De quel acier sont faits les succès de DC Comics ?

De quel acier sont faits les succès de DC Comics ?

Considéré comme le créateur du comic book de super-héros aux États-Unis, seul vrai compétiteur de Marvel, le label DC Comics fait vivre depuis plus de 75 ans des personnages dont le potentiel économique semble ne pas vouloir s'épuiser.

Temps de lecture : 14 min

Aux États-Unis, la carte des éditeurs de comic books (1) est d'une extrême simplicité. Deux géants, Marvel et DC Comics, se partagent, depuis les années 1970, près de 80 % du marché(2) . DC Comics trouve ses origines dans la maison National Allied Publications, créée en 1934 par Malcolm Wheeler-Nicholson. En 1944, une fusion est opérée avec deux autres structures d'édition, All-American Publications et Detective Comics, pour donner naissance à National Comics. Les initiales DC qui étaient apposées sur les magazines de la maison Detective Comics sont maintenues sur les couvertures des projets de la nouvelle maison, car les publications de Detective Comics ont pour elles un lectorat fidèle et une très bonne réputation en termes de qualités graphique et narrative. Habitué à voir tous les magazines de National Comics frappés de la marque DC, le lectorat fait l'impasse sur le véritable nom de la nouvelle maison d'édition pour parler, tout simplement, de DC Comics. Le nom s'imposera de lui-même à la société, mais devra attendre 1977 pour être officialisé.

Si la maison DC Comics a posé les premières bases de son empire quatre ans avant que la maison Marvel ne connaisse ses prémices avec Timely Publications(3) , son âge légèrement plus avancé – quatre ans à peine – suffirait-il à expliquer l'essoufflement et ce léger retard, permanent, dans la course contre sa grande rivale ? En effet, depuis les années 1970, les ventes et chiffre d'affaires de Marvel dépassent régulièrement ceux de DC Comics sur les activités d'édition. L'écart s'est cependant creusé dans les années 1990 ; et sur la première moitié de l'année 2011, DC Comics se trouve toujours, en moyenne, 10 % derrière Marvel en termes de parts de marché, selon les chiffres mensuels de Diamond Comic Distributors, société en charge de la distribution de comics et produits dérivés auprès des librairies et points de vente spécialisés.

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Résultats de DC Comics et Marvel sur le marché du comic book aux États-Unis, mois de juillet 2011. Chiffres Diamond Comic Distributors.
Pour défendre sa place sur le marché des comics, la marque DC a suivi une stratégie essentiellement binaire : il s'agit de privilégier des choix adaptés aux supports lorsqu'il s'agit de faire évoluer les éléments de fiction, avec une politique du grand chamboulement pour les histoires des formats papier, et de faire preuve d'un esprit de solide constance quand les super-héros doivent apparaître sur petit ou grand écran.

Les franchises de héros de comics sont par ailleurs exploitées sur une quantité phénoménale de produits dérivés (des jeux vidéos au textile, en passant par le matériel scolaire ou les figurines diverses et variées). La maison DC réalise une part non négligeable de son chiffre d'affaires globale sur ce secteur. L'absence de données chiffrées précises et complètes sur de domaine ne nous permet malheureusement pas d'intégrer cette composante dans l'évaluation de la marque DC Comics.

Et DC créa le premier surhomme

Dans la grande Bible des comics de super-héros, Clark Kent – alias Superman – et Loïs Lane font figure d'Adam et Eve. Lorsque la maison DC Comics décide de jouer la carte de l'innovation, à la fin des années 1930, en proposant pour la toute première fois un magazine de bande-dessinée consacré entièrement à un personnage aux capacités sortant de l'ordinaire, c'est celui que l'on connaît comme l'Homme d'Acier(4) qui fait son baptême en même temps qu'un type de publication jamais expérimenté. En effet, avec la sortie de Action Comics #1 en juin 1938, le lectorat américain assiste à la naissance simultanée d'un surhomme, venu de Krypton, et d'un genre de magazine nouveau : jamais, jusqu'alors, un journal de bande-dessinées n'avait fait le choix d'une ligne éditoriale centrée exclusivement sur des super-héros. Cette formule est promise à une longévité sans pareille et fera l'âge d'or du comic book aux États-Unis. 

