transfert, en juin 2016. Elle continue de les produire avec la société Louie Media, qu’elle a cofondé avec Mélissa Bounoua. « Je ne crois pas que l'on aurait pu faire Transfert sans Audible parce que c’est un podcast qui coûte cher à produire, explique-t-elle. Les podcast haut de gamme coûtent de l'argent, bien plus qu'un article. » Audible s’est fait une spécialisation de sponsoriser des podcasts et la branche française de la société même annoncé le 16 janvier dernier sa volonté d’intensifier son offre d’audio natif et de partenariat avec des producteurs.

Des données qui ont manqué pendant longtemps

Alors que les audiences vidéo sont accompagnées de multiples données sur les usagers, ce n’est pas le cas du podcast, ce qui constitue un frein au développement de son modèle économique. Médiamétrie s’intéresse aux contenus mis en ligne sur les catalogues par les grandes radios et en mesure les téléchargements. Mais encore peu de petits acteurs souscrivent aux offres de la société. « C'est sûr que l'on a des données bien moins précises que sur la vidéo et c'est pour moi l'enjeu numéro un dans le secteur du podcast », explique Charlotte Pudlowski. Sans données précises à propos du nombre de téléchargements puis d’écoutes réelles des podcasts, d’indications sur les comportements des auditeurs ou même plus globalement de standards communs à tous les acteurs, il est compliqué de vendre de l’espace publicitaire ou de trouver des partenaires. Mais les choses ont tendance à changer. Apple, acteur important du secteur du podcast via sa plateforme iTunes, a promis en juin dernier qu’il allait communiquer plus de données aux producteurs de podcasts. Les premiers résultats confirment une intuition qui s’est répandue durant ces dernières années : l’audience des podcasts est captive, qualitative et ne passe que rarement les publicités. Un soulagement pour les entreprises américaines qui avaient noué des partenariats avec des podcasts sans disposer à l’époque de données solides.

 L’audience des podcasts est captive, qualitative et ne passe que rarement les publicités. 

 
Transfert, aujourd’hui âgé de deux ans, comptabilise plus de 270 000 téléchargements par mois, d’après Charlotte Pudlowski. On est bien loin des millions de vues des vidéos les plus virales que l’on peut trouver sur Facebook. Mais un auditeur de podcasts écoute les émissions jusqu’au bout et y réagit régulièrement. « Il y a une forte connexion qui se crée, explique Julia Furlan, à la tête de la division podcast de BuzzFeed. Les communautés de podcasts sont passionnées. Si vous écoutez un podcast, vous passez trente minutes voire une heure avec la personne qui le présente. Ce genre de lien n’est pas fréquent, pensez aux personnes avec qui vous passez plus d’une demi-heure par semaine. Il n’y en a pas tellement ». Le consommateur de podcasts choisit les programmes qu’il télécharge et écoute, une grosse différence avec les usagers des réseaux sociaux qui voient passer des vidéos lancées automatiquement. « Prenez un podcast et une vidéo de cuisine, analyse Charlotte Pudlowski, et comparez leur audience. La vidéo va faire des millions de vues sur Facebook. Mais elles se seront lancées automatiquement et les usagers ne vont pas se souvenir de ce qu’ils ont vu. Ce n’est pas la même consommation, ce n’est pas la même chose que l’on vend aux annonceurs. Une publicité dans un podcast peut valoir plus cher qu’une annonce dans une vidéo, parce qu’elle rapporte une attention très différente ».

Des plateformes insuffisamment développées ?

 

 Si iTunes est sur le point de rendre disponible plus de données, il reste de nombreux enjeux. 
Les problématiques du modèle économique, des usages et des données  sont liées à une autre question, plus globale et extrêmement importante, qui est celle des plateformes et de la technologie dédiée au podcast. Car si iTunes est sur le point de rendre disponible plus de données utiles pour les producteurs et leurs éventuels partenaires, il reste de nombreux enjeux. «Lorsque l’on parle de vidéo, on parle des plateformes sur lesquelles on va les mettre, analyse Julia Furlan. La technologie de la baladodiffusion ne s’est pas complètement transformée. Elle n'est pas contrôlée par un algorithme, elle est un peu plus lente en termes de croissance et de consommation. Mais cela signifie aussi qu’il s’agit d’un milieu stable ». « Une vidéo produite par un média va être regardée sur son site, avance Ludovic Desautez, mais une grande partie de la consommation va se faire sur d'autres canaux de distribution, directement sur YouTube, sur Facebook, etc. Cette consommation et cette diffusion qui dépassent l'audience naturelle du média d'origine est peu codifiée au niveau du podcast. Elle est morcelée entre différentes plateformes et technologies. Finalement, aujourd’hui, le côté unitaire fait que l'audience est relativement friable. » Pour le directeur adjoint de la rédaction en charge du numérique à Télérama, les choses changeront peut-être lorsqu’un « YouTube du podcast » apparaîtra. « Le jour ou de grandes plateformes avec des capacités d'audience importantes ouvriront les vannes, beaucoup de médias se poseront davantage la question du podcast. Après, difficile de savoir s’il s’agit d’un fantasme ou d’une réalité, nous verrons bien ».
 
