Un choix infini va-t-il conduire à une demande illimitée ?

Un choix infini va-t-il conduire à une demande illimitée ?

La théorie de la Longue Traîne est apparue dans les pages de Wired en 2004 et a eu un fort impact sur l'analyse de la consommation de contenus en ligne. La question aujourd'hui est de savoir quelles sont les influences de la Longue Traîne sur les industries créatives.
Temps de lecture : 16 min

Introduction

Le père de la théorie de la Longue Traîne est Chris Anderson, rédacteur en chef de la revue technophile Wired. Cette théorie est apparue dans un article publié en 2004 dans ladite revue. La publication de cet article déclencha de nombreux commentaires, tant et si bien que cette théorie peut désormais être considérée comme une des principales théories utilisées pour prédire l’impact d’Internet sur la consommation de contenus. Elle se propose également de fournir un cadre de réflexion pour les stratégies des producteurs et distributeurs de contenus sur Internet. Ainsi le livre, paru aux Etats-Unis en 2006 (et en 2007 en France), est rapidement devenu un best-seller dans sa catégorie (1). De même, une recherche sur Google du terme ‘long tail’ renvoie plus de 3 millions de réponses (consulté le 21/10/2010). L’effet le plus notable de ce succès est l’utilisation faite de la théorie par une grande diversité d’acteurs, en particulier des managers, des consultants ou des chercheurs.
 
La théorie demeure néanmoins loin de faire consensus. Une question récurrente est de savoir si l’on peut déjà observer une tendance vers le développement d’une Longue Traîne pour la consommation de contenus. Si non, y a-t-il au moins une tendance vers un tel développement ? Plus largement, cette théorie invite à s’interroger sur l’impact d’Internet : dans quelle mesure son développement affecterait-il les industries créatives ?

La théorie de la Longue Traîne : pourquoi et comment

Chris Anderson part du constat de la domination des best-sellers dans la consommation, y compris pour les contenus créatifs. Une telle domination est cependant amenée à reculer en raison du développement d’Internet. Plus précisément le phénomène de la Longue Traîne est composé de deux tendances liées :
  • L’importance des best-sellers tend à diminuer au moins relativement, sinon absolument. Autrement dit, nous assistons à la fin du monopole des best-sellers en termes de notoriété, de ventes et de profits.
  • La traîne s’allonge, c’est-à-dire qu’il y a de plus en plus d’œuvres ayant un faible nombre de consommateurs qui sont disponibles.
Les produits de la traîne demandés par un faible nombre de consommateurs sont généralement insuffisamment rentables pour être pris en charge par la plupart des distributeurs du monde physique. Chris Anderson rappelle en effet une loi statistique (dite principe de Pareto ou loi des 80/20) à l’œuvre sur les marchés des biens de contenu, selon laquelle 20 % des produits font 80 % des ventes et donc, compte tenu des coûts de référencement et de stockage, 100 % des profits. Il en résulte que dans le monde physique tous les produits ne sont pas disponibles, c’est particulièrement vrai de tous ceux qui appartiennent à la traîne. Or, ceux-ci représentent la grande majorité des produits. Par conséquent, non seulement l’offre est limitée, moins variée que ce qu’elle pourrait être potentiellement, mais surtout, le résultat est qu’une partie des consommateurs n’y trouve pas son compte. La preuve en est, d’après Chris Anderson, que, dès lors que la variété offerte est augmentée, la consommation se porte aussitôt sur un plus grand nombre de produits différents. Cette traîne est en revanche présente sur Internet et elle tend à s’y développer.
 

