Quand les youtubeurs investissent le champ politique

Quand les youtubeurs investissent le champ politique

Depuis la création de YouTube et Dailymotion en 2005, la vidéo sur Internet s’est inscrite dans la culture médiatique. De nouveaux acteurs renouvellent la communication politique en proposant des formats proches des citoyens. Une approche alternative qui suscite l’intérêt des politiques.

Temps de lecture : 12 min

Depuis le lancement des célèbres plateformes d’hébergement de vidéos YouTube et Dailymotion, respectivement créées en février et en mars 2005, l’utilisation de la vidéo sur Internet s’est généralisée. Dix années seulement ont suffi pour que les sites et applications dédiées (Vine, Snapchat…) marquent de leur empreinte la culture médiatique contemporaine.

Les campagnes présidentielles n’ont pas échappé à cette dynamique de conquête. En quelques années, ses formats et ses usages politiques se sont considérablement diversifiés : WebTV intégrées aux sites de campagne, podcasts, spots et clips promotionnels, expérimentations plus ou moins heureuses de stories politiques sur Snapchat… Objet labile et fugace, la vidéo est progressivement devenue un outil incontournable en matière de communication numérique.
 

Les usages éclectiques des vidéos politiques

Pour les responsables politiques, la vidéo incarne ainsi l’opportunité d’un renouveau stratégique, en particulier lors des campagnes présidentielles. Le scrutin élyséen avait déjà été marqué par l’irruption de cet objet d’un genre nouveau dans le paysage de la communication électorale. Ces usages pionniers annonçaient alors les promesses heureuses et malheureuses qu’allait apporter la vidéo aux acteurs politiques. En effet, si elle renouvelle la gamme des outils de marketing électoral mis à disposition des candidats, la vidéo soumet également ces derniers aux aléas du buzz et des emballements d’audience incontrôlés. Rappelons à cet égard l’irruption polémique dans le débat public du célèbre « Casse-toi pauvre con ! » lancé le 23 février 2008 par Nicolas Sarkozy, alors président de la République, à un visiteur du Salon de l’agriculture, ou encore à la circulation dissonante du néologisme « bravitude » prononcé par Ségolène Royal le 6 janvier 2007 en pleine campagne présidentielle, à l’occasion d’une visite officielle de la candidate socialiste en Chine.
 

Par-delà leur impact sur l’image et la réputation des personnalités incriminées, ces deux séquences, l’une native d’Internet, l’autre télévisuelle, témoignent des transformations naissantes qu’allait alors introduire l’utilisation de la vidéo dans le champ de la communication politique.

Née avec la multiplication et la sophistication grandissante des appareils de prises de vues numériques dans un contexte d’effervescence autour des réseaux sociaux, la vidéo s’est imposée au milieu des années 2000 comme une catégorie particulièrement éclectique d’objets portant, selon des visées et des modalités diverses, un discours sur la politique : séquences télévisuelles, reportages journalistiques, spots promotionnels, parodies...

La pluralité des formats que recouvre la vidéo rend compte d’une liberté de ton et de création qui, en prenant le contrepied de la référence télévisuelle, a progressivement institué Internet en espace légitime de médiatisation de la vie politique.

L’extension du domaine politique à un spectre élargi d’acteurs

Par ailleurs, l’éclectisme des vidéos et la diversité de leurs usages témoignent des profonds bouleversements qui ont affecté la sociologie de la communication politique au tournant des années 2000. Alors que l’espace public, jusqu’alors fondé sur le rôle central des médias d’information classiques, valorisait le discours d’un cercle restreint d’acteurs (personnel politique, journalistes, professionnels de la communication…), le développement des dispositifs numériques et les nouvelles formes de sociabilité en ligne (blogs, réseaux sociaux…) ont substantiellement changé la donne. Le débat politique s’est ainsi ouvert à un spectre élargi d’acteurs, au-delà de ses territoires autorisés et reconnus comme tels.

 L’éclectisme des vidéos et la diversité de leurs usages témoignent des profonds bouleversements qui ont affecté la sociologie de la communication politique au tournant des années 2000. 

Cette « extension du domaine politique(1)  » s’est non seulement inscrite dans la continuité de logiques préexistantes, celles du marketing politique, de l’activisme militant ou du journalisme, mais elle a également rendu visibles de nouvelles formes d’engagements, de représentations et de discours sur la politique. Polyphonique et foisonnante, l’activité des internautes amateurs s’est mêlée à celle des professionnels de la communication dans un jeu de fertilisations croisées.