Premier numéro de Action Comics (juin 1938). Crédits : j_philipp / flickr.
La recette expérimentée par Malcolm Wheeler-Nicholson chez DC Comics révèle rapidement son caractère prometteur : la mise en place d'un personnage récurrent, Superman, plaît au lectorat, qui reste fidèle de numéro en numéro et voit ses rangs s'agrandir. L'éditeur Martin Goodman prend bonne note de cette nouvelle opportunité éditoriale et décide de répéter la formule en lançant, dès 1939, son propre magazine consacré à des super-héros, Marvel Comics. À maintes reprises, DC Comics jouera un rôle de précurseur, montrant la voie du succès au très bon observateur Marvel. Les inconditionnels des comic books se souviennent que c'est DC qui, au début des années 1960, a l'idée de réunir plusieurs de ses figures emblématiques en Ligue des Justiciers d'Amérique (la Justice League of America ou JLA). Le concept sera copié dès l'année suivante par Marvel, avec les  Vengeurs (The Avengers). Ce n'est pas sans raison si les équipes de Marvel elles-mêmes détournent les initiales DC de la maison rivale(5) pour honorer son « Distingué Concurrent » (« Distinguished Concurrent »).

Très vite après l'opération de reconnaissance menée avec Superman en 1938, DC Comics met en place une armée de personnages phares, conduite par Batman (créé en 1939), Flash et Green Lantern (tous deux en kiosques dès 1940), ou encore Wonderwoman (apparue en 1942). Dans la conception de ses personnages et de leurs univers, la maison DC privilégie une identité qui se distingue des choix faits par Marvel. Chez Marvel, les héros ont bien souvent une part d'humanité évidente, mise en lumière par des défauts tout ce qu'il y a de plus commun, comme Peter Parker, alias Spiderman, qui est à l'origine un adolescent peu sûr de lui. De plus, les protagonistes Marvel évoluent dans des villes bien connues, notamment New York City, terrain très fertile en héros. Au contraire, dans l'imaginaire DC, les cités sont fictives(6) et les super-héros sont présentés comme des personnes atypiques, à la limite du statut de paria(7) . Cette distinction des marques de fabrique n'a pas été un argument suffisamment important pour freiner Marvel dans son intention de racheter son concurrent, au cours des années 1970. C'est à cette époque que les ventes de produits éditoriaux de la maison de Martin Goodman commencent à dépasser de manière régulière celles de DC, qui enregistre une baisse de chiffre d'affaires sur son activité éditoriale. Mais si la maison-mère de Batman, Superman et Wonderwoman est prête à renoncer à une part d'indépendance pour s'offrir de nouvelles bases financières, plus larges et plus solides, elle se refuse à laisser son image se dissoudre dans un rachat qui ferait de DC un simple complément de matière pour les collections Marvel. C'est dans les mains d'une autre intéressée, la Warner Communications(8) , que DC Comics décide de placer son avenir. Le choix est loin d'être innocent : en se plaçant sous l'égide d'une société qui concentre l'essentiel de son activité sur les formes « modernes » du divertissement (industrie musicale, cinéma et télévision), la maison DC peut espérer garder un vrai pouvoir sur sa marque éditoriale, tout en élargissant les possibilités d'exploitation de ses franchises. Sans effort financier, DC Comics s'apprête à renforcer la présence de ses héros sur les supports prometteurs du cinéma et de la télévision.

DC contre-attaque : hyperactivité éditoriale et premiers succès dans l'image animée

DC Comics n'a pourtant pas attendu le début des années 1970 et le patronat de Warner Communications pour organiser sa défense face à la montée en puissance de Marvel. En 1966, DC expérimente une toute nouvelle fenêtre d'exposition pour ses productions : c'est Batman qui, sur la chaîne américaine ABC, est le premier héros de la palette à être transposé sur petit écran, pour une série récurrente  de 120 épisodes, produits par la 20th Century Fox, avec de vrais acteurs et une bonne dose d'onomatopées en couleurs tapantes(9) . Le projet est salvateur à double titre : il redynamise l'audience d'ABC, qui avait atteint un seuil critique, et permet à DC Comics de relativiser la baisse de chiffre d'affaires sur son activité historique, l'édition.