 
La Longue Traîne résulte avant tout d’une révolution technologique. L’influence d’Internet et des technologies numériques sur le développement de cette Longue Traîne s’explique de trois manières complémentaires :
  • Une démocratisation des moyens de production (en termes de coût et de simplicité), pour toutes sortes de contenus, qui repose avant tout sur le développement et les améliorations connues par l’ordinateur personnel ;
  • Une baisse des coûts d’accès aux œuvres. Les individus ont désormais un choix infini ;
  • La possibilité de relier suffisamment de consommateurs pour construire des niches de marché assez grandes. Les contraintes géographiques sont désormais moins fortes.
Par conséquent, d’après Chris Anderson, Internet élimine les contraintes qui étaient celles du monde physique, à savoir des contraintes de rareté spatiale. Ainsi il n’est pas possible de diffuser toutes les chansons qui ont été enregistrées sur une chaîne de radio, ou de proposer tous les DVD qui ont été édités dans les rayons d’un supermarché. Le fait que de telles limitations n’existent plus sur Internet peut bénéficier aux consommateurs – et d’après Chris Anderson, c’est ce qui va nécessairement arriver puisque ces consommateurs vont avoir en effet accès à une plus grande diversité de contenus. Par conséquent, ils vont augmenter leur consommation de contenus, au bénéfice des producteurs et distributeurs. Les implications précises seront envisagées dans la section finale mais il est d’ores et déjà possible de conclure que la théorie de la Longue Traîne est une théorie optimiste quant aux changements apportés au sein des industries créatives par Internet.

Longue Traîne vs Superstars

Au fur et à mesure que la théorie de Chris Anderson s’est répandue sur Internet et a été reconnue au sein de la communauté des chercheurs, de plus en plus de gens ont essayé de déterminer si cette théorie décrivait une tendance existante, ou si au contraire Internet menait à une importance encore plus grande des best-sellers, autrement dit les Superstars. Cette tendance alternative peut être comprise au travers de la théorie des Superstars.
 
Cette théorie cherche à expliquer pour quelles raisons, en dépit d’une large variété de produits disponibles, la consommation se concentre sur un très petit nombre d’entre eux, à savoir les Superstars.
 
Sherwin Rosen distingue à l’origine du phénomène des Superstars les goûts des consommateurs et la technologie utilisée (2). D’une part, pour certaines catégories de produits, les consommateurs pensent qu’il y a une très faible substituabilité entre des producteurs de talents différents. Par conséquent, une légère supériorité en termes de talent entraîne une large supériorité en termes de revenus. Sherwin Rosen donne l’exemple des chirurgiens : si un chirurgien est un tout petit peu meilleur que les autres (en termes de taux de réussite), tout le monde souhaitera être opéré par lui, ce qui lui permettra de réclamer un prix bien plus élevé pour ses interventions.
 
D’autre part, Sherwin Rosen donne un rôle déterminant au fait que des technologies de diffusion et de consommation reposant sur des coûts marginaux faibles favorisent le développement de Superstars en permettant l’extension de leur marché. Ainsi, l’amplification a permis aux interprètes (notamment les chanteurs) de jouer face à des audiences de plus en plus larges. Du point de vue de la demande, quand un consommateur doit choisir entre deux spectacles, il va choisir celui qui est meilleur, même si la différence est faible. Si tous les consommateurs choisissent le même spectacle, l’interprète ainsi choisi va gagner énormément d’argent, au détriment de ses concurrents. La principale limite de l’approche de Sherwin Rosen réside dans l’hypothèse que tous les consommateurs savent et s’accordent sur la qualité des produits.
 
L’autre théoricien des Superstars est Moshe Adler, dont l’argument principal est la nécessité que ressentirait chacun de consommer les mêmes produits que les autres (3). Au point de départ de cette nécessité se trouve le fait que les consommateurs font face à des produits dont ils ne peuvent connaître la qualité. Pour cela – et aussi parfois dans le cadre de phénomènes de mode – leur satisfaction s’accroît avec la connaissance qu’ils ont de ces produits. Au final le produit le plus susceptible d’être consommé est celui sur lequel il y a le plus d’information disponible, celle-ci ne nécessitant pas forcément d’être élogieuse.
 
