Universal Music Group, nouveau numéro un de l'édition musicale grâce au rachat de BMG Music Publishing
Le 16 juin 2006, BMG officialise des rumeurs que la presse relaie depuis plusieurs mois : BMG Music Publishing est à vendre. La raison de cet abandon de la poule aux oeufs d'or ? Le groupe Bertelsmann souhaite lever un peu d'argent pour racheter la part de son capital (21,5 %) détenue par le Groupe Bruxelles Lambert, la holding belge détenue par Albert Frère. Le montant de la transaction a été estimé à 4,5 milliards d'euros. Dans les communications officielles, les équipes de direction du groupe allemand justifient plus volontiers leur décision par la baisse de 16 % du chiffre d'affaires de sa division musique en 2005. Pour expliquer cette perte, estimée à 2,13 milliards d'euros, Bertelsmann brandit l'argument de l'essor du téléchargement illégal de musique.
Au vu du catalogue en jeu, la vente de BMG Music Publishing s'annonce comme une opération décisive pour la distribution des pouvoirs dans l'industrie de la musique, à l'échelle internationale. Le 6 septembre, Bertelsmann cède l'intégralité de BMG Music Publishing à Universal Music Group, pour la somme de 1,63 milliard d'euros. Le Français Vivendi, à travers sa filiale Universal, devient ainsi le numéro un mondial de l'édition musicale, en détenant 25 % environ du marché de ce secteur, dépassant EMI (17 %) et Warner Chapell (16 %). Universal Music était déjà leader sur les marchés de la production et de la distribution de disques.
Parmi les candidats au rachat de BMG Music Publishing, les noms de Warner et Viacom ont circulé, mais l'offre proposée par Universal a dépassé de loin les dispositions financières de ses concurrents. A un moment où le marché du disque se trouve dans une situation très difficile et que l'analyse de ce pan de l'industrie musicale focalise toutes les attentions, Universal a opéré un placement intelligent en renforçant son activité d'édition, moins soumise aux fluctuations de vente et très lucrative sur le long terme. Les nombreux observateurs extérieurs qui, à l'époque, ont jugé le prix de rachat (1,63 milliard d'euros) très élevé, comparé à une activité qui, sur l'année 2005, avait rapporté « seulement » 371 millions d'euros de chiffre d'affaires et 81 millions d'excédent brut d'exploitation, n'ont pas pris en considération cette perspective de recettes sur le long terme qui est propre à la gestion de catalogues. Outre l'ajout de nouvelles perles à son catalogue pop (Universal a déjà pour elle Madonna et U2), la filiale de Vivendi, grâce au rachat de BMG Music Publishing, peut surtout se renforcer, et ce de manière considérable, dans le domaine de la musique classique, qui fait moins jouer les logiques de médiatisation mais apporte des revenus réguliers et importants tous les ans. Dans un communiqué officiel, Doug Moris, patron d'Universal Music, soulignait le fait que « cette acquisition historique [allait] permettre [à Universal] de diversifier et de développer [son] portefeuille d'édition musicale, notamment dans des domaines clés tels que la musique d'ambiance et la musique classique et sacrée ». Et c'est bien sur ce point que l'événement prend sa tournure la plus dramatique pour le britannique EMI, qui détenait la place de numéro un sur ce secteur depuis de très nombreuses années.
Le « cadeau », cher payé, de Bertelsmann à Universal est suivi d'un versement, dans le sens inverse, de 60 millions de dollars : Bertelsmann obtient ainsi, de la part d'Universal, le retrait d'une plainte déposée en 2003, dans l'affaire Napster. La filiale de Vivendi accusait son concurrent allemand d'avoir soutenu indûment la plate-forme de téléchargement en ligne. Pour les équipes dirigeantes de Bertelsmann comme d'Universal, cet accord n'aurait fait l'objet d'aucune interférence avec la transaction opérée sur BMG Music Publishing. La vente de cette dernière a été validée en mai 2007 par les autorités de la concurrence de Bruxelles, conclusion qui était loin d'être certaine, puisque la Cour européenne de Justice avait annulé la fusion de Sony et de BMG à l'été 2006 (lire la Décision de la Commission du 22 mai 2007 déclarant une concentration compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE, Affaire n°COMP/M.4404 – Universal/BMG Publishing).
Suite à l'intégration de BMG Music Publishing, Universal a réussi à maintenir une position nette de leader sur tous les pans de l'industrie musicale. En août 2010, la presse britannique signalait que le groupe Coldplay, qui avait signé son premier album chez BMG Music Publishing, était sur le point de conclure avec sa nouvelle maison, Universal, l'un des contrats les plus importants de l'histoire de la musique, pour une somme qui pourrait se chiffrer à plusieurs millions de dollars pour chaque membre du groupe. A cette occasion, nombreux sont les journalistes à avoir rappelé avec insistance qu'Universal profitait sur ce point de l'héritage en or (Coldplay a vendu, à l'heure actuelle, plus de 50 millions d'albums à travers le monde) du groupe allemand Bertelsmann.