Pour regagner le terrain perdu sur Marvel, DC Comics opte, en 1978, pour une solution radicale : il s'agit de reconquérir les kiosques en les inondant de titres, inédits ou dérivés des publications déjà existantes. C'est l' « explosion DC », selon les termes mêmes de la maison. La matière nécessaire à cette démultiplication des titres, DC la fabrique de toutes pièces, avec la mise en place de nouveaux personnages (Firestorm ou The Shade), ou la tisse à partir de sa longue trame de fiction, en mettant  en avant des personnages jusqu'alors secondaires (les acolytes et les ennemis des super-héros les plus populaires). DC tente d'attirer le lectorat en proposant régulièrement des suppléments et fait passer le prix de ses comic books de 30 à 50 cents. La Warner Communications, la maison-mère de DC Comics,  n'attend pas deux années complètes avant de corriger le tir : le nombre de publications est ramené à des proportions plus raisonnables au début des années 1980 et les équipes de travail sont réduites en conséquence. Les analystes du secteur pointent, avec ironie, l'« implosion DC ».

La politique autoritaire de la Warner Communications est loin de signifier un désintéressement pour la marque DC. En bon investisseur du secteur du divertissement, la compagnie préfère donner la priorité à la valorisation des franchises sur petit et grand écran, des champs d'exploitation au potentiel de rentabilité beaucoup plus important : le premier Superman, incarné par Christopher Reeve, frappe en 1978.

L'aventure TV-cinéma : un succès construit sur un jeu réduit de franchises

En matière d'adaptations télévisées et cinéma, il semble que DC ait tiré quelques leçons de ses expériences dans le domaine de l'édition : la maison a compris que chercher à exploiter un maximum de personnages n'était pas forcément la stratégie la plus judicieuse. En 1985, DC Comics a choisi de remédier aux ventes en baisse en kiosques et librairies en procédant à une simplification radicale de son univers fictionnel. Pour son cinquantième anniversaire, le label publie Crisis on Infinite Earths (10) , une série en douze parties sous forme de crossover(11)  . DC Comics fait peau neuve en abandonnant son concept historique de « Terres multiples », selon lequel un seul et même héros pouvait exister sous différentes formes, sur différentes planètes et dans différentes dimensions temporelles. De nombreux éléments sont, par conséquent, rayés de l'univers DC. L'objectif : gagner en force en évitant le piège des incohérences et des confusions, pour ne pas déstabiliser et perdre le lecteur. Cette carte simplifiée, un choix radical sur le plan de la fiction, a en quelque sorte son pendant dans la stratégie que choisit DC pour l'image animée, où cohérence et nombre réduit de figures sont les maîtres mots. Le parallèle des orientations stratégiques dans les domaines de l'édition et du cinéma a par ailleurs un point de départ symbolique fort : c'est Superman qui, à précisément cinquante ans d'intervalle, inaugure la grande aventure des salles obscures, après avoir sonné le début de la bataille pour la conquête des kiosques.

La tactique pour le petit et le grand écran n'a rien de surprenant : sont mises en avant les franchises fortes, des personnages qui ont valeur d'icône dans la culture populaire et qui ont déjà prouvé leur capacité à durer sur les produits papier. Ainsi, de la fin des années 1960 aux années 2010, DC Comics et sa maison-mère, la Warner, ont joué l'essentiel de leur succès sur seulement deux franchises phares, Batman et Superman.

Pour leur première version sur grand écran, Superman et Batman ont tous deux eu droit à un traitement en série sur une dizaine d'années (quatre films pour Superman entre 1968 et 1987, quatre films aussi pour Batman entre 1989 et 1997). Leurs bilans sont d'une grande similarité. Les premiers volets séduisent le public et sont très rentables en termes de recettes. Mais le choix de dépasser le format du triptyque avec une quatrième histoire qui s'essouffle vient, dans les deux cas, noircir le tableau : Superman IV est une opération financière clairement négative ; Batman et Robin(12) , malgré ses 238 millions de recettes au box-office mondial, se révèle moins rentable. Bien que le coût de production des films Batman ait augmenté de film en film, c'est la première apparition de « l'homme chauve-souris » sur grand écran qui a réalisé les meilleures recettes. Le constat vaut aussi pour les aventures de Superman. Le public s'enthousiasme avant tout pour les épisodes de lancement ; c'est la grande nouveauté qui semble le plus à même de séduire le spectateur.