Un point remarquable ici est que la consommation elle-même amène de l’information sur la qualité du produit, ce qui renforce la notoriété et le succès de la Superstar. L’information est en tout cas au cœur de l’approche de Mosh Adler, au travers de mécanismes qui ont depuis été approfondis par la théorie des cascades informationnelles (4) et dans le livre de Robert H. Frank et Philip J. Cook (5).
 
Ayant publié leurs travaux dans les années 80, ni Sherwin Rosen ni Mosh Adler ne pouvaient envisager l’impact d’Internet sur les Superstars. Néanmoins, il est évident que les technologies numériques permettent une baisse des coûts marginaux et donc, en suivant l’argumentation de Sherwin Rosen, conduisent à une encore plus grande concentration de la consommation sur les Superstars. Par ailleurs, Internet permet qu’une encore plus grande masse d’informations sur les Superstars soit amenée à circuler, qui plus est à un rythme toujours plus grand. En reprenant l’approche de Mosh Adler, cela tend également à donner davantage de poids aux Superstars. Dans tous les cas, il est possible d’arguer qu’Internet favorise une concentration de la consommation sur un nombre restreint de produits, ce qui contredit la théorie de la Longue Traîne.

Une tendance vers le développement d’une Longue Traîne ? Quelques confirmations et critiques empiriques

De nombreuses études sont parues qui se sont évertuées à vérifier ou contredire la théorie de la Longue Traîne, souvent en l’opposant à celle des Superstars. Un échantillon représentatif d’entre elles est résumé dans le tableau final.
 
Certaines études concluent que le phénomène de la Longue Traîne peut être observé dans certains secteurs. Ainsi Chris Anderson, à partir de données sur les ventes en ligne de morceaux de musique numérisés (sur Rhapsody), de DVD (sur Netflix), et de livres (sur Amazon), trouve que la Longue Traîne – autrement dit les produits qui ne sont pas disponibles dans les magasins traditionnels – représentent une part importante des ventes : 40% pour les morceaux de musique ; 21% pour les DVD ; 25% pour les livres. De plus, cette part est amenée à s’accroître.
 
De tels résultats ont été confirmés, quoique avec des nuances, par Anita Elberse et Felix Oberholzer-Gee pour les ventes de vidéos (6) ; par Jure Leskovec, Bernardo A. Huberman et
Lada A. Adamic dans le cas des recommandations en ligne de livres, de DVD, de VHS et de musique (7) ; par le site de vente de musique en ligne e-music (8) ; et par Pierre-Jean Benghozi dans la cas des CD et DVD en France (9).
 
La théorie de la Longue Traîne a également fait l’objet de critiques. Ainsi Will Page, l’économiste en chef de PRS for Music (la société britannique de gestion des copyrights dans la musique) a plusieurs fois exprimé des doutes quant à la validité de cette théorie dans le cas de l’industrie musicale. Il a en particulier montré l’absence de cette Longue Traîne pour les ventes de morceaux de musique numérisés ainsi que pour les échanges sur les réseaux peer-to-peer (voir le graphique suivant). Analysant les données pour le secteur du livre en France en 2005, l’économiste Françoise Benhamou affirme qu’Internet n’a eu un grand impact ni sur le montant total, ni sur la structure, des ventes du secteur (10). Quoique intéressantes, ces recherches pêchent quant aux données utilisées, soit très particulières dans le cas de Françoise Benhamou, soit peu clairement définies dans le cas de Will Page.
 


Les arguments de Will Page : il n’y a de Longue Traîne ni pour les téléchargements légaux de morceaux ni pour les échanges non autorisés sur les réseaux peer-to-peer
 
Une contre argumentation intéressante est fournie par Anita Elberse, qui montre que, certes, la traîne va en s’allongeant (de plus en plus de titres sont disponibles et sont consommés au moins une fois), mais qu’en revanche les transactions en ligne sont très concentrées, parfois plus que dans les circuits de distribution traditionnels (11). Par exemple 1% de tous les morceaux disponibles sur Rhapsody représentent 32% des titres joués. Un tel écart s’explique cependant parce que le nombre de titres disponibles sur Rhapsody est si important que la consommation paraît concentrée en termes relatifs mais l’est beaucoup moins en termes absolus. Ainsi ces fameux 1% représentent environ 10 000 morceaux – bien plus que ce qui pourrait être diffusé sur n’importe quelle radio même pendant un mois.
 