Aujourd’hui, de nombreux podcasts sont mis en ligne sur Soundcloud. Mais la fragilité de la plateforme est telle que son avenir en tant que géant du podcast est tout sauf garanti. Surtout que le service n’est pas seul et fait face à des sociétés en bien meilleure santé qui investissent le secteur. Ainsi, Deezer réfléchit sérieusement au développement d’audio natif : l’entreprise a lancé un podcast sur le football avec le magazine Sofoot et explore des formats plus axés sur l’infotainment avec Pablo Mira (cofondateur du Gorafi). Spotify développe aussi ses partenariats et ses programmes de son côté. En janvier 2018, la société suédoise a lancé Spotlight, une nouvelle offre de podcasts développée par huit partenaires, dont Buzzfeed. Le programme produit par le pure player sera un contenu audio augmenté d’images et d’infographies qui s’afficheront sur l’écran à l’écoute. Les plateformes commencent à mûrir leur positionnement par rapport à l’audio natif et essaient de devenir des alternatives aux services d’Apple pour l’écoute de podcasts, en accueillant de plus en plus de productions déjà existantes dans leurs catalogues. Mais toujours pas de « YouTube du podcast » à l’horizon.

Les Échos et L’Équipe se lancent et expérimentent

Alors que les plateformes commencent à s’intéresser de plus en plus aux formats, des pure players comme Numérama ou des ma.gazines comme Usbek et Rica ont lancé des podcasts durant l’année passée. Début février, le quotidien Les Échos s’essaie à l’audio natif avec deux programmes : « Tech Off », une série d’entretiens avec des personnalités venues des entreprises française des nouvelles technologies, ainsi que « Sillages », qui donnera la parole à des jeunes qui ont su rebondir après un incident de parcours.

 Jérôme Cazadieu, directeur de la rédaction de L’Équipe, envisage le podcast comme un format complémentaire des autres offres du groupe. 

 
L’Équipe tente aussi l’aventure. Le quotidien sportif a lancé en septembre dernier un podcast hebdomadaire sur le rugby et plus récemment un programme centré sur le golf. Le tout animé par des journalistes « maison ». Jérôme Cazadieu, directeur de la rédaction du journal, n’envisage pas le podcast comme une vitrine pour le journal mais voit le format comme complémentaire des autres offres du groupe, qui comprennent donc le papier, le web, Snapchat ainsi que la télévision. « L’Équipe a toujours été un acteur à la pointe de l’innovation technologique et numérique, avance-t-il. Nous avions déjà travaillé sur l’audio, c’est quelque chose qui nous intéresse. Le podcast propose quelque chose de différent : il a un mode de développement qui est basé sur la souscription, il y a une démarche de fidélisation. Nous sommes dans une attitude de test, nous cherchons à attirer une nouvelle clientèle, moins volatile ». Ces podcasts de L’Équipe sont produits en partenariat avec Binge audio. « Nous offrons une prestation technique et éditoriale à L’Équipe, détaille David Carzon. Nous les aidons à construire leur offre. Ils essaient de voir ce que ça donne, ils sont intéressés. Certaines émissions marchent, d’autres moins. Nous allons jusqu’à la fin de la saison et puis nous verrons bien ce que ça donne à ce moment-là. Comme c’est de l’audio, les investissements ne sont pas trop importants, et ça permet de tester des choses ».
 
Pour l’instant, les podcasts de L’Équipe ne sont soutenus par aucun modèle économique, mais cette situation n’est pas destinée à durer. « Nous n'envisageons pas de monétisation dans l'immédiat, précise Jérôme Cazadieu, parce que je pense que les annonceurs et les régies ne sont pas organisés pour. Mais nous ne voulons pas être dans un investissement à perte indéfiniment. L’idée est d'avoir une expérience au moins sur une saison, en gonflant notre offre sur la fin et d’en faire un bilan. Et c’est en fonction de celui-ci que nous verrons quel modèle économique nous pouvons adopter. Il est possible que nous ayons un troisième podcast sous peu et nous réfléchissons à en proposer un autre pour la Coupe du monde de football. »

Un format compatible avec des stratégies sur le long terme ?