Les vidéos en ligne témoignent de ces interactions et de ces relations diverses des usagers à la politique (militer, débattre, analyser, commenter, rire…). Elles rendent également compte de l’indéniable renouveau des formes d’expression dans le domaine audiovisuel (vidéos satiriques, parodiques ou pamphlétaires, vidéos amateurs de fact-checking politique, vidéos de réflexions et d’analyses…). À titre d’exemple, les gifs (Graphic Interchange Format), images numériques animées très fréquemment utilisées sur Internet, sont désormais mobilisés au-delà du seul divertissement pour incarner un point de vue distancié et humoristique sur la vie politique, ce dont témoigne leur abondante diffusion dans le cadre de l’élection présidentielle de 2017.

En France, le succès récent des youtubeurs politiques confirme cette dynamique de diversification des acteurs et des usages des vidéos politiques. Témoins des pratiques culturelles et médiatiques émergentes, les contenus diffusés sur les chaînes YouTube de ces jeunes acteurs offrent à la vidéo de belles perspectives d’avenir dans la vie politique, dont il convient d’interroger les tenants et les aboutissants.

La politique investie par la culture numérique : l’émergence des youtubeurs politiques

L’inscription progressive d’Internet et de ses supports techniques dans les pratiques médiatiques contemporaines a progressivement conduit à l’émergence d’une culture propre, marquée par les formats, les pratiques et les représentations du numérique. Mobilisée dans divers domaines (divertissement, vie quotidienne, mode…) à partir des dispositifs fétiches du numérique (blogs et assimilés, Twitter, YouTube…) et de protagonistes devenus célèbres (Norman, Cyprien, Squeezie…), cette culture digitale est marquée par le rôle central de la vidéo.

 Jusqu’alors relativement délaissée par les youtubeurs français, la politique a fait depuis peu son apparition sur la célèbre plateforme d’hébergement de vidéos, en offrant au public un ensemble éclectique de contenus à visée explicative.  

Jusqu’alors relativement délaissée par les youtubeurs français, la politique a fait depuis peu son apparition sur la célèbre plateforme d’hébergement de vidéos, en offrant au public un ensemble éclectique de contenus à visée explicative. Le succès rencontré par les chaînes de plusieurs internautes, sous les pseudonymes Usul, Osons causer ou Hugo Décrypte, témoigne d’une dynamique nouvelle d’appropriation de la politique au prisme de la culture numérique. Le phénomène n’est pas nouveau : les forums et les blogs ont, en leur temps, initié un premier mouvement de « déformalisation » de la discussion politique et favorisé échanges et mobilisations en ligne, toutes sensibilités confondues.

Parler autrement de la politique

Le succès des youtubeurs politiques français s’inscrit dans cette dynamique. Il révèle une adaptation de l’image et du discours des jeunes protagonistes aux canons esthétiques et communicationnels de la vidéo numérique. À l’image de la chaîne « Osons causer », l’énonciation s’affranchit des normes qui caractérisent les discours et échanges entre journalistes et personnalités politiques sur les plateaux de télévision. Prenant le contre-pied de ce modèle, elle entend mettre en place une relation de proximité avec le public. L’adresse inaugurale de Ludovic Torbey aux internautes (« Wesh wesh les amis ! ») est rituelle et permet aisément d’identifier la chaîne tout en indiquant que le ton du discours sera familier.
 

De la même manière, le cadrage face caméra et l’intimité du décor (les vidéos sont filmées à l’intérieur d’un appartement) participent de l’originalité du dispositif. La mise en scène rompt ainsi avec le caractère solennel de la politique télévisée et table délibérément sur une relation de pair-à-pair, en d’autres termes sur la dissolution symbolique de la distance entre celui qui parle et celui qui écoute.