Au final, les études tendent à montrer l’existence d’une tendance vers le développement d’une Longue Traîne pour les industries créatives. C’est pourquoi nous considérons maintenant les conséquences que ce développement pourrait avoir sur celles-ci.

Les conséquences à attendre de la Longue Traîne

L’impact du développement d’une Longue Traîne sur les industries créatives est foncièrement lié aux spécificités de chacune de ces industries. Ainsi, ce phénomène est favorisé par la dématérialisation. Par exemple, le mp3 est plus propice que le disque compact à l’émergence d’une Longue Traîne. Plus largement, l’industrie musicale est plus prometteuse de ce point de vue par rapport à l’industrie cinématographique dans la mesure où les revenus issus du numérique y représentent respectivement 27 et 5% de l’ensemble des revenus. Il est néanmoins intéressant de se pencher sur les conséquences générales qu’aurait la Longue Traîne sur les industries créatives, et en particulier sur ceux qui seraient le plus à même d’en profiter.
 
Pour devenir véritablement opérante, la Longue Traîne nécessite l’existence de dispositifs aidant les consommateurs dans leur recherche d’information. En d’autres termes des filtres sont essentiels pour que tout consommateur puisse trouver ce qu’il cherche ou ce qui va lui plaire. Dans le monde physique, un des principaux filtres est la publicité et plus largement toutes les activités de signalisation. En effet, les produits qui vont être sélectionnés (c’est-à-dire publiés, diffusés, sortis, etc.) sont généralement ceux qui se différencient des autres pour telle ou telle raison, comme la notoriété de leur créateur ou pour un film l’utilisation d’effets spéciaux coûteux.
 
Internet donne davantage de moyens qu’avant de découvrir de nouveaux produits, non seulement en raison de la grande diversité des contenus disponibles mais aussi parce que la recherche d’informations y est moins coûteuse et qu’il est devenu plus facile d’avoir accès à des contenus, tout au moins à des extraits. Les dispositifs permettant de trouver ou de découvrir des informations sur des contenus créatifs incluent les moteurs de recherche, le sampling (par exemple pour les bandes-annonces), le bouche-à-oreille (par exemple au travers des blogs) et les systèmes de recommandation basés sur les opinions ou les comportements des internautes.
 
Les consommateurs ont ainsi accès à une plus grande diversité de produits, ce qui leur permet de satisfaire leur éclectisme ou de trouver le produit le plus proche de leurs goûts. Par conséquent, les consommateurs sont les premiers bénéficiaires de la Longue Traîne. Cela va néanmoins dépendre du type de dispositifs auquel ils auront recours pour trouver les produits qu’ils vont consommer. Ainsi les résultats renvoyés par le moteur de recherche de Google dépendent, entre autres, de la popularité de la page. L’usage de ce moteur risque donc en fait de conduire à davantage de concentration de la consommation.
 