Si dans l’absolu, la production de podcasts coûte moins cher que l’équivalent vidéo, l’audio natif est protéiforme. « Il y a des tas de podcasts très différents, explique Julia Furlan. Si vous voulez faire un podcast non édité avec juste deux personnes qui parlent, sans beaucoup de travail autour, vous le pouvez. Mais je ne sais pas si beaucoup de gens vont écouter ça. » Une réflexion partagée par Charlotte Pudlowski. « Il y a énormément de médias qui s'intéressent au podcast, avance-t-elle. Seulement, s’ils font quelque chose dans leur coin en filant des micros à leurs journalistes, ils n’auront pas forcément quelque chose de très qualitatif à la fin. Si vous un prenez un journal comme Le Monde, qui est haut de gamme, avec des exigences sur le fond et la forme, toujours très pertinent quand il innove sur des formats, que ce soit en vidéo ou autre, il se place d'une manière très précise et ne fait pas les choses à la va vite. Ce qui coûte beaucoup d’argent ». Ces réflexions renvoient à des sujets parfois complexes tels que la gestion des ressources humaines, la formation à de nouvelles écritures, la production ou la coproduction.
 
 L’audio natif est pleinement intégré dans la stratégie numérique du New York Times. 
Le contexte n’est pas nécessairement le plus favorable pour les médias. Il faut ainsi justifier de l’intérêt économique et éditorial du lancement de nouveaux formats, alors que des stratégies sur le long terme sont parfois à l’œuvre depuis plusieurs années. Le cas du New York Times est intéressant sur ce point. Le quotidien américain s’est lancé dans la course aux podcasts dès 2006 mais a arrêté plusieurs de ses programmes en 2011, notamment à cause de réaffectation de ressources en interne. Mais le journal est revenu en force au format dès 2016 en lançant Still Processing, une émission ambitieuse abordant la culture populaire, la technologie, la politique et les multiples sujets aux embranchements de ces trois thématiques, en association avec la société Pineapple Street Media. Il a été suivi par The Daily, un programme quotidien lancé en janvier 2017. Difficile de ne pas voir derrière ce retour aux podcasts « un effet Serial ».
 
 « Le New York Times a repris son offre podcast en en faisant quelque chose de très identifié et de bien pensé, estime David Carzon. C’est aujourd’hui un des éléments de sa vitrine ». L’audio natif est ainsi pleinement intégré dans la stratégie numérique du quotidien américain. « Si vous prenez Le Monde, le journal a une stratégie d’acquisition d’abonnés numérique dont il n’a pas bougé depuis plusieurs années et qui est en train de fonctionner, qui prend. Ils font de la vidéo, ils sont sur Snapchat, ils se développent un peu dans tous les formats. Mais après, s'ils veulent venir sur l'audio, je pense qu'ils sont tout à fait légitimes, et ça ne peut que renforcer leur offre. ». Du côté d’Erwan Cario, le constat est très semblable. « En fait, nous avons continué en dehors de tout projet industriel, explique le journaliste. Celui-ci consiste aujourd’hui à gagner des abonnements numériques, à faire la preuve de l'efficacité d'un modèle payant sur internet. La production de contenu multimédia, audio et vidéo, n’en fait pas partie à l'heure actuelle ». Il y a aussi des spécificités locales à prendre en compte. « Le marché français est assez spécifique, précise David Carzon. Le podcast d'actualité est aujourd'hui dominé par les radios généralistes, ce qui n'existe pas aux États-Unis. Là-bas, il est plus facile d'installer une offre parce qu'il n'y a pas cette concurrence. Le marché aujourd'hui n'est pas tout à fait ouvert. Si on y vient, il faut avoir une offre vraiment différente ».
 
Les différentes initiatives observées ici ou là laissent penser que de plus en plus de rédactions prennent au sérieux l’audio natif. Leur offre, si elle est plus faible qu’ailleurs, tend à augmenter petit à petit. « Si le marché français et les rédactions veulent entrer dans le podcast, il n'y a rien d'autre que des opportunités et de l'espace », dit Julia Furlan. Peut-être suffira-t-il d’un succès bien de chez nous, pour achever de convaincre les rédactions les plus réticentes ? Dans le doute, n’effacez pas tout de suite votre application de podcast, elle pourrait vous servir très prochainement.

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Crédits :
Illustration : Ina. Martin Vidberg
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    Télérama met en avant Un épisode et j'arrête, podcast produit par l'Association des Critiques de Séries en partenariat avec Binge Audio.

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