Si la ligne éditoriale d’une chaîne YouTube comme « Osons causer » dessine en filigrane un portrait du public-type auquel elle s’adresse — un internaute plutôt jeune acclimaté aux codes culturels des réseaux sociaux et de la vidéo en ligne —, elle n’en mobilise pas moins les ressources de l’argumentation et de l’analyse. Les grandes questions d’actualité sociale, politique ou économique y sont abordées dans une perspective volontiers didactique. Il ne s’agit pas, bien au contraire, d’échapper à la logique de la démonstration, mais d’adosser le discours à des modalités d’énonciation alternatives, tirant parti d’un imaginaire de la proximité et de la transparence. Le dynamisme de la parole et la mobilisation d’infographies témoignent de la vocation pédagogique des vidéos diffusées par les youtubeurs. Il s’agit à cet égard d’offrir à la politique un nouvel espace de discussion, plus conforme à la culture médiatique émergente et soucieux de ne pas verser dans l’hermétisme.

Analyser, comprendre, s’engager

Si la question de l’accès aux enjeux qui structurent le débat public est prégnante, la vocation explicative des vidéos s’appuie également le plus souvent sur l’engagement des vidéastes à gauche de l’échiquier politique. Sur sa chaîne dédiée, le youtubeur politique Usul, anciennement membre de la Ligue communiste révolutionnaire, a lancé une série de petits web-documentaires d’une trentaine de minutes chacun, consacrés aux archétypes socioculturels de la France contemporaine : d’Élisabeth Lévy (La polémiste) à David Pujadas (Le journaliste) en passant par Bernard-Henri Lévy (Le Philosophe), Usul s’attache à interroger les discours stéréotypés qui traversent le débat public.

 La spécificité du ton et de l’énonciation, en adéquation avec les codes culturels d’Internet, permettent au youtubeur d’étayer un point de vue souvent sarcastique sur le débat public.  

D’une certaine manière, sa démarche est analogue à celle de Roland Barthes dans les Mythologies : le point de départ de son propos revêt toujours les apparences du quotidien – celui que nous rencontrons dans les grands médias d’information à travers ses protagonistes, la résonance de leurs discours et l’impact des formules dans le débat public. C’est cet ancrage médiatique qui sert de palier d’élan à une investigation documentée et critique sur la circulation sociale des représentations relevant de l’opinion commune.

Intitulée « Mes chers contemporains », cette série de vidéos politiques s’appuie également sur les ressorts communicationnels du numérique : autodérision, dynamisme, adresses au spectateur, montage sophistiqué... La spécificité du ton et de l’énonciation, en adéquation avec les codes culturels d’Internet, permettent au youtubeur d’étayer un point de vue souvent sarcastique sur le débat public. L’indéniable portée critique de son discours et ses partis-pris politiques n’enlèvent toutefois rien à l’effort d’argumentation et de réflexion qu’il déploie dans ses vidéos. En recourant à des images d’archives et à des sources reconnues pour construire ses web-documentaires, Usul entend donner une solide assise à sa démonstration.

De la même manière, Jean Massiet, jeune collaborateur d’élu parisien, propose sur sa chaîne YouTube Accropolis de commenter en direct chaque mercredi les questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Fondée sur le streaming et la participation des internautes via une fenêtre dédiée, la pratique rappelle le service Twitch, permettant aux gamers de visionner une partie de jeu vidéo et d’interagir par l’intermédiaire d’un tchat intégré. Les vidéos proposées par Accropolis s’inscrivent parfaitement dans l’air du temps. Elles se distinguent par l’originalité du dispositif proposé – du moins par son actualité et sa propension à toucher un jeune public. Elles tablent également sur la pratique désormais répandue du multitasking, consistant en l’occurrence pour le vidéaste à effectuer diverses opérations simultanément (commenter la séance, répondre aux internautes, rechercher des informations…).  Accropolis propose donc une approche médiatique originale et ludique de la vie politique, tout en s’attelant à rendre accessible le débat au plus grand nombre : les interventions des députés sont ainsi commentées et contextualisées en direct, de manière à en vulgariser leurs enjeux politiques auprès du public.

Proposer une approche crédible de la politique

Ainsi, la question de la crédibilité des youtubeurs dans le champ politique mérite-t-elle, à divers égards, d’être posée. Quelles qu’en soient les modalités énonciatives, l’effort d’argumentation dont témoignent les vidéos politiques publiées par Usul, Osons Causer ou Accropolis s’imposent comme une alternative au discours télévisuel sur la politique, mais également aux initiatives numériques menées de longue date par les sites assimilés au conspirationnisme. Alors que fleurissent les théories du complot et que l’activisme numérique des groupuscules d’extrême-droite est solidement ancré, la vidéo se présente depuis peu comme un espace de liberté et de discussion à investir dans le champ politique. L’activisme des youtubeurs incarne à cet égard un renouveau des formes de politisation sur Internet et s’inscrit idéologiquement à contre-courant des prises de positions qui ont fait la notoriété des vidéos d’Alain Soral ou de Dieudonné.

