Publié le 10 avril 2015
Le poids des politiques pèse sur l’audiovisuel par les conséquences que leurs contradictions entraînent sur les entreprisesLes deux lois du 5 mars 2009 instituent la nomination des présidents des sociétés nationales de programme par le président de la République, réorganisent France Télévisions et décident la suppression progressive de la publicité sur les chaînes publiques. Enfin, la loi du 15 novembre 2013, réforme la composition du CSA, qui se voit confier la nomination des dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public. En tout, 11 réformes en 56 ans, qui ont créé une instabilité institutionnelle et juridique. D’autant plus qu’au fil des temps les gouvernements ont imposé des missions diverses et parfois contradictoires à l’audiovisuel public : faire de l’audience ou de la qualité, promouvoir la production française tout en dépensant moins, éduquer les publics à la diversité, à l’Europe, au développement durable, aux médias, respecter un pluralisme tatillon, etc., tout en affirmant que le service public est un puits sans fond et un secteur ringard.
Les présidents installés sur des sièges éjectables ne peuvent mettre en route ni la refonte des programmes ni les réformes de fondNommés par le CSA, dont ils dépendent pour le respect des obligations contractuelles de leurs entreprises, les présidents dépendent du gouvernement, notamment des ministres de la Culture et du Budget, pour le financement de leur action et de leur entreprise, à travers la redevance et le Contrat d’objectifs et de moyens (COM). Les entreprises de l’audiovisuel public sont ainsi chargées de diverses missions (production, réalisation, contenus) qui alourdissent et complexifient les grilles de programmes tout en plombant les audiences. Le refus de l’augmentation de la redevance ou de son assiette et la réduction des recettes publicitaires voulue par la réforme Sarkozy de 2009 n’ont pas amélioré les finances de ces entreprises.
Le service public à la française est vu comme un service rendu aux salariés, bien plus qu’un service rendu au publicIl a fallu des décennies pour faire disparaître les fonctionnaires, qui durant longtemps avaient le droit de conserver leur statut. L’esprit de service public revendiqué par les salariés fait ainsi référence à l’appartenance à un statut de quasi fonctionnaire. Ce sentiment a été renforcé parce que la multiplicité des catégories (il y en avait déjà 159 au sein de l’ORTF) ne permet pas de ressentir une autre unité sociale. Ainsi, nombre de salariés de l’audiovisuel public n’ont pas le sentiment de travailler dans une entreprise et n’en voient donc pas les contraintes. Le service public à la française est vu comme un service rendu aux salariés, bien plus qu’un service rendu au public. Enfin, les présidents et gouvernements successifs ont parfois été tentés de laisser filer les emplois et les primes afin de préserver une paix sociale relative, donc leur mandat.
La plupart des pays européens ont redéfini les missions des entreprises de l’audiovisuel public avec l’idée simple qu’il fallait les adapter au XXIe siècleLa convergence numérique des médias, qui signifie que le public n’est plus captif et qu’il peut consommer des programmes sur des écrans divers (téléviseur, ordinateur) et mobiles (tablettes, téléphones portables), qu’il peut surfer sur plusieurs écrans et zapper sur plusieurs médias a entraîné dans la plupart des pays européens une redéfinition des missions et des pratiques des entreprises de l’audiovisuel public ; souvent au prix d’une réduction des personnels et de leurs avantages acquis. Ces réformes ont été accomplies dans la douleur, mais elles reposaient sur l’idée simple qu’il fallait adapter l’audiovisuel public au XXIe siècle et aux nouvelles consommations.
Il serait urgent de recréer un service unifié de l’audiovisuel public mais en lui conférant son indépendanceSoit on mène une réforme d’inspiration libérale, qui dissoudrait les trois entités France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, licencierait l’ensemble des personnels et créerait une BBC française dirigée par un conseil d’administration indépendant. Ce serait très douloureux pour les salariés, cela demanderait du temps, tandis que les politiques seraient frustrés de ne plus avoir d’influence sur la nouvelle entreprise ; cette option est peu probable, tant les chocs de ce type sont étrangers aux mentalités françaises.