Chiffres Box Office Mojo.
Il est vrai que Superman a fait une entrée remarquée dans les salles de cinéma en 1978 : trois nominations aux oscars, plus de 300 millions de dollars de recette à travers le monde pour un budget de production chiffré à 55 millions de dollars (Chiffes Box Office Mojo). Par la suite, les volets II, III et IV sont livrés à des intervalles de trois à quatre années, ce qui correspond à des délais de production standard. Si Superman et Superman II offrent un bilan similaire lors de leur sortie aux États-Unis, les recettes moins importantes de Superman III sur le territoire national ne l'empêchent pas de se classer en 7ème position des films ayant réalisé le plus d'entrées aux États-Unis en 1983 (Chiffres Box Office Mojo) et de rencontrer un grand succès à l'international. La critique, elle, est loin d'être enthousiaste. DC opte alors pour une tactique basique : offrir une pause aux spectateurs en dédiant un film complet à un nouveau personnage, connecté à l'univers du héros en titre. L'objectif : enrayer l'effet de lassitude sans perdre cependant l'attachement du public. C'est Supergirl qui se voit confier cette mission. Le pendant féminin de Superman atteint la première place du box-office américain en première semaine, mais restera dans les annales comme un film pauvre en bonnes idées et en retombées financières. Superman IV viendra boucler l'épopée avec un budget de production moindre et des recettes en salles minimes en comparaison aux autres volets Superman.
Chiffres Box Office Mojo (Les recettes au box office mondial n'étant pas disponibles pour l'ensemble des films Superman, le tableau ci-dessus a été axé sur une approche « box office américain »).
En télévision aussi, Superman et Batman restent les grands représentants de l'univers DC, avec des séries animées à la vie longue. Le personnage de Superman a par ailleurs fourni la matière de trois séries à succès, avec Les Aventures de Superman(13) et, pour l'époque la plus récente, Loïs et Clark : les nouvelles aventures de Superman (14) et Smalville (15) .

Contrairement à Marvel qui a donné leur chance à de nombreux personnages de sa collection, DC a joué avec obstination la carte de la prudence, ne portant à l'écran que les stars de kiosques. Des figures autres que Superman et Batman ont eu leur heure de gloire dans l'image animée : Wonderwoman et Flash ont relevé le défi du petit écran, avec brio pour la Wonderwoman des années 1970, avec honneur pour le Flash des années 1990 et avec faiblesse pour la dernière Wonderwoman en date, proposée par NBC en 2011. Au cinéma, seuls La Créature du marais (1989) et Steel (1997) sont venu perturber la routine Batman-Superman, mais les deux films sont passé inaperçus.

Après les résultats peu brillants du film Catwoman en 2004(16) , DC opère un retour aux sources : dès 2005, Batman et Superman occupent à nouveau toute la scène cinématographique. Pour Batman, c'est la logique de saga qui est à nouveau mobilisée : Batman Begins (2005) réalise une recette de plus de 372 millions de dollars au box office mondial et sert de tremplin à The Dark Knight, qui dépasse le milliard de dollars de recettes cinéma dans le monde. La Warner Bros. tentera de renouveler ce succès à l'été 2012, avec un troisième volet, The Dark Knight Rises.

Pour la franchise Superman, la Warner Bros. a annoncé une remise à zéro des compteurs : après les chiffres décevants du Superman Returns proposé en 2006 (17) , les studios ont confié au réalisateur Zack Snyder un redémarrage en force des aventures du premier héros DC. Son Superman Reboot : The Man of Steel est attendu pour décembre 2012.

Sur l'ensemble des projets cinéma dérivés de l'univers DC, seule une franchise aura réussi, parallèlement aux filons Batman et Superman, à se démarquer et à rester dans les mémoires comme une transposition réussie : le phénomène éditorial des Watchmen donne matière à un film qui, en 2009, rassemble largement le public des fans DC. Le résultat financier est satisfaisant, mais reste modeste, avec une recette mondiale en salles dépassant les 185 millions de dollars, pour un budget de production atteignant les 130 millions de dollars (Chiffres Box Office Mojo).

Une entrée active dans l'ère numérique

C'est peut-être son dernier projet cinéma qui témoigne le plus fortement de la détermination de l'alliance DC-Warner à rester dans la course, voire de reprendre la tête dans l'exploitation des franchises de super-héros. Pour préparer la sortie du premier film dédié à Green Lantern(18) , DC n'a pas omis de s'inscrire dans l'air du temps : la « Lanterne verte » est la première franchise DC à bénéficier du soutien marketing d'une application numérique. Cette dernière comprend, entre autres, une fonction de géolocalisation pour repérer les librairies proposant des numéros consacrés à Green Lantern, de quoi renforcer l'interraction édition-cinéma et doper les retombées économiques sur tous les fronts.
 