 Face à l’autorité ancienne des dispositifs télévisuels consacrés de la vie politique et du débat public, les youtubeurs politiques devront ainsi trouver leur juste place, tout en préservant le regard alternatif qu’ils entendent porter sur la politique. 

Par ailleurs, l’approche proposée par les youtubeurs politiques est intimement liée aux spécificités éditoriales de plateformes encore très récentes (YouTube et Dailymotion), et jusqu’à présent, consacrées à des sujets plus triviaux. En présentant leurs vidéos comme des alternatives aux modes de discussion traditionnels sur la politique, les youtubeurs ouvrent une nouvelle voie et gagnent sans conteste à leur cause une part non négligeable des internautes. Mais pour asseoir leur crédibilité, ils doivent encore acquérir la notoriété qui leur permettra d’être reconnus comme des espaces légitimes de débat et de médiatisation de la vie politique.

Mise en évidence par plusieurs recherches en communication, la perspective d’une « extension du domaine politique » à de nouveaux territoires médiatiques n’est pas nouvelle. Telle a été la dynamique qui, au prix de nombreuses controverses, a progressivement normalisé la présence de la politique dans les émissions de talk-show et d’infotainment(2)

Face à l’autorité ancienne des dispositifs télévisuels consacrés de la vie politique et du débat public (journaux télévisés, information politique, émissions de débats…), les youtubeurs politiques devront ainsi trouver leur juste place, tout en préservant le regard alternatif qu’ils entendent porter sur la politique.

Un nouvel objet médiatique pour la communication politique

Au regard des tendances émergentes et des mutations rapides de la communication politique, cet horizon semble loin d’être utopique. Les youtubeurs politiques devraient passer d’une notoriété encore relativement confidentielle, bien souvent associée à un public jeune (ladite génération Y), à une exposition médiatique plus large, portée par l’intérêt des médias d’information classiques à leur endroit et susceptible de les intégrer de facto dans le jeu politique classique. Ainsi le succès rencontré par les youtubeurs sur Internet éveille-t-il déjà l’intérêt des responsables politiques à la veille de l’élection présidentielle de 2017. La perspective d’une approche alternative de la discussion politique peut s’avérer attractive.

 Ainsi le succès rencontré par les youtubeurs sur Internet éveille-t-il déjà l’intérêt des responsables politiques à la veille de l’élection présidentielle de 2017. 

Prenant également le contrepied du cadre de la politique télévisée, Jean-Luc Mélenchon propose depuis février 2016 sur sa chaîne YouTube une série d’entretiens, intitulée « Pas vu à la télé », dans lesquels il invite des « personnalités qui ont peu d'espace dans les médias audiovisuels classiques » et où chacun  « peut envoyer des questions » posées ensuite par le principal intéressé à son interlocuteur. Sans explicitement s’y référer, la communication du candidat témoigne du renouvellement des formats de discussion politique initié par les youtubeurs politiques. S’il n’est pas le seul responsable public à avoir investi la célèbre plateforme, la stratégie numérique portée par Jean-Luc Mélenchon a rapidement porté ses fruits au point que sa chaîne YouTube a dépassé en 2016 le seuil des 100 000 abonnés.

Dans le contexte hexagonal, cette audience apparaît exceptionnelle si on la compare à celle de responsables politiques de premier plan, comme François Fillon ou Manuel Valls, relativement peu investis sur les sites d’hébergement de vidéos. Ainsi les chaînes Dailymotion des deux candidats déclarés à l’élection présidentielle de 2017 ne rassemblent à ce jour que quelques dizaines d’abonnés. A contrario le succès rencontré par Jean-Luc Mélenchon sur sa chaîne personnelle semble tenir à l’implication dont il fait preuve dans sa communication sur YouTube et à l’attention accordée aux codes culturels et aux contenus des vidéos diffusées par les jeunes youtubeurs politiques.