Une autre question importante est de savoir si la Longue Traîne va profiter aux offreurs de contenus créatifs. Une erreur commune est de croire que, grâce à ce phénomène, chaque producteur ou distributeur indépendant va devenir prospère en passant sur la Toile. Ce n’est pourtant ni ce qu’affirme Chris Anderson, ni ce qu’on pourrait déduire de sa théorie. Certes leur situation devrait en moyenne légèrement s’améliorer, notamment parce que la Longue Traîne a les conséquences suivantes pour eux :
  • ils vont pouvoir garder un lien avec les consommateurs passés à un coût plus faible (par exemple grâce à leur site Internet, par les newsletters) ;
  • ils vont bénéficier de coûts de production et de distribution plus faibles ;
  • ils vont moins souffrir des barrières à l’entrée à l’œuvre dans les réseaux de distribution traditionnels, qui reposaient notamment sur l’existence d’une rareté physique.
Néanmoins d’un point de vue économique, les véritables gagnants devraient être les agrégateurs, c’est-à-dire les firmes qui groupent et proposent une grande diversité de biens et de services, et surtout aident les consommateurs à choisir au sein de cette diversité. Il s’agit par exemple d’iTunes, d’Amazon ou de Youtube. Leur principal atout est leur capacité à combiner des best-sellers (pour attirer un grand nombre de consommateurs) et des contenus plus marginaux (afin de garder ces consommateurs). Chris Anderson cite ainsi Google comme un des bénéficiaires du phénomène de la Longue Traîne. En effet, les revenus gagnés par la société au travers de la publicité se rapportent de façon croissante à des annonceurs (et des mots-clés liés) qui s’adressent chacun à un nombre plutôt faible d’internautes.

Conclusion

En conclusion, la théorie de la Longue Traîne repose sur quelques paradoxes. Tout d ‘abord, son succès contredit en partie la thèse de son auteur. Ce dernier est un journaliste, néanmoins sa théorie a conduit à de nombreuses recherches scientifiques. Surtout, ses points de départ, à savoir le rôle joué par la technologie et l’importance de l’information dans le choix du consommateur sont presque triviaux. Pourtant, Chris Anderson a renversé ces postulats pour promouvoir sa vision d’un futur proche dans lequel un choix infini conduirait à une demande illimitée. Les conséquences de sa théorie sont donc non seulement désirables d’un point de vue économique ou culturel, mais également déjà perceptibles.

Références choisies

Livres :

  • Chris ANDERSON, The Long Tail: Why the Future of Business is Selling Less of More, Hyperion, New York, 2006.
  • Robert H. FRANK and Philip J. COOK, The Winner-Take-All Society, The Free Press, New York, 1995.
Revues :
  • Mosh ADLER, “Stardom and talent”, American Economic Review, 75, 208–212, 1985
  • Pierre-Jean BENGHOZI, “Effet Long Tail ou effet podium : une analyse empirique des ventes de produits culturels en France”, Mars 2008.
  • Françoise BENHAMOU, “Éléments de réflexion et propositions à propos de la diversité culturelle, rapport pour le Groupe d’analyse stratégique des industries culturelles”, (Gasic)/DEPS, janvier 2008.
  • Erik BRYNJOLFSSON, Yu HU, and Michael D. SMITH, “Consumer Surplus in the Digital Economy: Estimating the Value of Increased Product Variety at Online Booksellers”, Management Science, 2003.
  • Anita ELBERSE, “Should you invest in the Long Tail?”, Harvard Business Review, 2008.
  • Anita ELBERSE, and Felix OBERHOLZER-GEE, “Superstars and Underdogs: An Examination of the Long Tail Phenomenon in Video Sales”, Harvard Business School Working Paper, No. 07-015, 2006.
  • Will PAGE and Eric GARLAND, “The long tail of P2P”, Economic Insight, PRS for Music, 14, 14.05.2009.
  • Sherwin ROSEN, “The economics of superstars”, American Economic Review, 71, 845–858, 1981.
 