Cette sensibilité au numérique, aujourd'hui difficilement évitable pour tout blockbuster digne de ce nom, la maison DC l'a confirmée avec une annonce faite le 31 mai 2011, auprès du journal USA Today, puis par le biais d'un blog officiel de DC : dès la rentrée de septembre, DC est le premier éditeur de comics à proposer une seule et unique date de sortie pour les versions papier et numérique de ses publications. Cet alignement des dates de sortie coïncide avec un rebaunch. Le rebaunch consiste à opérer une renumérotation des magazines, en recommençant à partir d'un numéro 1. Cette réinitialisation des « collections » a été lancée par DC le 31 août 2011, pour des titres historiques comme la Justice League of America, Wonderwoman, Batman ou Superman.
 
Couverture du nouveau numéro 1 de la série Batgirl, suite au rebauch d'août 2011.
Avec 52 « nouveaux » titres, qui fouillent le passé et la légende derrière chaque personnage, tout en les rattachant à des thèmes d'actualité, la maison DC cherche à s'attacher les faveurs d'un nouveau lectorat. En date du 31 septembre 2011, la réinitialisation des collections DC était présentée comme positive : le numéro 1 de la Justice League of America est, selon les estimations de Diamond Comic Distributors, la meilleure vente de comic, non seulement pour le mois d'août 2011, mais aussi pour l'année 2011. Si, fin septembre, quatre réimpressions avaient déjà été nécessaires pour satisfaire la demane sur la Justice League of America, d'autres titres, comme Action Comics ou Batgirl, ont eux aussi rencontré leur succès : en date du 31 septembre 2011, trois réimpressions avaient déjà été opérées pour ces deux magazines. À cette date, 11 titres avaient déjà dépassé les 100 000 exemplaires vendus(19) , comme le rapporte le site ActuaLitté.
 
En déployant son renouveau éditorial simultanément sur le papier et sur le Web, DC souhaite également accompagner les lecteurs de longue date dans leur évolution vers des outils de lecture à la pointe de la modernité, et à prouver sa considération à leur égard en ne différant pas la date de disponibilité des magazines sur les supports numériques. La maison DC fait ainsi preuve de cohérence dans sa politique Web : en 2007, l'éditeur avait d'ores et déjà prouvé son intérêt pour le numérique en lançant un portail d'édition de webcomics (des comics uniquement publiés sur le Web), baptisé Zuda Comics avec pour objectif de découvrir et valoriser de nouveaux talents.
 
Page d'accueil du portail Zuda Comics.
 
L'investissement de DC Comics sur le média numérique est une orientation qui s'avère rentable : le secteur a observé un équilibrage progressif des ventes de comics en version papier et de comics en version numérique(20) . En 2009, le marché des comics numériques, toutes publications et toutes maisons d'édition confondues, a atteint les 300 millions de dollars, tandis que les ventes classiques se sont chiffrées à 429,47 millions de dollars soit une baisse de 2 % du chiffre d'affaires par rapport à l'année précédente.
 
Si la maison DC est sensible aux nouveaux vecteurs de la modernité, elle n'en oublie pas pour autant des recettes plus « classiques » : depuis le mois d'octobre 2011, l'éditeur offre un numéro de la Justice League of America dans les paquets de céréales de General Mills Cereals. Cette opération, qui concerne le marché américain, cible un lectorat très jeune, celui pour qui la mise en contact avec les publications de DC n'est pas évidente : il s'agit d'une population « nouvelle », qui n'a pas grandi avec les comics, et qui est trop jeune pour avoir un accès naturel et facile aux derniers outils de lecture du type tablettes numériques. L'éditeur de Superman a bel et bien pensé à attaquer sur tous les fronts.

La guerre des super-héros : un éternel schéma bipolaire

Malgré l'élargissement de leur activité historique d'éditeurs à des pans plus larges du secteur du divertissement, Marvel Comics et DC Comics, devenus les cœurs des grandes structures que sont Marvel Entertainment et DC Entertainment, n'auront pas échappé à l'intégration au sein de groupes aux moyens financiers plus conséquents. Avec le rachat de Marvel Entertainment par la Walt Disney Company, le 31 août 2009, le schéma originel de l'opposition Marvel-DC Comics n'est en rien brouillé. Car c'est au patrimoine du grand concurrent de Disney, Time Warner, qu'est inscrite, pour sa part, la maison DC. Une logique de poupées russes est mise en place, où les concurrents de second plan sont ralliés, de part et d'autre, à des concurrents de rang supérieur. Rien n'est par ailleurs modifié dans la distribution des forces, puisque la maison-mère de DC Comics se range, en matière de poids financier, derrière la maison-mère de Marvel : en 2010, Time Warner affichait 2,578 millards de dollars de recettes nettes, contre 4,313 milliards pour Disney.
 
