Le Times of India partage les faiblesses de ses confrères et celles de la nation indienne dans son ensemble. Dans un pays où la corruption fait partie du quotidien, les scandales éclaboussent parfois l’histoire du journal, et il arrive qu’un journaliste soit arrêté pour avoir accepté, voire sollicité des espèces en échange de son silence. On sait aussi que la couverture favorable de la campagne d’un homme politique – particulièrement en local – s’achète. Un autre aspect est la perméabilité des barrières entre les différents départements. Le temps d’un papier, un cadre du marketing peut devenir journaliste pour couvrir un événement prestigieux, comme le dénonce Sucheta Dalal, une journaliste connue pour sa férocité à exposer les scandales et qui a aujourd’hui quitté le quotidien. Mais l’élément le plus controversé est l’existence de Medianet, une agence fondée en 2003 chargée de négocier des accords entre les entreprises extérieures et les différents journaux du groupe Bennett, Coleman and Co, dont le Times of India. Le PDG du groupe justifie la création de cette agence par un souci de transparence, il s’agissait justement d’éviter les collusions entre les départements de relations publiques des journaux et les entreprises qui souhaitaient obtenir une couverture de leurs produits, performances, événements … En théorie, ces accords devraient se traduire par des articles clairement identifiés et qui seraient uniquement réservées aux suppléments. Dans les faits, il est parfois difficile de faire la différence. Le phénomène a pris une telle ampleur qu’en 2011, la ministre de l’Information de l’époque Ambika Soni s’en inquiétait, affirmant qu’il mettait en danger la démocratie et la crédibilité des médias. Dans une longue interview accordée au journal Outlook India, Ravi Dhariwal, le magnat de la presse qui contrôle le Times of India, se défend des controverses, tout en réaffirmant résolument qu’un journal est un produit : « Je crois que les principes sont les mêmes, que vous vendiez un journal, Nokia, ou Armani… Notre journal est un produit de consommation pour l’homme du peuple ». Il défend également les accords entre les annonceurs et les journaux du groupe qu’il dirige. Il est en effet possible d’acheter de l’espace publicitaire dans les pages du Times of India en payant non en espèces mais en actions. Par ce biais, le groupe Bennett, Coleman and Co a pu acquérir des actions dans plus de cinq cent entreprises différentes. Pour Ravi Dhariwal, il n’y a pas collusions d’intérêts : « De la même manière qu’un annonceur qui paierait cash ne pourrait s’attendre à influencer la politique éditoriale, aucun client avec qui nous avons conclu ces accords de cession d’actions ne peut s’y attendre. » On ne peut en tout cas pas mettre en doute le sens des affaires de M. Dhariwal, ni la façon dont le Times of India a su naviguer avec succès et profitabilité au cours des décennies.
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Crédits photos :
Illustration principale : Hargitay / Flickr
Lecteur du Hindustan Times (Meanest Indian / Flickr)
Vendeur de journaux (Caroll Mitchell / Flickr)
Damien [Phototrend.fr] / Flickr
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