Industrie
Période
Pays
Ce qui est mesuré
Référence
Thèse élaborée (dans le cadre de la théorie de la Longue Traine)
Édition
2001-2003
Usa
Ventes de livres chez Amazon. Offline et Online
Brynjolffson et al. (2003)(12)
Une part importante des ventes en ligne correspond a des produits spécifiques qui ne sont pas disponibles dans les commerces traditionnels. Si la règle 80/20 correspond assez bien à la distribution des ventes de produits dans ces commerces, pour les commerces en ligne il s’agit plutôt de 72/28. En fin de compte, ces produits spécifiques trouveront de nouveaux consommateurs en ligne et deviendront de plus en plus rentables. En d’autres mots, la traine deviendra de plus en plus longue et importante.
Vidéo, enregistrement, édition, etc.
mi-2000
Usa
Ventes en ligne de pistes de musique (chez Rhapsody), DVD (chez Netflix) et livres (chez Amazon)
Anderson (2006)(13)
 La Longue Traine (les produits qui ne sont pas disponibles dans les magasins traditionnels) représente un part importante et en augmentation des ventes (et des bénéfices), par exemple : 40% pour les pistes de musique, 21% pour les DVD et 25% pour les livres.
Vidéo
janvier 2000 - août 2005
Usa
Ventes d'un échantillon de 3700 titres en format DVD et (en chevauchement partiel) 3000 titres en format VHS
Elberse and Oberholzer-Gee (2006)(14)
Il y a un effet de longue traine en ce sens que le nombre de titres qui ne se vendent qu’à quelques exemplaires par semaine augmente, même s’il existe une augmentation sensible du nombre de titres qui ne se vendent pas. Au niveau des titres plus performants il faut constater que c’est le nombre de films en diminution qui constitue les gros des ventes. Toutefois si les ventes baissent pour tous les films, cet effet est plus prononcé parmi les best-sellers.
Édition
Sept 2005 - Avril2006
Usa
Ventes quotidiennes en ligne de 3210 livres de toutes les principales catégories de titres (chez Amazon.com et Barnes et Noble.com)
Ghose and Gu (2006)(15)
Les coûts de recherche varient sensiblement parmi les vendeurs en ligne (pour des raisons non-identifiées). Les coûts de recherche de livres  peu demandés sont très supérieurs à ceux des titres plus demandés. Amazon pourrait bénéficier beaucoup plus des réductions de prix que Barnes & Noble en raison du coût inférieur de recherche d’informations sur les prix subis par les consommateurs : motif pour Amazon de réduire les prix des livres peu demandés pour ensuite profiter de la Longue Traine. En fait, le prix moyen des livres peu demandés est sensiblement plus bas chez Amazon. Les libraires en ligne peuvent  avoir intérêt à réduire les coûts de recherche des livres peu demandés pour exploiter la Longue Traine qui se dégage.
Télévision
1950 - Aujourd'hui
Usa
Le nombre de chaînes de télévision disponibles
Bear Stearns (2007)(16)
Au fur et à mesure que le nombre de chaines de télévision augmentaient, la demande d’ensemble augmentait également mais plus lentement, les succès devenaient moins importants (en audimat), la demande évoluait vers la traine (les chaines autres que les 3 grandes), alors que la traine elle-même (le câble financé par la publicité) devenait plus importante que les trois grandes. Analogie avec la situation d’aujourd’hui, surtout pour UGC.
-
-
-
Simulation de l'influence des prescripteurs sur la diversité des ventes
Fleter and Hosanagar (2007)(17)