L’offensive numérique du candidat témoigne plus globalement d’une stratégie de proximité entre le personnel politique et les citoyens. Il s’inscrit en ce sens dans la continuité d’une démarche initiée dans le monde politique au tournant des années 2000, avec comme point d’orgue les discussions relatives à l’adoption du traité constitutionnel européen en 2005. Les forums et l’activisme militant en ligne auraient à cet égard contribué à la victoire du « non ». La proximité a par ailleurs constitué l’argument affiché des blogs politiques lorsqu’ils sont apparus sur Internet, ou encore de l’emblématique forum participatif « Désirs d’avenir » lancé par Ségolène Royal à l’occasion de l’élection présidentielle de 2007. L’intérêt du personnel politique pour les dispositifs numériques est donc ancien, même si toutes les promesses communicationnelles portées par ces outils ne sont pas pleinement exploitées.

Dans un contexte de profusion médiatique, l’émergence des vidéos politiques sur les chaînes des youtubeurs français représente à cet égard une nouvelle opportunité stratégique pour les politiques, notamment lors des campagnes électorales. Avec plus de 80 000 abonnés, la chaîne « Hugo décrypte », lancée par un jeune étudiant de 19 ans, Hugo Travers, propose de brèves séquences de « décryptage » sur les sujets majeurs de l’actualité politique nationale et internationale. Fort du succès d’audience rencontré par sa chaîne, le jeune youtubeur a obtenu, avec l’appui de l’agence de presse Blog Presse Agency, la possibilité d’interviewer les principaux candidats à l’élection présidentielle de 2017. Engagés dans la primaire de la droite, cinq d’entre eux se sont livrés à « L’interview augmentée » menée par Hugo Travers. Inédite en France, l’initiative a déjà été mise en œuvre aux États-Unis où Barack Obama avait en 2015 répondu aux questions de trois célèbres youtubeurs.

Vers une standardisation des usages des vidéos politiques ?

L’événement suscité par l’initiative d’Obama n’est pas anodin et témoigne du pouvoir croissant prêté aux influenceurs dans les médias et dans le débat public. Il impose également aux youtubeurs une réflexion sur le devenir de la vidéo en ligne et de ses usages politiques.

L’attraction médiatique suscitée par ces objets d’un genre nouveau peut en effet rapidement conduire à leur normalisation dans l’espace balisé des pratiques de communication politique. L’hypothèse est tout à fait probable si l’on s’en tient à l’histoire des nombreux dispositifs numériques initialement présentés comme alternatifs voire révolutionnaires (forums, blogs, réseaux sociaux…) et qui, chemin faisant, se sont inscrits dans le jeu médiatique et politique traditionnel. La perspective d’une standardisation des usages des vidéos politiques prendrait ainsi le contrepied des principes et des velléités qui ont fait la notoriété des youtubeurs politiques français.

Privilégiant une analyse critique de l’actualité sociale et politique, nombre d’entre eux revendiquent une liberté de ton et une indépendance à l’égard des partis et des modèles d’information dont ils se sont précisément affranchis. Si l’engagement à gauche des plus célèbres d’entre eux s’inscrit en dehors des formations politiques, ils n’en oublient pas moins de se mobiliser pour peser dans le débat public. Lancé par un collectif de youtubeurs (dont Osons Causer, Bonjour Tristesse, Usul…), le hashtag #OnVautMieuxQueCa s’est présenté comme un outil de mobilisation contre la loi El Khomri. Ses promoteurs réalisent dans la foulée une vidéo collective, diffusée sur Facebook et You Tube, qui connaît un succès instantané. Saluée par les activistes militants opposés à la réforme du gouvernement et par plusieurs personnalités politiques, l’initiative rend compte des nouvelles formes d’engagement et de mobilisation déployées en ligne à partir des vidéos politiques.
 

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Crédits photo :
- Ina. Illustrations Laura Paoli Pandolfi
- Nicolas Sarkosy : Casse toi pauvre con, video Ina .fr
- Comment juger un candidat? Bilan vs. Promesses - Osons Causer, YouTube

- Faut-il un revenu universel ? - Présidentielle 2017, HugoDécrypte, YouTube

    (1)

    Aurélien LE FOULGOC, Politique et Télévision. Extension du domaine politique, Ina Éditions, Bry-sur-Marne, 2010. 

    (2)

    Philippe LEROUX, Philippe RIUTORT, La Politique sur un plateau. Ce que la télévision fait à la représentation, PUF, Paris, 2013. 

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