En matière de savoir-faire, cependant, Disney et la Time Warner ont une expérience comparable à offrir à Marvel et DC. Il semble que les super-héros Marvel et DC soient destinés à être encore au coude à coude pour de nombreuses années. Un essoufflement des franchises de l'un se laisse difficilement concevoir sans un essoufflement des franchises de l'autre : la plus grande menace pour les professionnels du secteur serait l'apparition d'un désintérêt radical – et généralisé – des consommateurs de divertissement pour les formats et les univers fictionnels propres aux super-héros.

Données clés

DC Entertainment Inc.
1700 Broadway, 7th Floor
New York, NY 10019
United States

Tél. : 212-636-5400
Fax : 212-636-5481

Site officiel DC ComicsSociété-mère
Time WarnerFiliales de DC Comics
- Vertigo (publications axées sur le fantastique) ;
- Wildstorm (publications axées sur la science-fiction).Chiffre d'affaires
non communiqué.Présidente de DC Comics : Diane Nelson ;
Directeur ventes, marketing et business : John Rood ;
Directeur financier et administratif : Patrick Caldon ;
Directeur artistique : Geoff Johns.

Références

Site officiel DC Comics.

Paul LEVITZ, 75 years of DC Comics, Taschen, 2010.

Chronique de l'ouvrage de Paul LEVITZ par Laura PERTUY pour le magazine Trois couleurs (cinémas MK2) : 75 ans en collants, 9 novembre 2010.

--
Crédits photos : ressources et visuels DC Comics, site officiel.

    (1)

    Les magazines de bande-dessinées à l'américaine, proposant des séries autour de héros faits de muscles et de superpouvoirs. 

    (2)

    Chiffres Diamond Comics Distributors.

    (3)

    Cette maison à l'origine de Marvel est créée en 1939. 

    (4)

    Le surnom de Superman, « The Man of Steel » dans la version originale.

    (5)

    Tirées, à l'origine, d'une des publications les plus rentables lancées par Wheeler-Nicholson, Detective Comics. Ce titre mettait essentiellement en images, à l'origine, des enquêtes et intrigues policières. Le magazine existe depuis 1937. Il est toujours distribué aux États-Unis en 2011. 

    (6)

    On se perd dans Gotham City avec Batman et on survole Metropolis avec Superman. 

    (7)

    Superman est à proprement parler un extra-terrestre, tandis que Bruce Wayne – Batman est un milliardaire qui vit la plupart du temps coupé du monde, dans son manoir. 

    (8)

    Créée en 1971, la société donnera naissance, entre autres, à Warner Bros. Pictures. 

    (9)

    Le premier générique est néanmoins réalisé sur le mode du dessin animé. 

    (10)

    Crisis on Infinite Earths est scénarisé par Marv Wolfman et mis en images par George Perez. 

    (11)

    Croisement de plusieurs trames de fictions différentes, impliquant plusieurs héros. 

    (12)

    Ce film conclut la série de quatre volets confiés, pour les deux premiers, à Tim Burton, et, pour les deux derniers, à Joel Schumacher. 

    (13)

    Première diffusion entre 1952 et 1958.

    (14)

    Première diffusion : 1994. 

    (15)

    Première diffusion : 2011. 

    (16)

    Les critiques sont unanimes sur la catastrophe artistique de ce film porté par l'actrice Halle Berry. Avec un budget de production de 100 millions de dollars, il a réalisé à peine 40 millions de dollars de recettes dans les salles américaines et 82 millions à travers le monde. 

    (17)

    Une recette mondiale de 391 millions de dollars, pour un budget de production s'élevant à 270 millions de dollars (Chiffres Box Office Mojo).

    (18)

    Sorti en salles début août 2011.

    (19)

    Justice League, Action Comics, Batgirl, Batman, Batman and Robin, Batman : The Dark Knight, Detective Comics, Flash, Green Lantern, Superman et Aquaman. 

    (20)

    La BD s'installe sur Internet, Le Firago, 29 janvier 2010. 

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