Les systèmes de recommandation (comme prévus dans la simulation) ont tendance à concentrer les ventes. Parmi les explications possibles : la diversité peut augmenter au niveau individuel et décroitre dans l’ensemble / les recommandeurs peuvent augmenter la concentration dans le nouveau monde de recherche et d’offres nombreuses  tout en la réduisant par rapport à un monde plus ancien de listes de bestsellers et de produits mis en valeur.
Vidéo,enregistrement et édition
5 juin 2001 - 16 mai 2003
Usa
Ventes en ligne de livres, DVD, musique et vidéo suivant recommandations et uniquement dans le cadre du système de recommandations
Leskovec et al. (2007)(18)
Un volume important des ventes correspond à des produits qui se vendent peu de fois. Tranche supérieure 100:  11.4% de l’ensemble des ventes ; tranche supérieure 1000 27% ; 67% de l’ensemble représente un seul achat et constitue 30% de toutes les ventes.
Industrie du mariage
Juin - Sept 2006
Usa
Le nombre de clics sur les différents vendeurs figurant sur un site Web consacré à l'organisation des mariages.
Tucker and Zhang (2007)(19)
Un effet de traine marqué : les clients sont susceptibles de cliquer sur les vendeurs plus populaires lorsque les informations de popularité sont annoncées et la notation figure sur la page. Cet effet complète l’effet longue traine plutôt que de le concurrencer.
Enregistrement et vidéo
2002 - 2005
France
Ventes online et offline de CD et de DVD
Benghozi (2008)(20)
Pour les CD, les tubes se vendent mieux par le circuit traditionnel qu’en ligne ; davantage de titres plus obscurs se vendent online. L’effet Traine Longue est plus intense online pour les CD. Les ventes de DVD sont moins concentrées online.
Édition
2005
France
Ventes des 693 titres de la saison de l'édition
Benhamou (2008)(21)
Les ventes en ligne ne constituent qu’une part limitée des ventes et l’internet n’apporte pas de modifications majeures à la structure des ventes.
Enregistrement et vidéo
3 mois en 2006 (Rhapsody); 6 mois en 2006 (Quickflix); Jan 2005 - April 2007 (Nielsen SoundScan)
Usa
Lecture de pistes de musique (chez Rhapsody), ventes d'enregistrements (Nielsen Soundscan) et location de DVD (chez Quickfix)
Elberse (2008)(22)
La Traine s’allonge (davantage de titres disponibles et consommés plus d’une fois) Toutefois les transactions numériques sont concentrées (par ex. le 1% supérieur – environ 10,000 titres – représente 32% de l’ensemble des lectures sur Rhapsody ; le 1% supérieur – environ 160 titres – représente 18% de toutes les locations sur Quickfix. Les transactions numériques peuvent être encore plus concentrées que les matérielles (par ex. d’après Nielsen Soundscan en termes relatifs).
Enregistrement
n/a
UK
Ventes en ligne d'un échantillon de pistes de musique numérisées (aucune information sur le débouché)
80% des pistes n’ont rien écoulés du tout. Par ailleurs, approximativement 80% des revenus de ventes provenait d’environ 3% des pistes qui ont été vendues au moins une fois. Enfin, seules 40 pistes ont dépasse les 100,000 exemplaires vendus, correspondant à 8% des ventes.
Enregistrement
n/a
n/a
Fichiers musicaux échangés sur le réseaux P2P
Page and Garland (2009)(23)
Dans le marché P2P observé par BigChampagne, 95% des stocks ne représentaient que 20% des échanges.
Enregistrement
n/a
n/a
Ventes de pistes de musique sur téléphones portables par 24/7 Entertainment
Van Buskirk (2008)(24)
24/7 Entertainment fournit 4,5 millions de chansons aux services de musique mobiles. 66% de ces chansons n’ont j amais été achetés ou téléchargés.
Enregistrement
2008
Worldwide
Ventes en ligne de pistes de musique sur eMusic
eMusic (2009)(25)
75%  des 5 millions de pistes chez eMusic ont été écoulés au moins une fois en 2008 selon une analyse récente des données mondiales des ventes.

(1)

Chris ANDERSON, The Long Tail: Why the Future of Business is Selling Less of More, Hyperion, New York, 2006. 

(2)

Sherwin ROSEN, (1981). “The economics of superstars”. American Economic Review 71, 845–858. 

(3)

Mosh ADLER, (1985). “Stardom and talent”. American Economic Review 75, 208–212. 

(4)

Bikhchandani, Sushil, Hirshleifer, David, Welch, Ivo (1992), “A Theory of Fads, Fashion, Custom, and Cultural Change as Informational Cascades”, The Journal of Political Economy, 100, 5, 992-1026. 

(5)

Robert H. Frank, Philip J. Cook, (1995). The Winner-Take-All Society. The Free Press, New York. 

(6)

Anita ELBERSE and Felix OBERHOLZER-GEE. "Superstars and Underdogs: An Examination of the Long Tail Phenomenon in Video Sales." Harvard Business School Working Paper, No. 07-015, 2006. 

(7)

Jure LESKOVEC, Lada A. ADAMIC and Bernardo A. HUBERMAN. 2007. The dynamics of viral marketing. ACM Trans. Web, 1, 1, Article 5 (May 2007), 39 pages. 

(8)

eMusic Sales Data Supports "Long Tail" Concept Approximately 75% of Tracks Sold in 2008; Catalogue Crosses Five Million, Marketwire, 15 Jan 2009. 

(9)

Pierre-Jean BENGHOZI, "Effet Long Tail ou effet podium : une analyse empirique des ventes de produits culturels en France", Mars 2008. L’auteur discute également le fait que le Longue Traîne représenterait une part plus significative des ventes à certains moments de l’année en fonction du type de bien et de réseau de distribution. Par exemple, la Longue Traîne est davantage développée pour la vidéo durant l’hiver (points de vente traditionnels) ou le printemps (vente en ligne). 

(10)

Françoise BENHAMOU, "Éléments de réflexion et propositions à propos de la diversité culturelle, rapport pour le Groupe d’analyse stratégique des industries culturelles." (Gasic)/DEPS, janvier 2008. 

(11)

Anita ELBERSE, "Should you invest in the Long Tail?", Harvard Business Review, 2008. 

(12)

Brynjolfsson, Yu Hu and Michael D. Smith, Consumer Surplus in the Digital Economy: Estimating the Value of Increased Product Variety at Online Booksellers, Management Science, 2003. 

(13)

Chris Anderson, The Long Tail: Why the Future of Business is Selling Less of More, Hyperion, New York, 2006. 

(14)

Anita Elberse and Felix Oberholzer-Gee, Superstars and Underdogs: An Examination of the Long Tail Phenomenon in Video Sales., Harvard Business School Working Paper, No. 07-015, 2006. 

(15)

Anindya Ghose and Bin Gu, Search Costs, Demand Structure and Long Tail in Electronic Markets: Theory and Evidence, NET Institute Working Paper #06-19, October 2006. 

(16)

Bear Stearns, Entertainment Industry. A Longer Look at the Long Tail, June 2007. 

(17)

Daniel M Fleder, Kartik Hosanagar, Blockbuster Culture’s Next Rise or Fall: The Impact of Recommender Systems on Sales Diversity, NET Institute Working Paper #07-10, September 2007. 

(18)

Jure Leskovec, Lada A. Adamic, and Bernardo A. Huberman, 2007. The dynamics of viral marketing.ACM Trans. Web, 1, 1, Article 5 (May 2007), 39 pages. 

(19)

Chris Tucker and Jianhua Zhang, “Long Tail or Sleep Tail? A Field Investigation into How Online Popularity Information Affects the Distribution of Customer Choices”, MIT Sloan School Paper 4655-07, 2007. 

(20)

Pierre-Jean Benghozi, Long Tail ou effet podium : une analyse empirique des ventes de produits culturels en France, Mars 2008. 

(21)

Françoise Benhamou, Éléments de réflexion et propositions à propos de la diversité culturelle, rapport pour le Groupe d’analyse stratégique des industries culturelles, (Gasic)/DEPS, janvier 2008 

(22)

Anita Elberse, Should you invest in the Long Tail?, Harvard Business Review, 2008. 

(23)

Will Page and Eric Garland, (2009), The long tail of P2P, Economic Insight, PRS for Music, 14, 14.05.09. 

(24)

Eliot Van Buskirk, Does The Long Tail Apply to Mobile Music?, Wired, 2008. 

(25)

eMusic Sales Data Supports "Long Tail" Concept Approximately 75% of Tracks Sold in 2008; Catalogue Crosses Five Million, Marketwire, 15 Jan 2009. 

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